La pratique du poker a explosé ces dix dernières années. En France, et pour le seul jeu en ligne, 1,7 million de joueurs ont misé presque 8 milliards d'euros en 2012. Pourquoi un tel engouement ? Un joueur mène l'enquête. Mobilisant des références multiples, Lionel Esparza explique ce qui fait aujourd'hui la prodigieuse puissance d'attraction d'un jeu pourtant ancien.
Il raconte comment s'est constitué le poker moderne, dont on suit les pérégrinations depuis les bouges de La Nouvelle-Orléans du XIXe siècle jusqu'aux tournois électroniques planétaires d'aujourd'hui. Afin de saisir les raisons de son affinité avec les désirs contemporains, il en analyse aussi les ressorts, la logique interne. La table de poker fonctionne comme un modèle réduit où se résume l'essentiel des obsessions contemporaines : le désir d'argent, le goût pour la compétition effrénée, l'expérience de l'impondérable dans une société dominée par les exigences du calcul prévisionnel, mais aussi le mensonge, le bluff et le spectacle.
Le poker n'a qu'un dieu, l'argent ; qu'une religion, le capitalisme ; qu'une inspiration, le marché. Il traduit en termes ludiques les impératifs du libéralisme. Il les transmet ainsi à la façon d'un message subliminal, non comme le feraient un manuel théorique ou une fiction exemplaire, mais à travers une pratique d'autant plus efficace qu'anodine en apparence. Nous sommes entrés dans le stade ludique du capitalisme. L'analyse critique de son jeu-fétiche peut permettre de mieux en saisir l'esprit.
2014-02-14 - Daniel Fortin - Les Echos
Long, fastidieux, d'une lenteur éprouvante, le poker n'en reste pas moins un jeu scotchant depuis que la télévision a réussi à le "spectaculariser'. Après Canal+, première télé présente sur les tournois de Las Vegas, plusieurs chaînes du câble et de la TNT, de RTL9 à NRJ12, de Paris Première à Luck Jack.tv, se sont rués sur le tapis pour faire du jeu de cartes un vrai show suivi par de nombreux adeptes. Mais comment et pourquoi le poker a-t-il conquis le monde ? Lionel Esparza, journaliste musical et joueur repenti, creuse la question dans un essai brillant, L'Esprit du poker, en analysant les ressorts anthropologiques du jeu et ses évolutions dans le temps. [...] S'inscrivant dans le champ des cultural studies, Lionel Esparza capte l'essence de ce "bizarre viatique qui à l'horreur de l'ennui substitue les affres de la dépendance", pour faire le constat que l'attraction dont le poker est l'objet atteste l'idée dominante et triste selon laquelle "seul l'argent peut encore nous sauver". Marqueur de notre époque, le poker signifie, par la fortune de son vice, que la cupidité, l'abus et le simulacre sont devenus la "nouvelle raison du monde".
2014-02-19 - Jean-Marie Durand - Les Inrockuptibles
"Le poker représente un négoce fictif et s'achève par une transaction réelle". Curieux destin que ce jeu, "né d'un métissage de jeux européens transplantés sur le territoire américain" qui possède "une étonnante plasticité pour s'adapter aux particularismes nationaux", et auquel le musicologue et animateur radio Lionel Esparza consacre un ouvrage. Car, comme tous les jeux, le poker n'en est pas un. Surtout qu'il convoque l'inverse même du ludique: l'argent. Depuis quelques années, il est devenu un phénomène planétaire, relayé par les sites internet, popularisé à la télévision. Non seulement ce passe-temps incarne aux yeux d'Esparza, toutes les facettes du capitalisme, élément que le cinéma a déjà démontré, mais il convoque une dimension particulière de l'être humain, pas forcement réjouissante. Au jeu du bluff, "la suspicion devient un passage obligé, la paranoïa un réflexe nécessaire". Le joueur doit donc s'improviser "sémiologue actif et sauvage". L'intelligence d'Esparza réside dans sa modestie, une humilité qui s'explique dès l'avant-texte quand il confie y avoir perdu "des sommes folles et un temps considérable". Il retourne aux racines historiques du poker, à ses variantes, à la fiction que le jeu induit, et décortique la confrontation entre "logique scientifique et pensée magique", à l'œuvre y compris chez les requins avides. Dans le poker, se joue la question même de la modernité, dont la matrice est le capitalisme, ce système en pleine crise morale. Une incertitude que connaît aussi le poker, de manière anecdotique mais homothétique, de nombreux sites de jeu en ligne ayant fait faillite récemment.
2014-03-01 - Next
Si l'on en croit le slogan publicitaire d'un célèbre site de paris en ligne, "le plus important au poker, ce ne sont pas les cartes, c'est ce que vous en faites". Voilà une devise riche de sens pour Lionel Esparza. Dans son passionnant essai L'Esprit du poker, le journaliste - animateur d'émissions sur France Musique - se penche sur la manière dont ce jeu de cartes et d'argent s'est normalisé et a su conquérir le monde. A travers ses règles, ses rites et le comportement des joueurs, Esparza voit dans le Texas Hold'em (variante du poker) un révélateur de l'époque. De la circulation des flux monétaires à la compétition organisée (élimination des plus faibles à l'appui) en passant par l'impondérable au cœur d'un système calculateur, on découvre un micro-univers emblématique du libéralisme. Dans ses cercles vertueux comme dans ses vices.
2014-03-12 - Express Styles
Le monde entier joue au poker, mais qu'est-ce que ce jeu, né il y a deux siècles dans la crasse d'une Louisiane mythique, a à nous dire du monde ? Qu'est-ce qui, aujourd'hui, fait son incroyable pouvoir d'attraction ? C'est le sujet qu'explore dans ce livre Lionel Esparza. À la fois enquêteur et joueur, il commence par l'histoire du poker moderne, mais surtout tente de restituer le sens de son expérience. Au cœur du jeu, il y a le joueur : cet individu qui, depuis longtemps, " a fait de l'empire sur soi-même, de la maîtrise de ses émotions et de ses gestes, l'un des objectifs de sa vie terrestre. Rien de plus calme ni de plus froid en apparence. (...) Au-dedans pourtant, c'est un maelström. " Il sait trop que, mal mesurée, la moindre décision peut devenir la dernière. Tout pouvant être manipulé, tout doit être interprété. La suspicion devient un passage obligé, " la paranoïa un réflexe nécessaire ". Le poker se prête ainsi idéalement, fait remarquer l'auteur, à représenter l'exercice du pouvoir, à partir du moment où l'on considère ce dernier comme un " exercice obligé de manipulation ". Au poker, " la pitié, l'altruisme, la générosité (...) sont hors sujet ; l'empathie un luxe qu'on ne saurait se payer ". Plus les enjeux s'élèvent, plus la pression se fait forte. Le joueur fait ses calculs, lui qui sait que " le hasard peut dominer ponctuellement, mais pas dans la durée ". Il se doit de sortir vainqueur, car si le négoce est fictif, la transaction finale est, elle, bien réelle. La prise de risque peut se révéler énorme. Le joueur illustre parfaitement, analyse L. Esparza, " l'un des paradoxes de la modernité, partagée entre une recherche de sécurité effrénée et une survalorisation du risque extrême ". C'est aussi notre rapport à l'argent qu'interroge le poker. Pour durer à la table, explique l'auteur, " il faut (...) trouver l'équilibre entre les deux tendances fondamentales du rapport à l'argent : la prudence épargnante et la hardiesse dépensière ". Le poker, un " jeu de rien ", en réalité " miroir porté sur ce que nous sommes ".
2014-07-01 - Marie Déchamps - Sciences Humaines
Avant-propos
Introduction
1. L'empire des signes
2. L'art de la guerre
3. Le hasard, le risque et la raison
4. Le culte de l'argent
5. Le jeu du libéralisme
6. L'autre mondialisation
Conclusion
Bibliographie.