Aujourd'hui, le constat est devenu banal : les idéologies qui fondaient l'engagement individuel et les luttes collectives pour l'émancipation se sont effondrées. Le conformisme réaliste s'est substitué au mythe du progrès. Et il est vrai que la logique déterministe qui sous-tendait ce dernier est définitivement brisée. Comment sortir de ce constat circulaire et désespérant sans produire de nouvelles illusions ? Comment construire une philosophie et une praxis de la liberté émancipées de " l'idée de progrès " ? C'est à ces questions difficiles que s'attaque ici le psychanalyste et philosophe Miguel Benasayag, poursuivant le travail de réflexion critique engagé dans ses ouvrages précédents, publiés à La Découverte : Utopie et liberté (1986) et, avec Edith Charlton, Critique du bonheur (1989) et Cette douce certitude du pire (1991). Pour y répondre, Miguel Benasayag analyse les deux grandes ruptures historiques qui marquent à ses yeux l'évolution de l'idée de liberté. La première est la " rupture nominaliste " qui, à partir du XIIe siècle, jeta les bases du mythe du progrès et de la modernité : c'est par elle que l'homme se constitua en sujet capable de regarder l'univers comme un objet, et fit de la connaissance le moyen de l'émancipation ; la seconde est la " grande crise de 1900 ", qui marque l'effondrement de ces catégories modernes et l'origine de la crise actuelle des valeurs : la pensée déterministe est alors triplement mise ne cause, par la découverte freudienne de l'inconscient, par la physique quantique et par l'irruption de l'indécidable en mathématiques. Au terme de ce parcours historique et philosophique, l'auteur explore les pistes d'une rationalité nouvelle, dégagée de toute téléologie. Faute de pouvoir " faire l'Histoire ", les hommes doivent penser ce qu'ils peuvent faire dans l'Histoire. En un mot : penser la liberté !
Introduction
1 - Du monde-langue à la désacralisation nominaliste
La fonction du mythe et de la langue sacrée dans les mondes non modernes
Un monde en mouvement
2 - La subversion nominaliste
La crise du XIVe siècle
L' " ontologie minimale " de Guillaume d'Ockham
L'idée du concept et la rationalisation du réel
3 - La mathésis universelle et la naissance de la modernité - Une tour de Babel rationaliste
Le futur, terre de promesses
Les réactions à la rupture
Galilée et la mathésis universelle
4 - L' individu indivisible ?
Le piège de l'homme moderne
Contingence et responsabilité
Une continuité paradoxale
L'idéal de la pierre
5 - La crise de 1900
Au cœur de la crise, le problème de la référence
Le projet totalisant de Frege
Sens et référence
Frege aujourd'hui : la question de l'éthique
6 - Une raison non déterministe
Göbel et l'incomplétude
Raison et déterminisme
Sens et signification
Sens et liberté
7 - Pour une théorie de la situation
Le choix et la décision
Penser la situation
Le pari et la passion
Penser le progrès
Désir et sujet
Conclusion.