À l'époque de la Révolution française, l'image de l'androgyne fleurit dans l'art néoclassique français. À travers ces figures d'adolescents aux lignes féminines, la référence à l'idéal antique – cher à l'historien de l'art Winckelmann –, centré sur le corps et l'érotisme masculin, est reprise et largement sollicitée, non sans mélancolie. Les représentations des hermaphrodites côtoient ainsi de nouvelles entreprises scientifiques et culturelles visant à établir une nette différenciation des sexes.
Interrogeant les mises en scène artistiques des masculinités ambiguës, des Lumières à la Restauration, Mechthild Fend rapproche les changements dans la société française liés à l'identité sexuelle des bouleversements politiques et sociaux de l'époque révolutionnaire. Dans le sillage de Michel Foucault, Judith Butler et Thomas Laqueur, cet essai illustré, au croisement de l'histoire de l'art, de la littérature et de l'histoire du corps et de la sexualité, met en lumière la fluidité des définitions du masculin et du féminin caractérisant cette période de transition.
Dans cette perspective, l'androgyne apparaît, notamment à travers les œuvres de David et de Girodet, comme une figure privilégiée, qui reflète et anime ce mouvement, avant qu'un régime plus normatif ne s'établisse dans les premières décennies du XIXe siècle.
Mechthild Fend, spécialiste de la culture visuelle française des XVIIIe et XIXe siècles, enseigne l'histoire de l'art à l'University College de Londres. Au-delà de la théorie de l'art, ses recherches portent sur la représentation du corps, les rapports entre arts et sciences, les images médicales – dont l'anatomie artistique –, ainsi que l'histoire de l'art féministe et les questions sur le genre. Cet ouvrage est le premier, parmi les différents titres publiés par l'auteure, à paraître en français.
Traduit dix ans après sa publication en Allemagne, l'essai de Mechthild Fend, spécialiste de la culture visuelle des XVIIIe et XIXe siècles, interroge la figure de l'androgyne dans l'art néoclassique français. À travers l'étude de tableaux de David, Girodet ou Guérin, l'auteur montre les limites ténues entre masculinité et féminité à une époque où l'éphèbe antique était vu comme l'idéal masculin.
2011-10-21 - Le Journal des Arts
Empruntant à l'histoire de l'art, aux études visuelles et à la théorie queer, Mechthild Fend analyse la représentation des hermaphrodites dans l'art français au moment où s'impose un discours qui postule une nette différenciation des sexes.
2011-11-18 - Le Monde
On saluera, dans ce beau livre, le geste éditorial comme tel, qui donne à lire – et à voir : l'ouvrage est richement illustré, parvenant à un bel équilibre de mise en page entre texte et image – un travail publié en allemand, issu d'une thèse conduite à la fin des années 1990. À sa date, l'ouvrage s'est inscrit dans le développement des études pionnières sur le masculin, en particulier sous l'impulsion de la sociologie, mais aussi de l'histoire sociale et de l'histoire des femmes, entrée dans une nouvelle phase à la fin de cette même décennie. L'auteure justifie dans sa postface le choix risqué de préserver non seulement le texte, mais les références bibliographiques en l'état de la première publication allemande de 2003 comme une façon de recontextualiser l'ouvrage dans son moment. Cette traduction française y gagne de fait le statut d'un triple indicateur historique sur la construction d'un champ intellectuel : elle rappelle un moment fondateur, évalue une trajectoire de recherche – même si cette très rapide postface en dit le moins possible à cet égard, on notera qu'en son temps, M. Fend n'avait négligé aucun des travaux d'importance en France, Allemagne et domaine anglo-saxon – et donne à voir les modalités et l'efficace d'une opération de transfert culturel sur les études de genre. Aujourd'hui, la publication d'un tel livre, dans une telle collection, illustre l'institutionnalisation des Gender studies en France. Elle confirme en particulier leur importance pour penser le rapport entre esthétique et politique : " toute tentative de définir une beauté physique idéale, note ainsi M. Fend, représente des idéaux de masculinité et de féminité
2011-12-04 - Florence Lotterie - Liens socio
Préface d'Élisabeth Lebovici
Introduction
1. Le débat sur les sexes dans le discours philosophico-littéraire et médical des Lumières
La différenciation des sexes. La dualité comme paradigme de l'époque moderne
Deux sexes dans un même corps. L'hermaphrodite comme " chimère "
2. Les limites du corps en fluctuation. Le beau idéal et ses ambivalences dans la théorie de l'art du néoclassicisme
L'hermaphrodite et l'androgyne chez Winckelmann et dans la réception française de cet auteur
Le contour et la ligne ondoyante
Entre historicisation et idéalisation. L'appropriation mélancolique de l'Antiquité
3. Ordre et confusion des sexes dans l'orbe de la Révolution francaise
La division des sexes.
Le Serment des Horaces et le Brutus de David
Identités nébuleuses
Le Sommeil d'Endymion de Girodet
La violence de l'unité
La Mort de Bara de David
4. L'adolescent et le deuil de l'Antiquité sous l'Empire et la Restauration
L'amant mourant dans les représentations de couples homosexuels
Des garçons virginaux : l'androgynie de l'adolescent
Les débats esthétiques autour de l'adolescent comme incarnation du beau idéal
5. Le mélange des sexes
Immersion dans la sphère féminine
Ovide et Sade. Hermaphrodite et Salmacis chez Girodet
L'érotisme des gris dans Les Amours des Dieux de Girodet
Un antihéros au royaume de Vénus. Anacréon illustré par Girodet
Renversement contradictoire des rôles
6. L'Endymion de Girodet en castrat vieillissant dans Sarrasine de Balzac
Conclusion
Postface de l'auteur
Bibliographie