Matthew B. Crawford était un brillant universitaire, bien payé pour travailler dans un think tank à Washington. Au bout de quelques mois, déprimé, il démissionne pour ouvrir... un atelier de réparation de motos. À partir du récit de son étonnante reconversion, il livre dans cet ouvrage intelligent et drôle une réflexion particulièrement fine sur le sens et la valeur du travail dans les sociétés occidentales.
Mêlant anecdotes, récit, et réflexions philosophiques et sociologiques, il montre que ce " travail intellectuel ", dont on nous rebat les oreilles, se révèle pauvre et déresponsabilisant. À l'inverse, il restitue l'expérience de ceux qui, comme lui, s'emploient à fabriquer ou réparer des objets – dans un monde où l'on ne sait plus qu'acheter, jeter et remplacer. Le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d' un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'" économie du savoir ".
2010-04-01 - Robert Maggiori - Libération
Mêlant récit autobiographique, réflexions philosophiques et considérations sociologiques, cet ouvrage attaque l'un des présupposés les plus solides des sociétés capitalistes occidentales? : l'idée selon laquelle le " travail productif " serait décérébrant et dévalorisant pour celui qui s'y adonne. Matthew Crawford argumente à partir de sa propre expérience. Lassé par son poste de directeur d'un think tank, ce philosophe américain décide de tout plaquer pour ouvrir un atelier de réparation de motos. On l'aura compris, le présent Éloge du carburateur ne concerne évidemment pas le travail manuel tel qu'il a été défiguré, vidé de ses qualités cognitives par une culture tayloriste dont Crawford montre par ailleurs qu'elle s'étend désormais au travail de bureau (chez IAC, une société spécialisée dans la rédaction de résumés de revues académiques, où il travaille quelques mois, on lui impose ainsi un quota journalier de quinze à vingt-huit résumés d'articles). La réflexion se polarise au contraire autour des " métiers manuels artisanaux ", sans pour autant les idéaliser.
2010-04-16 - Laurent Etre - L'Humanité
Peut-on tenir un livre de Heidegger dans sa main gauche et un carbu dans sa main droite ? La réponse est oui. Matthew B. Crawford a réussi ce tour de force - de façon assez naturelle d'ailleurs - pour un livre ambidextre et plutôt réussi qu'il a intitulé Éloge du carburateur. Universitaire américain, employé d'un think tank du côté de Washington, Crawford a décidé de délaisser un peu la théorie pour la pratique. Il a mis ses livres au clou quelques mois pour aller bosser chez lui à Richmond, Virginie, dans un garage où l'on répare des motos, et en tirer une sorte de réflexion gonzo sur la valeur travail. Le tout aurait pu donner un livre pop et malin, composé d'allers-retours aussi foireux que surjoués: c'est au final un livre touchant, précis et sinueux, dont Crawford est le héros discret, le metteur en scène dévoué. [...] C'est un témoignage vivace, à la direction souple, qui nous donne à voir et à penser l'évolution discutable de notre rapport au travail et au monde.
2010-04-21 - Pierre Siankowski - Les Inrocks
Son doctorat de philosophie politique en poche, Matthew B. Crawford est recruté par un think tank de Washington. Mais cinq mois plus tard, il quitte ce poste prestigieux pour devenir réparateur de motos. A partir de sa propre expérience, il propose une réflexion passionnante et solidement référencée sur le sens du travail dans les sociétés modernes. Il y remet en cause un certain nombre de fausses évidences qui se sont imposées comme de véritables normes, à commencer par la distinction entre travail manuel et travail intellectuel. Ce faisant, il ouvre un certain nombre de questionnements aussi essentiels que refoulés : sur l'utilité relative des différents métiers, sur la relégation de l'enseignement technologique dans les cursus scolaires, ou sur la réalisation de soi, qui passerait aujourd'hui souvent par la consommation à défaut de pouvoir le faire par nos activités. Sans céder pour autant à la nostalgie de l'" authentique ", largement récupérée aujourd'hui par le marketing, il renouvelle des voies déjà ouvertes par d'autres, afin de nous inviter à retrouver un sens dans nos activités, mais aussi une certaine indépendance.
2010-05-01 - Igor Martinache - Alternatives économiques
L'an dernier, tirant parti de son expérience personnelle, Matthew Crawford a publié aux États-Unis un essai intitulé Shop class as soulcraft. An inquiry into the value of work. Le succès a été immédiat, retentissant et durable. Éloge du travail manuel, le livre avait un côté salvateur en pleine crise économique, alors que les rois de Wall Street mordaient la poussière. D'un coup, les " méta-activités qui consistent à spéculer sur l'excédent créé par le travail des autres ", comme Crawford les décrit dans son livre, perdaient de leur prestige. C'en était au point que le Wall Street Journal se demandait si " le travail manuel qualifié n'était pas en train de devenir l'une des voies privilégiées pour accéder à une vie confortable ". Le moment était donc mûr pour un traité sur le retour aux fondamentaux. Le livre, qui vient d'être traduit en français, est à la fois un récit, une réflexion philosophique qui cite Marx, Heidegger ou Iris Murdoch, une étude sociologique, une critique culturelle ou encore un pamphlet contre " l'économie du savoir ". Matthew Crawford n'est en effet pas tendre sur le " travail intellectuel " tant valorisé par l'éducation contemporaine. Si valorisé que les écoles américaines, mais n'est-ce pas vrai aussi en Europe ?, ferment les unes après les autres leurs ateliers techniques au profit de cours d'informatique. Or, à force de préparer nos enfants à un avenir high-tech mondialisé, nous dit Crawford, nous risquons de changer " notre relation avec le monde matériel, débouchant sur une attitude plus passive et plus dépendante... Pour avoir la moindre prise sur le monde, intellectuellement parlant, ne nous faut-il pas aussi avoir un minimum de capacité d'agir matériellement sur lui ? " Et Crawford de se demander comment nous en sommes arrivés à cette opposition si violente entre le savoir et le faire. Pour lui, expérience faite, l'activité manuelle qui consiste à réparer de vieilles motos dans son atelier est utile, digne, valorisante, équilibrante, garante d'indépendance, en prise directe avec ce que la philosophe Hannah Arendt appelait la " réalité et la solidité du monde ". Bien davantage que dans un post-doc inutile ou un think tank tordu, cette activité concrète sollicite sans cesse la matière grise. Il la met au défi de trouver des solutions inédites, d'affiner sa capacité de jugement, la contraignant même à la " métacognition ", c'est-à-dire à la prise de recul qui vous fait réfléchir sur votre propre mode de réflexion. Parfois aussi, l'acquisition de ce savoir-faire vous engage à écrire un livre brillant, drôle, impertinent, aux idées claires. Et à citer Anaxagore: " C'est parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des animaux. ".
2010-05-29 - Luc Debraine - Le Temps
Best-seller aux États-Unis, Éloge du carburateur est un plaidoyer en faveur d'une valeur boudée dans les sociétés ne rêvant que de CSP ++ : le savoir-faire manuel. La légitimité de l'auteur, Matthew B. Crawford, est incontestable. Titulaire d'un doctorat de philosophie politique, il avait le profil idéal pour devenir un universitaire lambda enfermé dans son bureau de Chicago. Mais il opta pour un poste de directeur d'un think tank à Washington. [...] Éloge du carburateur n'est pas un livre d'économie. Mais il nous interroge sur la valeur de l'argent et du travail, la mutation des emplois, la taylorisation, les conséquences de la mondialisation. Fuyant le mysticisme passéiste ou le folklore des métiers d'art, Crawford montre à quel point rien n'est plus intéressant, dans son cas, que de diagnostiquer une panne rare à partir de ses sensations, de ses connaissances et de sa réflexion propres. Il livre également, dans cet exercice au croisement de l'essai de sociophilosophie et du récit d'apprentissage, de magnifiques passages sur l'esthétique de l'écrou Nylock de 10,9, la loi d'Ohm, l'art de la facture. Et notre professionnel de la clef de 12 brosse le portrait de quelques gueules tout droit sorties des tubes de Bruce Springsteen, avec une mention spéciale à un dénommé Chas : "Le premier authentique réactionnaire que j'ai fréquenté", à l'époque où l'auteur portait des rangers et lisait la revue Soldier of Fortune (le magazine culte des aspirants Rambo). Drôle, intelligente, souvent pertinente, cette réflexion sur la nature humaine (sur la Honda Magna V 45 de 1983, aussi) fait voir d'un autre oeil l'homme en salopette bleue qui, au garage, ouvre le capot de votre voiture. On n'en saluera que davantage ce petit traité de pensée vrombissante.
2010-06-02 - Baptiste Liger - L'Express
Très remarqué aux États-Unis, car il remet en question la hiérarchie du travail dans les sociétés " du savoir ", ce livre a fait de l'atelier un lieu où souffle l'esprit. Matthew B. Crawford, chercheur de l'université de Virginie, diplômé en physique et en philosophie politique, exerce, en parallèle, le beau métier de réparateur de motocyclettes vintage. Dans cet essai en forme de témoignage, il tire la leçon de son parcours de transfuge partiel des carrières intellectuelles auxquelles ses études le destinaient.
2014-01-01 - Xavier Molenat - Sciences humaines
" Retour aux fondamentaux, donc. Le carter moteur est fêlé. Il est temps de le démonter et de mettre les mains dans le cambouis " : c'est par ces termes que le philosophe et réparateur de motos Matthew B. Crawford, qui a travaillé pour les universités de Chicago et de Virginie, conclut l'introduction de son essai. Ce n'est ni une œuvre larmoyante sur la disparition du vieux monde et du petit commerce ni un livre d'économie. Mais un essai de socio-philosophie et un récit d'apprentissage dans lequel l'auteur s'interroge sur la valeur de l'argent et du travail, la mutation des emplois, la taylorisation, les conséquences de la mondialisation. Fuyant le mysticisme passéiste ou le folklore des métiers d'art, Crawford montre que rien n'est plus intéressant que de diagnostiquer une panne rare à partir de ses sensations, de ses connaissances et de sa réflexion propres. Ce témoignage vivace – sous-tendu par une analyse très fouillée – donne à voir et à penser l'évolution discutable de notre rapport au travail et au monde.
2016-06-16 - Franck Colotte - La Quinzaine littéraire
Introduction
1. Bref plaidoyer pour les arts mécaniques
Les bénéfices psychiques du travail manuel
Les exigences cognitives du travail manuel
Les arts et métiers et la chaîne de montage
L'avenir du travail : retour vers le passé ?
2. Faire et penser : la grande divergence
La dégradation du travail ouvrier
La dégradation du travail de bureau
Tout le monde peut être Einstein
Portrait de l'homme de métier en philosophe stoïque
3. Prendre les choses en main
Portrait de la motocyclette en monture rétive
Petit traité de lubrification : de la pompe manuelle à la loupiote du crétin
Responsabilité active ou autonomie ?
Nostalgie précuisinée Le décentrement du faire
4. L'éducation d'un mécano
L'apprenti apprenti
La théorie du lacet
Le mentor
La mécanique comme diagnostic médico-légal
Un savoir personnalisé
Percer le voile de la conscience égoïste
L'idiotie en tant qu'idéal
5. L'éducation d'un mécano (suite) : d'amateur à professionnel
Fred l'antiquaire
Shockoe Moto
L'art de la facture
Honda Magna et métaphysique
6. Les contradictions du travail de bureau
Indexer et résumer
L'apprentissage de l'irresponsabilité
Interlude : à quoi sert l'université ?
Le travail en équipe
L'équipe et le chantier
7. La pensée en action
Entre la loi d'Ohm et une paire de chaussures boueuses
Le savoir tacite du pompier et du maître d'échecs
Technologie intellectuelle et connaissance personnelle
Le manuel de service en tant que technologie sociale
8. Travail, loisir et engagement
Le monde du speed shop
Travail et communauté
La plénitude de l'engagement
En guise de conclusion, solidarité et indépendance
Solidarité et éthos aristocratique
L'importance de l'échec
L'agir individuel dans un monde commun
Remerciements.