Fin des sociétés paysannes, cuisines équipées, bétonisation des terres arables, effacement des savoir-faire et cosmogonies autochtones, ignorance des rythmes du monde vivant... Ces phénomènes divers que l'on apprend aujourd'hui à déplorer sont bel et bien liés, nous disent depuis un demi-siècle des théoriciennes écoféministes, critiques de la modernité industrielle. C'est à leurs pensées, méconnues en France, ainsi qu'aux leçons existentielles et politiques qu'il convient d'en tirer, qu'est consacré cet ouvrage.
L'auteure explore les alternatives écologiques et anticapitalistes contemporaines pour démontrer que sans politique du quotidien, sans reconstruction collective et radicale de notre subsistance, il n'y aura pas de société égalitaire ni écologique. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas la généralisation du salariat qui a permis d'accéder à la société de consommation et au confort appareillé, mais le colonialisme et le travail domestique assuré par les femmes. Une autre organisation politique de la vie et des rapports à la nature est possible. À condition d'être redistribué, ancré dans une communauté en prise avec un biotope et des usages, le travail de subsistance devient un facteur d'émancipation et la fabrique du quotidien apparaît alors pour ce qu'elle est : un enjeu révolutionnaire.
Geneviève Pruvost, médaille de bronze du CNRS, est sociologue du travail et du genre au Centre d'étude des mouvements sociaux (EHESS), et diplômée de permaculture. Ses recherches portent sur la politisation du moindre geste et les alternatives écologiques. Elle a notamment publié, avec Coline Cardi, Penser la violence des femmes.
Introduction
La fabrique à découvert
Rendre vital l'accessoire
Virage paysan
En quête d'alternatives rurales – Pratiques convergentes – En quête de politiques de subsistance
Quotidienneté critique
La vie quotidienne comme niveau de réalité nourricier
Décortiquer la quotidienneté appareillée
Critique en acte de la vie quotidienne
Quotidienneté facilitée et contre-système des professions
L'invention démocratique du tiers anonyme
Processus de territorialisation – Disparition de l'arène locale – Monopole de l'expert anonyme
Les effets pervers de la déterritorialisation
Confiscation de l'exercice démocratique – Création de communautés professionnelles
Dénonciation du système des professions incapacitantes
Monopole et marchandisation – Création de besoins patentés et savoirs vernaculaires
Contre-système des professions : l'activisme de l'activité
Guichet d'aide à l'installation – Activisme de l'activité
Féminisme de la subsistance : la base matricielle des sociétés premières
Convergence du côté de la puissance des femmes
Des féministes marxistes libertaires – L'hypothèse égalitaire – Exhumer les biais patriarcaux
L'autonomie des chasseuses-cueilleuses
Maîtrise de la reproduction du vivant – Réévaluation du pouvoir des armes et de l'agora – Naissance du patriarcat
Du travail de subsistance au travail domestique
Contre-récit de la subordination féodale
Les maisonnées que nous avons perdues – Paysannes-artisanes autonomes
La naissance du capitalisme
Quand la nature devient une matière inerte – Du genre vernaculaire au couple – La reproduction à marche forcée
L'invention de la femme au foyer
Des ménagères expertes – Le mirage de la productivité domestique – Extension et individualisation du travail domestique – Sollicitude ou servitude ? – Les coûts sociaux et écologiques de l'affranchissement
domestique
Décrire le monde à l'aune de la subsistance
" Housewifization " et capitalisme
Des fantômes de chair et d'os sous l'iceberg
Des femmes contre les cyborgs – Controverse sur l'universalité du travail domestique – Le travail fantôme
Guerre contre la subsistance dans le Sud global
L'oppression de la conversion planétaire au salariat – Inhabitabilité de la terre et des corps – Capture du pouvoir d'engendrement
Communautés vicinales et entre-subsistance
Du terrassement à l'ancrage
L'entre-subsistance autochtone
Autochtonie millénaire – Vivre à Gaa-waabaabiganikaag
S'enfouir : le passage à l'acte de Thoreau
Comment bien vivre de peu – De la cabane à soi à la maisonnée
Communautés de concernement
Communautés de face à face – Le continuum démocratique de la mise en oeuvre
Assemblées municipales et biorégionales
Assemblées municipales décisionnaires – La fabrique biorégionale de la reconnexion à la terre – Reterritorialisation de l'écopolis
Le féminisme post-industriel ou la mort
L'alternative féministe – L'écoféminisme comme action directe
La subsistance comme renversement de perspective
Sweat equity – Pas de communs sans communauté
Bascule vers l'entre-subsistance
Subsister dans l'entre-deux – Toponymie de l'action
Vivre dans la commune de Pontyolles
" Il y a tout au village " – Contribution ordinaire à la vie de la commune
Transiter à Notre-Dame-des-Landes
La noria de la fabrique collective – Peut-on terrasser les mauvaises herbes ?
Ubiquité écoféministe
Nuancier de l'écoféminisme vernaculaire – Valondes : un champ de force féminin – Pratiques d'entre-subsistance écoféministe
Foyers de subsistance résiduelle
Précis de vie rustique – Subsist we must
Vertige de la matière
Sens du juste milieu
Coaliser le versant non capitaliste des vies ordinaires – Perte des sens – La matière sans mode d'emploi – Pister les ramifications – Rythmanalyse des cycles
Redistributions des attaches
Le partage de tâches interdépendantes – Distribution induite par la confrontation à la matière – Rotation entre inconnus – Montée en compétences – De l'usure à l'attention distribuée
Conclusion
Le renversement de perspective féministe – Droits de passage
Annexe
Violet, rouge, noir et vert
Françoise d'Eaubonne, Maria Mies, Vandana Shiva et Silvia Federici
Remerciements
Bibliographie.