Lorsque le Congo se fraie un chemin jusque dans les colonnes de nos journaux, c'est souvent pour raconter les mêmes histoires tragiques : les trafics de minerais qui alimentent les groupes armés, les milliers de femmes violées, les colonnes de réfugiés fuyant une guerre qui semble ne jamais s'arrêter.
Et pourtant, nous ne savons rien ou presque de ceux qui font cette guerre. Pourquoi se battent-ils ? Pourquoi se sont-ils engagés dans une série de conflits qui a fait des millions de morts depuis vingt ans ? D'où viennent ces combattants dont on nous dit qu'ils violent et pillent sans scrupules ? Comment sont-ils organisés, de quoi ont-ils peur, à quoi rêvent-ils lorsqu'ils ne sont pas en train de se battre ? Les réponses à ces questions, Justine Brabant est allée les chercher, pendant trois ans, sur les sentiers du Kivu, province de l'est du Congo.
Elle livre ici la chronique de ses rencontres. Bergers devenus colonels, chefs insurgés de père en fils ou civils qui transportent leur vie dans un sac à dos : elle s'est plongée dans le quotidien de ces hommes – et de ces femmes – dont certains n'ont jamais connu la paix et qui ont la guerre pour seul horizon.
Rompant avec les récits habituels sur la " violence aveugle " et les " conflits ethniques ", l'auteure décrit un monde où les frontières se brouillent entre civils et combattants, entre rebelles et forces de l'ordre, entre militaires et humanitaires. Son enquête offre par là même une réflexion originale sur ces guerres qui durent depuis si longtemps qu'on a fi ni, nous aussi, par ne plus les voir.
2016-03-07 - Pierre Benetti - En attendant Nadeau
La chercheuse et journaliste Justine Brabant a non seulement le mérite de s'intéresser à cette guerre oubliée, dans un style personnel, accessible et stimulant. Mais de plus ce récit de trois ans de recherche éclaire les ressorts profonds de la perpétuation du conflit. Parmi ces facteurs, certains sont pour le moins paradoxaux, comme les modalités des accords de paix soutenus par la communauté internationale ou encore la prolifération des ONG dans la région. Dans ce contexte, combattre devient un moyen de se faire une place dans la société.
2016-03-20 - Pierre Boisselet - Jeune Afrique
Comment emprunte-t-on les chemins de la guerre ? Mais aussi comment y reste-t-on ? Ou comment la guerre se nourrit elle-même dans une spirale, pour l'heure sans issue, d'agression-défense-vengeance. Au fil de rencontres avec des combattants, des civils et des humanitaires, Justine Brabant fait sortir cette guerre des ténèbres.
2016-03-25 - Aurore Lartigue - RFI
Les femmes sont courageuses depuis toujours. Les tragédies contemporaines donnent pourtant à leur vaillance un relief particulier. J'aimerais citer ici un exemple de ce courage eu féminin. Celui d'une consœur, Justine Brabant. Elle n'a pas 27 ans et publie ces jours-ci, sous le titre " Qu'on nous laisse combattre, et la guerre finira ", un livre reportage à couper le souffle. (...) Armée de sa seule confiance, de son sourire et de son ordinateur portable, elle a sillonné seule cet immense territoire, parfois à moto, afin de recueillir plusieurs centaines de témoignages, tous dûment enregistrés, recoupés, classés. Les résultats de cette incroyable enquête sont spectaculaires. Les chiffres partout colportés se voient révisés à la baisse, le concept de viol comme arme de guerre sérieusement questionné et beaucoup de fadaises médiatiques déconstruites. C'est passionnant à lire. Mais voici surtout que des visages, des voix et quelques lumières sont restitués à ce " trou noir " du Kivu. Un trou noir que, dans sa préface, Rony Brauman compare à " Au cœur des ténèbres ", la longue et célèbre nouvelle de Joseph Conrad (1899). Le plus extraordinaire dans ces pages tient à la modestie de l'auteure. Celle qui a osé aller au bout de son courage et de sa curiosité ne se met jamais en avant. Si elle évoque parfois les difficultés – et les peurs – rencontrées, c'est comme en passant. Sans insister. On devine ce qu'aurait pu produire le même exploit raconté par un de ces fier-à-bras médiatiques, surtout soucieux de leur petite personne. Chapeau bas, madame !
2016-04-07 - Jean-Claude Guillebaud - TéléObs
C'est un des conflits les plus longs et les plus meurtriers de notre planète et, s'il n'est pas complètement absent des radars médiatiques, il est souvent traité avec des haussements d'épaules désemparés. Il s'agit de la " grande guerre mondiale africaine ", qui ravage la République démocratique du Congo avec plus ou moins d'intensité depuis 1994 et les conséquences du génocide des Tutsis au Rwanda. (...) Justine Brabant, chercheuse et journaliste à Arrêt sur images, a entrepris de parcourir les chemins tortueux et souvent impraticables des Kivu et, pendant trois ans, mêlant reportage et approche rigoureuse du " terrain ", elle est allée à la rencontre de ces combattants sans qui il n'y aurait pas de guerre. Pourquoi se battent-ils ? Avec quels moyens et soutiens ? Quelles causes défendent-ils ? Sont-ils prêts à déposer les armes ? Toutes ces rencontres ont donné lieu à un livre écrit sur le mode du reportage à la première personne du singulier, qui permet de rentrer dans la complexité de ce conflit multiforme qui perdure depuis plus de vingt ans et dont toute l'essence est résumée dans ce formidable titre paradoxal : " Qu'on nous laisse combattre et la guerre finira " !
2016-04-19 - Thomas Cantaloube - Mediapart
En rédigeant Qu'on nous laisse combattre et la guerre finira, sous titré Avec les combattants du Kivu, la journaliste Justine Brabant essaie de remonter aux racines d'un phénomène qu'elle qualifie d'emblée comme " mal regardé " par l'opinion internationale et les analystes politiques. Une enquête dense de rencontres et de témoignages, où les moments de partage des conditions de vie avec des maquisards atypiques, y compris lors de longs trajets nocturnes sur des entiers escarpés et dans des lieux dangereux, - ont assuré à son carnet de route un pouvoir de dévoilement. Il permet ainsi de voir bien plus clair que dans les rapports bâclés et politiquement orientés des experts onusiens ou des think tanks à la mode. Ce regard rapproché évite par ailleurs le piège de la diabolisation, qui est toujours un très mauvais outil d'analyse. Surtout si l'on veut comprendre les causes de la prolifération exponentielle de groupes armés – on en compte aujourd'hui plus de 70 au Kivu – qui fait de l'Est de la RDC l'une des zones les plus insécurisées de la planète. Justine Brabant interroge et s'interroge sans aucune complaisance. Jusqu'à percer, dans des endroits essentiels, le brouillard épais volontairement installé par la narration officielle d'une histoire qui demeure opaque. (...) Un travail précieux, le premier palier d'une recherche à poursuivre.
2016-04-29 - Moundiba Malanda - Afrique Asie
Journaliste sur le site Arrêt sur images, Justine Brabant s'écarte des analyses médiatiques dominantes dans une fine enquête sur la guerre à l'est du Congo. (...) Elle décrit alors avec une finesse remarquable le glissement du conflit. La génération de Mzee Zabuloni est entrée en guerre contre les réfugiés rwandais devenus des envahisseurs. Celle de ses fils continue de se battre, moins pour protéger le bétail, unique ressource du Kivu, que pour s'assurer un revenu et une reconnaissance sociale. Car c'est bien à cela qu'aspirent ces guerriers : construire une maison en brique, se marier et envoyer leur enfant à l'université. " Pour qu'on puisse se développer, il faut la paix d'abord. Il ne peut pas y avoir de développement sans la paix. Or, dans les pays où la dictature règne, la paix ne se cherche que dans les mouvements insurrectionnels ", explique un combattant. Un paradoxe fascinant au cœur d'un livre riche en anecdotes. On ne parle plus seulement de la RDC mais de toutes les guerres. À la manière du journaliste polonais Ryszard Kapuscinski, fin connaisseur du continent africain, l'auteur déconstruit les rhétoriques guerrières les pieds dans la boue et le courage chevillé au corps. Brillant.
2016-05-25 - Mathilde Carton - Les Inrockuptibles
Partie à la rencontre des combattants accusés de perpétuer le cycle des violences, la journaliste Justine Brabant signe un récit exemplaire. (...) Le Kivu – ou les Kivus, comme on désigne parfois cette vaste région pour prendre en compte les deux provinces (Nord-Kivu et Sud-Kivu) qui bordent les rives du lac éponyme – n'a pourtant rien d'une zone touristique, malgré sa beauté à couper le souffle. Depuis près d'un quart de siècle, ce territoire grand comme quatre fois la Belgique reste synonyme de guerres et de massacres, dont les médias et les ONG se font l'écho alarmiste à intervalles très irréguliers. (...) En réalité, pour comprendre ce qui s'est passé au Kivu, ce paradis perdu, il faut remonter jusqu'au génocide qui s'est déroulé en 1994 de l'autre côté du lac, dans le pays voisin, le Rwanda, théâtre cette année-là d'un carnage orchestré au plus haut sommet de l'État. Alors que la communauté internationale abandonne la minorité tutsie face à ses bourreaux, un mouvement rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR), également majoritairement tutsi, réussit à mettre un terme aux massacres, dont les promoteurs franchissent alors le lac pour s'installer au Kivu. Sans renoncer à reprendre les armes. Résultat, deux ans plus tard, en 1996, le FPR installé au pouvoir traverse à son tour la frontière pour écraser cette menace incessante. S'ensuivront des années de conflits, deux " vraies " guerres meurtrières, et l'émergence d'innombrables groupes armés, parrainés par les Rwandais ou hostiles à leur présence. Face à ce long chaos meurtrier, on avancera des chiffres impressionnants : plus de 7 millions de morts ! Puis ce sont les viols qui se retrouveront sous les projecteurs : massifs, utilisés comme " armes de guerre ". La réalité est plus complexe, comme va vite le découvrir Justine Brabant. Les chiffres des morts comme ceux des viols ont été souvent surestimés. Parfois par simple erreur méthodologique, parfois volontairement, pour encourager la manne humanitaire qui se déverse sur la région sans jamais rien résoudre. Et pour cause. Car loin de minimiser les malheurs du Kivu, la journaliste démontre comment les analyses simplistes et les alertes spectaculaires conduisent à éviter de se confronter aux problèmes de fond, en occultant les dysfonctionnements d'un pays dont les citoyens sont livrés à eux-mêmes. Aujourd'hui, " la guerre est en fait devenue une multitude d'accrochages en périphérie des îlots du pouvoir ", explique la jeune femme. Une trentaine de groupes armés sont encore actifs : ils " disparaissent, d'autres naissent, beaucoup se déchirent en sous-factions ". Certains combattants ont pris les armes par vengeance, parce que leurs proches ont été tués. D'autres espèrent monnayer un jour une place dans l'armée régulière, nombreux sont ceux qui se sont enfoncés sur le chemin de la guerre, " pas à pas ", presque sans s'en rendre compte. " Exercer la violence pour une grande partie de la jeunesse du Kivu ne signifier pas combattre un pouvoir mais tenter de s'y faire une meilleure place ", constate Justine Brabant à la fin de son périple, qui s'apparente à une quête de vérité. Laquelle pourrait revendiquer la célèbre phrase d'Albert Camus : " Mal nommer les choses, c'est contribuer au malheur du monde. "
2016-05-26 - Maria Malagardis - Libération
" J'ai commencé à me battre quand mes parents ont été tués sous mes yeux ", confie ce milicien du Nord-Kivu à la journaliste Justine Brabant. Son parcours dit bien le destin d'une population prise dans le conflit le plus meurtrier de l'histoire africaine. Si, officiellement, la guerre en République démocratique du Congo (RDC) est terminée depuis 2002, des combats sporadiques se poursuivent dans l'est du pays, avec leur cortège de crimes, de trafics et de pillages. Car se battre est parfois devenu le seul mode de vie possible quand l'économie est ravagée. Enquêtrice au long cours, Brabant s'est placée pendant trois ans " à hauteur d'homme " pour comprendre ce qui anime les uns et les autres. Elle donne la parole à tous, soldats, miliciens, humanitaires, commerçants, bergers, jeunes et vieux. Son récit, écrit d'une plume alerte, permet de comprendre pourquoi, malgré les annonces du gouvernement de Kinshasa, la situation dans l'est de la RDC est loin d'être stabilisée. Comme le souligne Rony Brauman dans sa préface, on pénètre également les dilemmes des acteurs humanitaires, parfois confrontés à des alternatives qui n'offrent que de mauvaises solutions.
2016-08-05 - Anne-Cécile Robert - Le Monde diplomatique
Préface, par Rony Brauman
I / La liste
Zabuloni
Le naufrage congolais
Les clichés
II / Entrer en guerre
Le génocide
L'occupation
Résistances
Pas à pas
III / Rester en guerre
L'arrestation
Le major
Vengeances
Le grade et la fonction
Nouveaux horizons
IV / Au front
Chez les " citoyens en colère "
La science de la boue
Le Motorola
De l'autre côté du fusil
L'autorisation
L'art du bluff
V / Décrire la guerre
Par millions
Massacres invisibles
La " capitale mondiale du viol "
Les hommes ordinaires
Combattants-communicants
Les mots piégés
VI / S'en sortir
Messages
La " matière "
La paix
L'humanitaire
La mort de Mzee.