Lorsque je lis, une voix en moi m'intime de lire (" lis ! "), tandis qu'une autre s'exécute, prêtant sa voix à celle du texte, comme le faisaient les antiques esclaves lecteurs que l'on rencontre notamment chez Platon. Lire, c'est habiter cette scène qui, même lorsqu'elle est intériorisée dans une lecture apparemment silencieuse, reste plurielle : elle est le lieu de rapports de pouvoir, de domination, d'obéissance, bref, de toute une micropolitique de la distribution des voix.
L'écoute attentive de la polyphonie vocale inhérente à la lecture conduit vers ses zones sombres : là où, par exemple chez Sade ou dans des jurisprudences récentes, elle peut devenir un exercice violent, punitif. Mais en prêtant ainsi l'oreille aux rapports conflictuels des voix lisant en nous, on est aussi conduit à revisiter l'idée, si galvaudée depuis les Lumières, selon laquelle lire libère. Les zones sombres de la lecture sont ses zones grises : là où lectrices et lecteurs, en faisant l'épreuve des pouvoirs qui s'affrontent dans leur for intérieur, s'inventent, deviennent autres. Aujourd'hui plus que jamais, à l'ère de l'hypertexte, lire, c'est faire l'expérience des puissances et des vitesses qui nous traversent et trament notre devenir.
Cette archéologie du lire dialogue avec nombre de théories de la lecture, de Hobbes à de Certeau en passant par Benjamin, Heidegger, Lacan ou Blanchot. Mais elle s'attache aussi à ausculter, d'aussi près que possible, de fascinantes scènes de lecture orchestrées par Valéry, Calvino ou Krasznahorkai.
2022-07-11 - Sean Rose - Livres Hebdo
Depuis que la lecture ne se fait plus à voix haute, nous qui lisons dans un silence solitaire devons nous poser la question : qui lit quand on lit ? D'où vient " cette petite voix tacite qui lit en moi " ? Est-elle la mienne, celle de l'auteur, des personnages, ou bien, à l'occasion, la " voix de la raison " chère à Kant ? Est-elle transformée par les nouvelles manières de lire, comme lorsqu'on navigue sur Internet d'un texte à l'autre en cliquant sur un mot ? Pour explorer ces questions, Peter Szendy propose une hypothèse brillante, en quelque sorte théâtrale, qui parie que rien n'a changé depuis l'Antiquité.
2022-09-01 - Maxime Rovere - Philosophie magazine
Dans " Pouvoirs de la lecture ", le philosophe Peter Szendy propose une analyse politique novatrice de l'acte de lire.
2022-09-02 - Nicolas Weill - Le Monde
De l'Antiquité à l'ère numérique, le philosophe Peter Szendy ausculte notre rapport à la lecture. Source de plaisir et libératrice, elle peut aussi causer bien des conflits intérieurs.
2022-09-07 - Juliette Cerf - Télérama
Avec un essai qui puise dans une histoire remontant à Platon, le philosophe et musicologue montre comment la lecture est une scène acoustique animée, habitée de multiples voix et de relations de pouvoir intériorisées.
2022-09-08 - Robert Maggiori - Libération
... as-tu commencé à lire ?
Une voix étrangement familière (
L'Homme au sable)
L'anagnoste et l'archonte
Aimer-lire (
Phèdre)
Le lecteur sans nom (
Théétète)
L'impératif catégorique de la lecture (
La Philosophie dans le boudoir)
Au tribunal (
Madame Bovary)
Les genres de la lecture (
Si une nuit d'hiver un voyageur)
Lire, lier, délier
La machine à lire (
Léviathan)
Lire vite (
trois fois Faust)
Le courrier des lecteurs (
Guerre et guerre)
L'archilecture