Au printemps 1994, au Rwanda, près d'un million de personnes ont été exterminées en quelques semaines. À un rythme trois fois plus élevé que le génocide des juifs d'Europe. Comment un tel crime de masse a-t-il été rendu possible ? Quelle est la responsabilité des grandes puissances occidentales et de la France, surtout, si proche des génocidaires ? Après quatre ans d'enquête, dans les archives du monde entier, sur le terrain, auprès des militaires français, rwandais et belges, à interroger diplomates et politiques, Gabriel Périès et David Servenay tentent de répondre à ces questions. À l'aide de témoignages inédits et de documents confidentiels, ils lèvent le voile sur l'une des origines secrètes du génocide rwandais : la doctrine française de la " guerre révolutionnaire ". Des opérations clandestines menées dans le " pré carré " au moment de la décolonisation, en passant par le trouble jeu du général De Gaulle, ils établissent la généalogie de ce qui fut pendant des décennies un véritable savoir-faire de l'armée française. Formalisé pendant la guerre d'Indochine et appliqué en Algérie, il a largement inspiré les dispositifs répressifs mis en place dans un grand nombre d'États africains... dont le Rwanda des années 1960. Et ce n'est pas le fruit du hasard si l'un des meilleurs élèves africains de la " guerre révolutionnaire " perpétra, plus de trois décennies plus tard, le dernier génocide du XXe siècle : hiérarchies politico-militaires parallèles, gardes présidentielles transformées en escadrons de la mort, action psychologique, quadrillage administratif et militaire des populations formèrent un système efficace susceptible de mobiliser toute une société au service du projet exterminateur de ses dirigeants. Cette histoire inconnue éclaire d'un jour nouveau la responsabilité de l'État français dans le génocide rwandais.
David Servenay, est journaliste. Après avoir travaillé à RFI, Rue89, OWNI.fr et La Revue dessinée, il est aujourd'hui indépendant. Il a publié au Seuil et à La Découverte plusieurs livres d'enquête sur le Parti socialiste dans le Nord-Pas-de-Calais, sur le génocide des Tutsi au Rwanda et sur l'histoire du patronat français. Il a aussi scénarisé Une affaire d'État, album dessiné par Thierry Martin (Soleil, 2017).
Gabriel Périès, docteur en Sciences politiques, est enseignant à l'Institut National des Télécommunications d'Evry. Rattaché au Centre Morris Janowitz / Forces armées et Sécurité de l'IEP de Toulouse, il est l'auteur de nombreux travaux sur les doctrines militaires contre-insurrectionnelles.
" Psychologues, anthropologues, historiens criminologues, et autres enquêteurs s'étaient déjà penchés sur la question avec plus ou moins de pertinence. Mais on n'avait pas encore entendu les spécialistes de l'art militaire, et plus particulièrement les analystes de la guerre psychologique. C'est désormais chose faite. Le professeur Gabriel Périès, spécialiste des doctrines militaires contre insurrectionnelles et le journaliste David Servenay, reporter à RFI ont uni leurs talents respectif pour mener une enquête à la fois passionnante et terrifiante. Essayant de remonter aux sources du génocide rwandais, ils ont croisé l'idéologie des années 60, celle de la guerre froide, des luttes anti-subversives menées en Indochine, en Algérie puis dans toutes les colonies françaises contre les politiques qui réclamaient l'indépendance. Etudiant à fond l'idéologie et les méthodes de la "guerre noire" celle qui joue sur la peur, le contrôle des populations, les manipulations psychologiques, les auteurs citent de grands noms, le colonel Trinquier, Lacheroy. [...] Cet ouvrage dense, fouillé et, qui ne gâche rien, bien écrit, se rapproche au plus près des sources du génocide, la peur, la haine de l'autre, savamment entretenues, le conditionnement psychologique. "
LE CARNET DE COLETTE BRAECKMAN
" Au printemps 1944, au Rwanda, entre 800000 et un million de personnes ont été exterminées en quelques semaines. Depuis, toutes sortes de polémiques agitent le monde intellectuel et médiatique: quelle est la responsabilité de l'Occident ? Est-ce une faillite de l'ONU ? Celle de la Belgique ? Ou la faute des Etats-Unis, qui n'ont pas levé le petit doigt pour arrêter les massacres ? Enfin, quel rôle a joué la France ? Après quatre années d'enquête, Gabriel Périès et David Servenay livrent des clefs pour comprendre, à l'aide de témoignages inédits et de documents confidentiels. "
POLITIS
" Conclusion d'une enquête de quatre ans, le livre rédigé par Gabriel Périès et David Servenay constitue à coup sûr une source de référence. Décryptant le jeu élyséen mené au long des deux décennies précédantes à l'égard d'un régime qui devait finir par sombrer dans l'horreur à l'état brut, il en éclaire surtout une dimension souvent ignorée, l'application au Rwanda des théories élaborées par les dirigeants militaires français durant la période des guerres coloniales... "
L'HUMANITÉ
" L'intérêt principal de ce livre repose sur la qualité de sa démonstration: s'appuyant sur de nombreux documents, les auteurs retracent l'histoire de la "coopération" franco-rwandaise et s'attachent à montrer que le génocide des tutsis ne découlent pas d'une "colère spontanée" ou vengeresse mais d'une véritable planification; les institutions de l'Etat, l'armée et l'administration, les milices, l'économie. Tous ont participé au génocide. Les auteurs n'accusent jamais la France d'avoir échafaudé un génocide. Ils pointent du doigt sa "coopération" militaire avec un régime dictatorial et raciste, son inertie pendant les massacres et sa calamiteuse mission Turquoise. A l'heure où la France, par l'entremise du juge Bruguière, refuse obstinément de reconnaître ses responsabilités, un tel ouvrage est salutaire. "
BAKCHICH
" L'universitaire et le journaliste de RFI ont mené un minutieux travail d'enquête - recueil de témoignages et dépouillement d'archives - dont ils livrent les résultats avec une grande honnêteté. C'est à dire sans occulter les éléments qui peuvent contrarier leur analyse. "
ALTERNATIVES INTERNATIONALES
" L'ouvrage de Gabriel Périès et David Servenay apparaît très dense, très fouillé, au point d'être aride par moments. Mais cela ne diminue en rien la qualité d'un livre qui s'impose comme une référence. Rwanda: une guerre noire nous ramène aux sources du génocide rwandais. Il apporte un éclairage intéressant sur l'application catastrophique des théories élaborées par les dirigeants militaires français sur plusieurs décennies. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le contexte rwandais, ce livre est important. Il ne se contente pas de revenir sur les faits qui ont conduit à un moment particulièrement sombre de l'histoire de l'humanité. Il replace les atrocités dans un contexte global où les victimes du génocide ne sont pas uniquement les opprimés d'un conflit national mais aussi les victimes d'une doctrine de guerre, soigneusement pensée et planifiée. "
ALTERNATIVES
" Le génocide a été préparé, organisé puis perpétré par des Rwandais hutus. Mais l'ouvrage, étayé de nombreux témoignages et documents parfois inédits, rappelle combien la France, celle de De Gaulle puis de Mitterrand, tient un rôle central dans cette histoire. A lire absolument. "
REGARDS
" Accordons à Servenay qu'une telle enquête concluant aux très lourdes responsabilités de l'Etat et de l'armée française méritait d'être refaite. Et c'est ce à quoi il se sera attelé avec Gabriel Périès. "
SITE UNE NUIT RWANDAISE
" Il aura fallu pas moins de quatre ans de recherche aux auteurs de Une guerre noire, enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994), Gabriel Périès et David Servenay, avant de pouvoir boucler leur dossier. Leur document révèle les liens de l'armée française forte de son savoir-faire, de sa doctrine et de sa pratique de la "guerre révolutionnaire" acquises en Indochine et en Algérie, avec ceux qui fomenteront le dernier génocide du vingtième siècle, avec près d'un million de personnes exterminées en quelques semaines. Un document choc. "
NVO
" Un document essentiel pour tenter de comprendre les processus du génocide de 1994. "
CAUSES COMMUNES
" La question du génocide au Rwanda est ici étudiée sous un angle particulier, mais éclairant: celui du savoir-faire contre-insurrectionnel que l'armée française acquit au lendemain de sa défaite en Indochine par l'étude des méthodes militaires des communistes chinois. "
VIENT DE PARAÎTRE
2024-11-21 - PRESSE
Introduction
I. Guerre française en Afrique
1. Une nouvelle constitution où le droit fait la force
Les trois corps de la Ve République
Un " grand commis de l'État "
L'article 16 et sa dissémination africaine
Pouvoir militaire : les continuités de l'histoire
Comment la légalité de la répression tue une république
Subversion sur les arrières lointains de la Métropole
2. Les intellectuels de la " guerre révolutionnaire "
Le temps des hiérarchies parallèles
La " guerre révolutionnaire " devient officielle
DIT + DPU = guerre moderne
Tenir la population : renseignement, terreur et ralliements
De l'Indochine à l'Afrique en passant par l'Algérie
L'intégration belge de la " guerre révolutionnaire "
Manœuvres conjointes au Congo belge
3. Le règne des éminences grises
Des structures d'influence parallèles : les PLR
À l'école des Jedburgh
Une armée secrète et de traditions au service de l'État
Sous les pouvoirs exceptionnels, des dispositifs secrets
Le Gabon, un modèle du dispositif général
4. Du coup d'État constitutionnel à la pacification : guerres révolutionnaires en Afrique
Les armées africaines ont un problème d'effectifs...
... et un problème de doctrine
L'expérience d'une crise : le Cameroun
La " guerre révolutionnaire " en pays Bassa
Action psychologique, choc et ralliement
Le rôle stratégique des médias dans l'offensive psychologique
II. Rwanda, année zéro
5. Une Révolution à l'envers
Des " races " dans l'espace social
Deux forces " révolutionnaires " : l'Armée et l'Église
Les outils de la révolution : propagande, action et guerre psychologiques
L'élaboration militaire de la légalité
6. Divide et Impera (1959-1963)
Une nouvelle doctrine du maintien de l'ordre
Les six premiers officiers
Ethnisme ou division effective au sein de l'État ?
Un anti-communiste d'État
Première contre-guérilla belge au Rwanda
7. Un discret génocide (1964)
Guérilla contre guérilla et rafle politique à Kigali
Autodéfense civile et disparitions forcées
La diplomatie dogmatique de l'Église
Le Président Kayibanda et la rhétorique d'une " fin totale et précipitée de la race tutsi "
8. Les trois cercles du pouvoir (1973-1978)
Un coup d'État annoncé, de faux putschs et de vrais réfugiés
Quand les Hutu du nord veulent contrôler les Hutu du sud
Contre-révolution et Défense opérationnelle du territoire
Un encadrement administratif et policier de la population
Le MRND : une hiérarchie partisane au service de l'État militaire
III. De la doctrine à l'action
9. Les Français au Rwanda : le retour de la doctrine de la " guerre révolutionnaire " L'intégration de la " guerre révolutionnaire " dans le nouvel enseignement militaire supérieur rwandais
À l'école de la Gendarmerie française
Mobilisation, renseignement et protection des points sensibles
Retour doctrinal sur les hiérarchies parallèles
10. La guerre blanche
Une si discrète entrée en guerre
Une certaine difficulté de doctrine...
Le temps des batailles rwandaises : petites et grandes manœuvres
11. La guerre grise
Quand la guerre s'enfonce dans la profondeur : le DAMI et les CRAP
De la " guerre totale " et " très cruelle " du général Quesnot à une guerre noire
Le temps des milices politico-militaires rwandaises et de la Garde présidentielle
12. La guerre noire
Le temps de la " Septième Arme "
L'expérience du Bugesera
D'abord définir l'ennemi de l'État
La guerre dans la foule et le protocole du colonel Bagosora
IV. Le temps des mensonges
13. " Follow the money line..."
D'une mise au PAS de l'économie à l'économie de guerre
Le pouvoir économique : une variable d'ajustement militaire
Les grandes entreprises, bases logistiques du génocide
Des machettes sont des marchandises comme les autres
14. Un tour de passe-passe
Dans le ciel de la nuit rwandaise
Quelques rumeurs tueuses
De bonnes et de mauvaises hypothèses
Les oublis de la mission d'information parlementaire
L'action psychologique se poursuit en France
Quand SAS le Prince Malko mène l'enquête à Kigali, il retrouve Foccart
15. Un vrai coup d'État
Paris-Washington-Bruxelles : une vision commune de l'attentat du 6 avril
Un Etat-garnison acéphal
Milices, autodéfense, escadrons de la mort et restauration constitutionnelle
16. La guerre sur les arrières
La colonne infernale de Jean-Baptiste Gatete
Encadrement et rôle des élites
Le rôle crucial de la militarisation de l'administration territoriale
La dissémination sur les arrières et la concentration des victimes
Les choix tactiques du FPR dans une guerre asymétrique
Déshumanisation ou résistances : les modes opératoires
Le rôle des comités de coordination de l'autodéfense civile
17. Un monde à part
Le rôle crucial des ONG : le témoignage
" La France les accueillera naturellement "
Le mot " génocide " est prononcé par... le Vatican. Stupeur à l'Elysée. MSF enfonce le clou
Juppé : " Écoutez, tout ça est très confus "
18. Chimères
Turquoise : Balladur contre Mitterrand
" Vive la France ! Vive François Mitterrand ! "
Il faut sauver la face des génocidaires
La RTLM, une radio à ne pas neutraliser
" Ca n'avait rien à voir avec le génocide, rien... "
Conclusion
Épilogue : que sont-ils devenus ?
Les sources de l'enquête
Annexes
Notes
Index.