Aux États-Unis, la maladie peut conduire à des situations d'endettement dramatiques. En France, on a longtemps cru que le fameux " système-de-santé-que-tout-le-monde-nous-envie " serait épargné. Le patient est pourtant souvent amené à payer des dépassements d'honoraires exorbitants, en ville comme à l'hôpital, ou à affronter des déserts médicaux. Il subit les prix très élevés de l'optique, des soins dentaires ou des prothèses auditives. Plus généralement, il pâtit de la débâcle de l'Assurance maladie, qui ne rembourse qu'environ la moitié des soins courants auxquels est confrontée la grande majorité de la population.
Ainsi, la maladie n'est plus seulement une épreuve physique et morale, mais aussi une épreuve financière, largement indexée sur les inégalités sociales. Le patient renonce de plus en plus aux soins, faisant les frais de cette évolution jusque dans son corps. S'il fréquente l'hôpital public, sa souffrance rencontre celle des soignants qui, face à la folie managériale, finissent par s'accuser eux-mêmes de maltraitance involontaire. Le système de soins, initialement pensé et construit pour protéger le patient, s'est donc littéralement retourné contre lui. Le patient se trouve dépossédé de son bien le plus précieux, sa santé, qui devient une formidable source de profit pour les cliniques privées, les compagnies d'assurances et l'industrie pharmaceutique. Il est grand temps de réagir.
2014-10-01 - Stéphanie Benz - L'Expansion
Parmi les ouvrages qui dénoncent la privatisation de notre système de santé, celui de Philippe Batifoulier, membre des Economistes atterrés, a un double intérêt. Le premier est de placer le rôle central du patient dans la réflexion. Incité par les dispositifs publics à adopter des comportements de consommateur en quête de l'offre la moins chère, le patient est aussi sans cesse soupçonné de vouloir profiter du système de protection sociale. Il se voit sommé de bien gérer son "capital santé" acquis à la naissance. Cette vision, qui oppose bons et mauvais patients, renforce les inégalités structurelles entre eux. L'autre intérêt du livre réside dans son approche historique, qui permet à l'auteur de démonter méthodiquement les réformes mises en place depuis les années 1980, de la part croissante des assurances privées dans la prise en charge de la maladie à l'institutionnalisation des dépassements d'honoraires. Ces évolutions ont réduit la santé à une question de coûts. La privatisation de la santé va pourtant de pair avec une dépense publique élevée, qui prend en charge les patients "non rentables". Ce livre, qui n'est pas exempt de redites, est à garder à portée de main pour comprendre le sens des réformes que nous proposent aujourd'hui nos responsables politiques.
2014-11-01 - Céline Mouzon - Alternatives Economiques
Enseignant en économie et membre du collectif des Economistes atterrés, Philippe Batifoulier met en évidence un changement de représentation, où la dette sociale devient diabolique au lieu d'exprimer la cohésion sociale. Il appelle les patients à l'insurrection, afin non pas de réclamer plus d'argent pour couvrir tous les risques, mais de définir leurs propres priorités dans l'accès aux soins.
2014-11-19 - Solveig Godeluck - Les Echos