Le titre de ce numéro peut sembler quelque peu alarmiste, mais il ne l'est pas : il désigne, principalement, deux problèmes de géopolitique interne, certes différents, celui de la Corse et celui des mouvements islamistes. Problèmes apparemment limités, mais dont l'aggravation actuelle risque d'avoir de graves conséquences pour l'ensemble de la Nation. Il s'agit, faits historiquement nouveaux en France, de deux mouvements séparatistes, chacun très minoritaire pour le moment au sein du groupe qu'il prétend représenter. L'un et l'autre se manifestent plus ou moins ouvertement par la violence armée et diverses formes d'intimidation, tout en réclamant du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Les nationalistes corses exigent l'indépendance d'une région entière, et ce, en dépit du rôle qu'une grande majorité de Corses, joue depuis 150 ans et encore aujourd'hui, à tous les niveaux de l'appareil d'État français. L'autre mouvement séparatiste récuse, au nom de l'Islam, l'appartenance à la société française de quatre millions de musulmans qui vivent dans notre pays, y compris de tous ceux qui y sont nés (plus de la moitié d'entre eux) et qui sont de nationalité française. Il s'agit là aussi d'un mouvement séparatiste, car sa logique est de revendiquer le contrôle, comme en Angleterre, de nombreux quartier de banlieue (ou même de centre ville) considérés comme peuplés majoritairement de musulmans. Les discours sur ces prétendus " ghettos " et sur l' " exclusion " risquent de conduire paradoxalement à un mouvement de type apartheid, d'autant plus dangereux que le gouvernement prétend constituer un grand nombre de " zones franches " à dérogation fiscale, sociale et culturelle en faveur des quartiers défavorisés... Cette " solution " de la " zone franche " est aussi envisagée par le gouvernement pour l'ensemble de la Corse... et pour le plus grand profit de groupes mafieux qui pourraient ainsi imposer leur autorité à l'ensemble des Corses et se servir de l'autonomie insulaire, comme ils le firent avec la Sicile, pour développer leurs " affaires " d'abord sur les régions méditerranéennes françaises puis sur l'ensemble du pays.
Cette revue est initialement parue en 1996.
La revue Hérodote, créée et dirigée par Yves Lacoste depuis 1976, trimestrielle, s'efforce de promouvoir une géographie d'action et une conception nouvelle et globale de la géopolitique. Dans le cadre de numéros thématiques et en faisant appel à des spécialistes reconnus, elle poursuit sa lecture exigeante d'un monde de plus en plus complexe.
" Pour fêter ses vingt ans, Hérodote consacre un numéro à la Corse et aux "ghettos" de l'immigration, où " une partie minoritaire de la population (...) la plus active politiquement, récuse plus ou moins ouvertement l'idée d'être français ". Afin de stopper cette dérive, estime Yves Lacoste, il faut absolument régénérer le discours sur la nation. "
ENJEUX
2024-11-21 - PRESSE
Périls géopolitiques en France, par Yves Lacoste
La dérive de la Corse, une dérive économique, sociale et civique, par Marianne Lefèvre
Le Midi, entre ségrégation et clientélisme, par Pierre Tafani
Exclusion sociale ou exclusion nationale ? L'affaire Kelkal en banlieue Est de Lyon, par Franck Chignier-Riboulon
Un vote maghrébin en France, par Schérazade Kelfaoui
Les élites politiques françaises d'origine maghrébine à la conquête d'une légitimité, par Geisser Vincent
Les nouveaux rapports de l'Alsace et de l'Allemagne, par Richard Kleinschmager
La cohésion nationale et le mouvement social de décembre 1995 : une question de géopolitique interne, par Béatrice Giblin-Delvallet
L'Algérie : l'histoire ne se répète pas, mais..., par Benjamin Stora
Hérodote a lu : "La France en villes", de Félix Damette, Philippe Subra
Hérodote 1976-1996 : sommaires des numéros 1 à 80 et les principales orientations thématiques.