Contrairement à ce que l'on a coutume de croire, on s'est beau coup amusé sous la dictature nazie ; et plus le pays s'est enfoncé dans la folie et les massacres, plus les loisirs se sont multipliés, recouvrant de leur " clameur " les râles des victimes. Le Reich était en effet une société de consommation comme les autres, rêvant des mêmes plaisirs... Est-ce si étonnant, à défaut d'être innocent ? Les loisirs aidaient à supporter l'oppression, tout en permettant d'imposer des normes fascistes sous des dehors " divertissants ". Faut-il pour autant considérer la culture de masse comme une propagande douce ? Justement, non, et là est tout l'enjeu de ce livre : si la " haute " culture a bel et bien été mise au pas, le divertissement populaire, précisément parce qu'il n'était pas considéré comme digne d'intérêt, a joui d'une certaine liberté. Il a donc existé, au sein même du IIIe Reich, des romans, journaux, des jeux et des films qui recelaient une critique féroce, mais " codée ", du régime et qui furent diffusés en masse.
Ce livre offre ainsi une lecture totalement inédite du régime nazi en prenant en compte sa dimension infra-politique. Il montre comment les romans policiers, la science-fiction, l'humour ou le sport, mais aussi les films d'aventures ou la culture automobile ont pu être le creuset d'une dissidence voilée, d'une micro-résistance du quotidien qui témoigne d'un autre visage de l'Allemagne sous la dictature hitlérienne.
2014-05-23 - Thomas Rabino - Marianne
L'ordre contre l'obscurité : on pourrait croire que l'imaginaire de la littérature policière a fait de celle-ci un instrument privilégié de la propagande nazie. La réalité fut bien plus complexe. Vincent Platini, en livrant son anthologie du récit policier et une étude de la culture populaire sous le IIIe Reich, Lire, s'évader, résister, éclaire finement les rapports entretenus par le régime avec ce genre littéraire.
2014-06-20 - Julie Clarini - Le Monde
Le IIIe Reich fut sans doute l'un des régimes où la propagande exerça la plus forte emprise sur la société allemande. Le ministre chargé de la penser et de l'appliquer dans tous les aspects de la vie quotidienne, Joseph Goebbels, en fit une entreprise inédite par son ambition totalitaire. Pour autant, l'idéal de la propagande n'est pas d'être omniprésente et par trop massive, faute de quoi elle manque son but. " Dès qu'une propagande est consciente, elle devient inefficace ", disait J. Goebbels. C'est le mérite du travail de Vincent Platini de montrer comment la culture populaire allemande de l'époque s'est efforcée de contourner l'obstacle et de se glisser dans les failles de l'édifice. Le cinéma, la littérature populaire, le roman policier en particulier, même soumis au contrôle d'une administration aux effectifs pléthoriques, ont pu être le lieu d'une critique discrète et d'un ferment de dissidence. C'est par allusions, silences, aposiopèses (suspensions rhétoriques de la fin de la phrase) et autres contournements que s'est manifesté l'écart au discours imposé. L'art officiel conduisant à la lassitude à force de répétition, les " contrebandiers de la culture de masse " se frayèrent un chemin dans la masse de la production, rusant en permanence face à la terreur et à la censure. Ainsi, le divertissement populaire a-t-il gardé un degré de liberté durant toute la durée du régime et même pendant la guerre.
2014-10-01 - Nicolas Journet - Sciences humaines
Acronymes et abréviations fréquemment utilisés
Introduction. Prendre le thé avec Goebbels
1. Divertissements populaires et subversions anodines
" Je sais ce que pense le peuple "
Le lièvre et le nazisme
Divertir, discipliner
Infiltrations, résistances
Fortune du crime, privilège du mépris
Quand bien même
2. Contrôles et dérapages
Mise(s) au pas
Coups de force - Censures - Les blocs - Les chambres culturelles
Arythmies et cahots
Crocs-en-jambe - Désintérêt et temps de retard - Mesures
Erreurs de casting
Faire avec ce qu'on a - Têtes de gondole
La folle marche forcée
L'investissement du plaisir - Danse macabre
3. Grilles d'interprétation, lectures dissidentes
La liberté artistique : carte blanche sur fond brun
Un goût soigné - Le flou artistique
L'interprétation illimitée
Le Reich herméneutique - Relectures policières
Des lectures fébriles
Craindre et relire - Rien ne dure
Trois exemples indécis
Cela veut dire ce que vous voulez - " Personne ne peut répondre à la question : quel genre d'homme était Münchhausen ? - " Rien de plus beau que les premières répétitions, celles où manquent encore les décors... "
4. Divertissements policés et Krimi à croix gammée
Esquisser l'ennemi
Trouble dans les bas-fonds - Figures de la délinquance
Alerte
Nouvelle police, nouvelles pratiques - À l'ombre du pouvoir
5. Territoire sous contrôle et lignes de fuite
Enlacements : vivre au fil du Reich
Les voies de l'unité - Cartes et quadrillages - Vers la conquête
D'ailleurs : le rapport à l'étranger
Le repli - Les inventions de l'étranger
Conclusion. Sortir de la parenthèse
Remerciements
Notes.