L'histoire commence le 24 septembre 1853 avec la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France de Napoléon III, et elle ne s'achèvera pas le 4 octobre 2020, quel que soit le résultat du scrutin par lequel les habitants du Caillou sont appelés, pour la seconde fois, à voter pour ou contre l'indépendance de l'île. Le processus inédit engagé par les accords de Matignon de 1988, consécutifs à la tragédie de la grotte d'Ouvéa entre les deux tours de l'élection présidentielle de cette année, puis par l'accord de Nouméa de 1998, dont le préambule reconnaît pour la première fois officiellement le fait colonial de la République française, touche à son terme.
Après une transition de trente ans, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, ainsi que voudraient la nommer les tenants de l'indépendance, est-elle prête pour la pleine souveraineté ? Les clivages entre Kanak et Caldoches, qui ont fait des dizaines de morts pendant les années 1980, ne sont pas effacés, mais ils se sont reconfigurés, laissant aujourd'hui ouvertes aussi bien la possibilité de leur dépassement que celle d'un nouvel embrasement.
Archipel géographique, mosaïque ethnique, concentré d'invention poli-tique, la Nouvelle-Calédonie est aussi un laboratoire institutionnel et un modèle d'intelligence collective qui nous parle, au présent, de ce qu'était notre passé et de ce que pourrait être notre avenir. Cette île, qui fut l'une des rares colonies de peuplement de la France et dont le peuple autochtone – les Kanak – a failli disparaître, pourrait-elle constituer la première décolonisa-tion réussie de l'État français et être, grâce aux pratiques de ce peuple, le lieu d'un autre rapport à la terre, d'une économie non capitaliste et d'une politique de long terme, pour habiter ensemble un monde postcolonial ?
Joseph Confavreux (La France invisible, 2006 ; Le fond de l'air est jaune. Comprendre une révolte inédite, 2019) est journaliste à Mediapart. Il a coordonné cet ouvrage, avec la participation de Lucie Delaporte, Carine Fouteau, Ellen Salvi, Julien Sartre et Antoine Perraud.
Introduction. Ce que la Nouvelle-Calédonie nous dit
Un " modèle exceptionnel d'intelligence collective "
Réussir une décolonisation
Le laboratoire néo-calédonien
Entendre la parole kanak
Repenser l'identité et la diversité
La réconciliation ou l'humiliation
I. Un archipel géographique et politique
1. L'indépendance vue par les Kanak et les Caldoches
2. Un clivage politico-ethnique
3. Rentes dynastiques et nouveaux marchés
4. La peur du retour des violences intercommunautaires
5. Traces de la colonisation, réalités du métissage
II. Le projet colonial en Nouvelle-Calédonie
1. Quand la France choisit de " vomir ses criminels " aux antipodes
2. L'improbable rencontre des communards et des insurgés algériens
3. Kanak et déportés : le rendez-vous manqué
4. Louise Michel et les Kanak : amorce d'une réflexion anti-impérialiste
5. Le cri de Kanaky
6. L'héritage de l'indigénat
7. Les inégalités, ultime témoignage de la période coloniale
III. À la rencontre des mondes kanak
1. Yes we kanak !
2. De l'urne brisée au vote espéré
3. À Hienghène, fief des Tjibaou
4. À l'est de la Nouvelle-Calédonie, le désespoir des jeunes Kanak
5. Dans les squats de Nouméa
6. L'indomptable tribu de Saint-Louis
IV. La mosaïque calédonienne
1. Ces cousins venus de Wallis-et-Futuna
2. Entre Kanak et Caldoches, les Kabyles du Pacifique
3. Les " Zoreilles ", infréquentables mais inévitables
4. L'histoire tue des Japonais de Nouvelle-Calédonie
V. Ouvéa, l'atoll où tout a commencé
1. Ultimes révélations sur un crime colonial
2. Ouvéa, noeud mémoriel et politique de la Nouvelle-Calédonie
3. À Ouvéa, les traces du trauma
VI. La Nouvelle-Calédonie à la veille d'un nouveau scrutin
1. Le référendum de novembre 2018 : leçons d'un vote ethnique et historique
2. La restitution des terres : poison ou solution ?
3. La jeunesse, clé du nouveau référendum
4. Des indépendantistes au pouvoir
Postface. Le dernier empire colonial,
par Edwy Plenel
Annexe. Préambule de l'accord de Nouméa (1998)