Toutes les sphères de l'existence sont désormais pénétrées par le capital, et la mise en ordre des sociétés humaines s'effectue dorénavant selon une seule et même directive, celle de la computation numérique. Mais alors que tout pousse vers une unification sans précédent de la planète, le vieux monde des corps et des distances, de la matière et des étendues, des espaces et des frontières, persiste en se métamorphosant. Cette transformation de l'horizon du calcul se conjugue paradoxalement avec un retour spectaculaire de l'animisme, qui s'exprime non sur le modèle du culte des ancêtres, mais du culte de soi et de nos multiples doubles que sont les objets.
Avec le devenir-artificiel de l'humanité et son pendant, le devenir-humain des machines, une sorte d'épreuve existentielle est donc engagée. L'être ne s'éprouve plus désormais qu'en tant qu'assemblage indissociablement humain et non humain. La transformation de la force en dernier mot de la vérité de l'être signe l'entrée dans le dernier âge de l'homme, celui de l'être fabricable dans un monde fabriqué. À cet âge, Achille Mbembe donne ici le nom de brutalisme, le grand fardeau de fer de notre époque, le poids des matières brutes.
La transformation de l'humanité en matière et énergie est le projet ultime du brutalisme. En détaillant la monumentalité et le gigantisme d'un tel projet, cet essai plaide en faveur d'une refondation de la communauté des humains en solidarité avec l'ensemble du vivant, qui n'adviendra cependant qu'à condition de réparer ce qui a été brisé.
2020-01-29 - Thomas Mahler - Le Point
Dans son nouvel essai, le penseur camerounais revient sur ce qui caractérise selon lui notre époque, le développement des technologies et une violence généralisée envers les populations. [...] Si la lecture de notre époque développée dans Brutalisme est glaçante, elle n'est pas sans solutions. Achille Mbembe semble avoir délaissé le pessimisme de Politiques de l'inimitié. Sans doute, parce que depuis, avec Felwine Sarr – avec qui il a créé Les Ateliers de la pensée de Dakar –, il voit en l'Afrique, un " laboratoire de mutations d'ordre planétaire ". Ce qui était réservé à ce continent peut être dorénavant appliqué à toute l'humanité.
2020-02-09 - Séverine Kodjo-Grandvaux - Le Monde Afrique
Achille Mbembe est un penseur mondial. Pour une fois le cliché convient, tant son travail – aux confins de l'histoire, de l'anthropologie et de la philosophie politique – englobe à la fois toute la planète et une grande part des problèmes qui s'y posent. [...] Ce qui est beau – et parfois troublant – dans la lecture d'Achille Mbembe, c'est qu'il passe très vite d'un vocabulaire à l'autre, d'un plan à l'autre. L'échelle du cosmos et celle de l'insecte s'entrechoquent, dans une langue qui fait coexister l'abstrait, le technique et le lyrique. Mais toujours, on lui sait grand gré de penser profond et large.
2020-02-13 - Xavier De La Porte - L'Obs
Achille Mbembe est, assurément, un penseur planétaire. [...] L'ampleur de sa vision, et son acuité à déchiffrer les violences de l'époque - ses "réserves d'obscurité" -, font de lui l'un des intellectuels contemporains les plus singuliers.
2020-03-04 - Juliette Cerf - Télérama
Avant-propos
Introduction
La combustion du monde
Le pharmakon de la Terre
1. La domination universelle
La chaîne de gestes
Ponctions
Troubles de l'identité
2. Fracturation
Le corps de la Terre
Escalade
Frontiérisation
Claustration et expurgation
3. Animisme et viscéralité
De la vie démoniaque
La zone obscure
Misères du temps
Anti-identité
4. Virilisme
Tremblement des sens
Le
phallos
Sociétés onanistes et pulsion d'éjaculation
Panique génitale
5. Corps-frontières
Des hommes " en trop "
Mathématiques de la population
Néomalthusianisme
6. Circulations
L'humanité en cage
Sédentarisation au forceps
Enclavement
Contraction du monde
7. La communauté des captifs
Désir d'être leurré
Partir
Saillies
Métaphysiques du " chez soi "
Le mouvement immobile
8. Humanité potentielle et politique du vivant
Paganisme et idolâtrie
Différence et apocalypse
Boulet de dettes
Perte de monde
La capacité de vérité
Conclusion