Des années durant, l'écrivain Yves Pagès a glané toutes sortes de statistiques, notant dans un carnet des centaines de pourcentages. De ce vertigineux inventaire, il a fait un livre étrange qui, entre jeu littéraire à la Raymond Queneau et réflexions philosophiques à la Theodor Adorno, reconstitue par fragments le tableau d'une société infestée par une vision comptable du monde. Difficile de rompre la glace du monstre statistique, d'échapper à ses ordres de grandeur qui prétendent tout recenser de nos faits et gestes, quantifier nos opinions, mettre en coupe réglée nos vies matérielles. Sous emprise comptable, chacun se sent casé d'office, sondé de bas en haut, pris au piège. Mais alors, comment nous soustraire au grand dénombrement ? Sans prétention d'exhaustivité, l'auteur se propose de passer ces données brutes au tamis de rêveries interprétatives, pour traquer leurs failles implicites ou les confronter à d'autres cas de figure.
À la logique de la quantification de toutes choses, il oppose, par collage, accumulation et divagation, une poétique de l'absurde.
Par-delà cet art du détournement stylistique, il nous livre en pointillé une analyse caustique de la condition des vivants à l'ère de la gouvernance par les nombres, agrémentée de quelques suggestions paradoxales pour passer entre les mailles du filet statistique.
2021-05-01 - Sean J. Rose - Livres Hebdo
Un essai génial, osons le mot, tant son auteur fait preuve d'humour, de finesse et d'intelligence pour mettre en exergue par l'absurde la vision comptable et a fortiori délétère de notre société capitaliste. Pendant plusieurs années, le co-directeur des éditions Verticales chez Gallimard a noté des centaines de statistiques sur divers sujets [...], le tout, initialement, " sans trop savoir qu'en faire ". En ressortent ces 119 pages très inspirées où Yves Pagès propose, dans un style très particulier, une accumulation de chiffres qui, s'ils ne semblent avoir aucun lien entre eux de prime abord, donnent à voir de façon vertigineuse cette " emprise comptable, où chacun se sent casé d'office, sondé de bas en haut, profilé, sinon déchiffré ". [...] Au-delà de son ton des plus ironiques (des paragraphes sont tout simplement hilarants), Yves Pagès livre un texte aux forts accents politiques, faisant le choix de s'intéresser " aux presque rien sur cent, ces taches aveugles du panorama collectif ", loin du 1% " d'ultra-riches imposables nulle part et s'imposant partout.
2021-05-05 - Amélie Quentel - Les Inrocks
L'auteur montre qu'il aime les chiffres et en fait un usage bien plus complice, amusant, et mesuré qu'un n-ième pamphlet quantophobique. Il fait de l'esprit avec les chiffres. [...] On se réjouit de voir ranimé le vieil et noble exercice trop peu pratiqué de nos jours consistant à faire de l'esprit – un des avantages de la décontraction quantitative – c'est-à-dire à produire des formes courtes, très méticuleusement écrites, et dont la chute saisit le lecteur parce qu'elle est inattendue, paradoxale, poétique ou amusante.
2021-05-18 - Emmanuel Didier - AOC
Avec Il était une fois sur cent, réjouissant inventaire plus proche de Queneau que de Prévert, on découvre Yves Pagès collectionneur de pourcentages, statistiques et autres sondages, un amoncellement de chiffres à donner le vertige qu'il consigne depuis des années dans des carnets sans trop savoir qu'en faire. Laissant libre cours à son goût pour la subversion rigolarde, les mots-valises et les associations d'idées bancales, l'auteur déploie des " rêveries fragmentaires ", disséquant les travers d'une société contemporaine mise en coupe réglée par les algorithmes, les courbes de profit et les panels.
2021-05-20 - Sophie Joubert - L'Humanité
Statistiques, pourcentages et autres ratios nous tombent dessus du matin au soir. Certains chiffres retiennent l'attention un instant, puis nous les oublions. Yves Pagès, lui, les note avec une obsession ludique. Auteur d'une vingtaine de fictions et d'essais délibérément intempestifs, et responsable, avec Jeanne Guyon, des éditions Verticales, l'écrivain joue ici à faire se télescoper les pourcentages insolites ou triviaux qu'il a glanés. Le résultat est une suite de fragments toniques et baroques.
2021-06-04 - Roger-Pol Droit - Le Monde
Derrière le livre de comptes, un conte de faits et un conte de soi, entre les lignes, par digressions et confidences, manière d'injecter du subjectif dans l'offensive quantitative pseudo-objectiviste ; manière de refuser le prémâché et pré-pensé. [...] Et l'évidence dans ce livre que l'intérêt (pour penser, écrire, composer) est de chercher dans ce qui est enfoui, qu'on nous cache sous le chiffre majoritaire ou qui est resté stocké dans le pli d'un lobe temporal. Alors émergent des failles, de soudaines coïncidences depuis le " coq à l'âne " revendiqué du texte (de fait structure brillantissime qui refuse les fausses logiques apparentes), les " signaux " et " hasards objectifs " que les surréalistes traquaient dans la ville, sur les murs, que révèle également le chiffonnier urbain Yves Pagès. Dans ce qui s'expose, une vérité plus souterraine, celle qu'énonce ce livre fabuleux (au sens propre), mise en récit de nos " temps zéroïques " auxquels l'écrivain rend une part de magie (du désespoir). Il donne chair à nos inexistences.
2021-06-14 - Christine Marcandier - Diacritik
Un texte décalé qui interpelle et fait sourire autant que réfléchir. [...] Yves Pagès a non seulement le sens de l'humour et de la formule mais aussi une certaine poésie dans le regard qui confère à son petit livre une indéniable justesse.
2021-06-30 - Santiago Artozqui - En attendant Nadeau
Objet transitionnel
Hors champ d'honneur
Drôle de guerre aux pauvres
Pertes et profits gustatifs
Derniers secours
Autodidaxie
Le pire des mondes sensibles
Usine à gaz climatisée
Messagerie nocturne
Kit mains libres
Compassion sélective
La fabrique de l'impunité collective
D'où on parle
Once upon a hundred times
Deuil pour deuil
Ni tout à fait le même
Inconnues en mal d'adresse
Relativisme immémorial
Crime d'assistanat & suicide assisté
Défauts d'origine
Universalo-centrisme
En suivant une fausse piste
Witae Curriculum
Chantier à ciel ouvert
Minorité concitoyenne
Générique de fin (du monde)
Leçons de savoir-vivre
Y a pas moyens
Sédations publicitaires
Cadences subliminales
Le clin d'œil du cyclone
Little Big Bang
Nos antipodes langagiers
Excès de zèle pathologique
Lignes de flottaison
Paname, Paname, Paname...
Pari Mutuel Utérin
Stade infantile de l'épargne
Syntaxe de la misère
Temps zéroïques
Les re-dé-marié(e)s
Acéphalite bénigne
Omniscience standard
Dépeuplement interpersonnel
L'irréfutable preuve par 10
Je suis l'arbre qui cache la forêt
Deux poids deux démesures
Ni fleurs ni alliances
L'œuvre au noir de la pensée
Les spams ont-ils une âme ?
Des apôtres & des aliens
Puissances du non-dit
L'avant-naître, l'après-n'être plus
Nos voix d'extinction
Tromperie fédératrice
Principe de désadhérence
Futurs antérieurs
Poissons solubles et peaux de chagrin
Sévices de proximité
QI sommes-nous ?
Recyclage existentiel
Mortel dilemme
L'intranquillité familière
Illusion d'optique postmoderne
Contre-performances et plaisirs solidaires
De quel hasard est-on le pseudonyme ?
Trop de lignes à l'horizon
Au-delà d'ici, non merci
Degrés de séparation
Changement de programme
Relis tes ratures
Uchronie prénatale
Culture générale : œuvres presque complètes
Soustraction distributive
Anatomie à choix multiples
Rien à perdre, que ses chaînes
À fond de cale sèche
Comment déplumer les corbeaux ?
Polyamour à vol d'oiseaux
À quelques causes le mal est bon
La fabrique des rêves