" Dans une semaine, j'échange ma place contre la liberté, je la cède à une autre, à un autre sein. Je vends tout à une autre femme. J'imagine une silhouette avec un bandeau sur les yeux, anonyme. J'aurai la guérison modeste. Du jour où je suis entrée dans cet endroit, j'ai compris que c'était un nouveau "chez-moi". Un point de passage à fréquenter le moins possible, mais voilà : Curie, c'est chez moi et c'est chez nous. Il ne peut en être autrement. Jeudi, je partirai peut-être sur la pointe des pieds, sans le dire à aucune de celles qui attendent là, mais je partirai. Et le fait même de partir en fera venir une autre. Le premier jour, elle s'approchera d'un siège avec timidité, et puis comme tout le monde, elle s'assiéra en baissant lentement les genoux. Elle regardera alentour avec pudeur, en s'attachant le moins possible aux visages. "
" On lui avait juste dit: "Il n'y a rien, c'est juste un examen de routine". Le médecin avait même précisé: "Rendez vous dans 15 jours pour les résultats, mais soyez tranquille, vous n'avez rien". Quand Sylvia Tabet revient, elle est seule, pourquoi diable s'inquiéter? "Mon chirurgien avait l'air fermé, il ne souriait pas... J'ai imaginé qu'il était de mauvaise humeur à cause de ce retard dans la consultation. Il me dit d'emblée: "Vous êtes seule?" Là, il se lève, sa bouche ne souriait toujours pas, il me regarda et m'entoura de son bras, je me suis sentis comme une petite fille tout à coup. Puis il me dit: "Je suis désolé, ça n'arrive jamais. Mais vous avez un cancer qui a démarré. Je vous réopéré la semaine prochaine. Mercredi. Je suis désolée..." Encore un livre témoignage sur son cancer? Oui. Et c'est tant mieux. On devrait rendre obligatoire la lecture de certains livres de patients aux étudiants en médecine, tant on apprend des choses, tant l'on découvre l'importance du regard du malade, ce que les sociologues appellent le "savoir profane", cette expérience unique faits de petits riens mais qui sont essentielles dans la prise en charge. Sylvia Tabet est une artiste peintre. Elle écrit aussi. "Hier, le radiothérapeute m'a annoncé que le traitement serait terminé dans deux semaines. Tout à coup, la fin semble si proche; mais tout de même, encore deux semaines. J'ai demandé si cette date du 15 octobre était ferme. Il m'a répondu: "Oui si l'on exclut une panne des machines d'ici là. Pourquoi, vous avez l'intention de partir au bout du monde pour oublier tout ça?" J'ai répondu: "Oui, peut-être". Mais c'est surtout dans les petits moments passés dans la salle d'attente, qui sont parfois si longs, que le livre est magnifique. Ces moments qui ne servent à rien, et pourtant décisifs. "
LIBERATION
" Entre récit et journal intime, l'auteure laisse errer ses pensées qu'elle nous livre depuis les rues attenantes à l'hôpital, en passant par la salle d'attente, jusqu'à la machine à rayons, "Orion". De là, naît un témoignage étonnant sur un autre ordinaire, celui que crée et impose la maladie. Dans ce microcosme provisoire, le cancer perd son caractère exceptionnel; il devient un élément de référence du quotidien. "Mon travail c'est de me soigner. C'est un travail à part entière", écrit-elle. Les "collègues" sont les autres patientes. Les autres exclues du cadre, sont des intrus de ce monde intérieur. Nulle part l'auteure ne dramatise ni ne sombre dans le suspens ou le voyeurisme. Il ne s'agit pas d'un récit sur l'horreur que représente un cancer. Les détails pathétiques et tragiques, les descriptions morbides sont soigneusement évités. [...] On lira ce récit avec un regard différent et neuf sur cette maladie. Loin de la métaphore du crabe mortifère, l'auteure rappelle qu'aujourd'hui on en guérit, et qu'elle peut - comme c'est ici le cas - ne constituer qu'une étape, une expérience. "
LE MONDE
2024-11-21 - PRESSE
Prologue
PREMIÈRE PARTIE
La caverne
DEUXIÈME PARTIE
Les traces
TROISIÈME PARTIE
Les brûlures