En 2011, d'impressionnants soulèvements populaires contre les dictatures ont bouleversé le monde arabe. À la joie et à l'espoir ont souvent répondu la terreur et la violence des régimes autocratiques. Une décennie après ces " printemps arabes ", quel regard peut-on porter sur eux comme sur ces répressions ? C'est une réponse originale à cette question qu'Hamit Bozarslan apporte dans ce livre, où il mobilise de façon très accessible les résultats de longues années d'enquêtes sur les sociétés de la région.
Il rend compte d'abord des origines des dynamiques émancipatrices surgies en 2011. Mais aussi de la radicalisation des processus destructeurs en œuvre au Moyen-Orient depuis des décennies, de la transhumance djihadiste aux luttes hégémoniques des grands acteurs régionaux (Arabie saoudite, Iran et Turquie). Et il montre que si la passion de l'égalité, de la liberté et de la dignité s'est exprimée avec force dès 2011, avant d'être renouvelée en Algérie, au Soudan, en Irak et au Liban, les risques d'une restauration autoritaire, ainsi que d'une transformation de certains États arabes en forces miliciennes, ont très tôt été présents. Ainsi, en Syrie, mais aussi en Libye et au Yémen, le Léviathan autoritaire a cédé la place à Béhémoth, dont l'ultime dessein est de détruire la société. Dans cette dynamique du pire, l'aveuglement et le cynisme des démocraties occidentales n'a pu que favoriser l'émergence des " monstres " dans le monde arabe.
Docteur en histoire et en science politique, Hamit Bozarslan est directeur d'études à l'EHESS. Il est notamment l'auteur de Conflit kurde (Autrement, 2009), Une histoire de la violence au Moyen-Orient. De la fin de l'Empire ottoman à Al-Qaïda (La Découverte, 2008), 100 mots pour dire la violence dans le monde musulman (Maisonneuve et Larose, 2005) et Histoire de la Turquie. De l'Empire à nos jours (Tallandier, 2015). Ses travaux portent sur la sociologie historique et politique du Moyen-Orient, et il publie régulièrement des chroniques dans le magazine Moyen-Orient.
Introduction. Une spirale de fragmentation sociale accélérée
Observer le Moyen-Orient, 2011‑2021
Conjurer la " malédiction arabe " ?
Un détour par les années 1920 et 1930
Banalité, singularité et irréductibilité de la violence
Les États et la guerre pour l'hégémonie
Les bifurcations spectaculaires de la politique turque
La marginalisation de la question palestinienne et du monde arabe
L'importance de prendre en compte le temps long
La difficulté de penser le politique dans le monde arabe et au Moyen-Orient
1. 2011 : réflexions sur les configurations révolutionnaires égyptienne et tunisienne
Acteurs volontaires et contraints de la révolution
Pourquoi la Tunisie et l'Égypte ?
Sortie de la fatigue sociale ?
Incertitudes et hypothèques sur l'avenir
2. 2012 : bilan révolutionnaire, entre espoir et pragmatisme
Révolutions démocratiques, révolutions conservatrices
L'effet domino dans le monde arabe
Temps court de la révolution, temps long de la crise
3. 2012 : " La rue décide de tout, mais elle n'a pas investi le palais "
Des configurations étatiques très différentes
Au Maroc et en Algérie, la contestation encore contrôlée
Une nouvelle vague de démocratisation ?
L'avenir imprévisible des révolutions
4. 2013 : nouvel état de violence
Territoires de conflits en 2013
Tunisie et Égypte : double légitimité, double blocage
La question de l'islam
5. 2014 : noires subjectivités
La crise du système westphalien au Moyen-Orient et la production de chaos
Égypte : de très nombreuses interrogations
La démocratie face au " facteur violence "
6. 2014 : des tentatives révolutionnaires à l'heure des fragmentations sociales
Le défi démocratique des révolutions arabes
Face à l'effondrement, la résistance comme stratégie de survie
Contestations turques, question kurde
7. 2015 : de la désintégration des États à l'effondrement des sociétés
De l'usage de la violence et du pouvoir
Entre déracinement et militarisation
La violence et le " religieux radicalisé "
8. 2015‑2016 : cynisme et misère de la raison géopolitique
La revanche de la Russie de Vladimir Poutine
La nouvelle donne kurde et le régime Erdogan
Radicalismes et transhumances confessionnels
Fin du XXe siècle au Moyen-Orient ?
9. 2017 : stabilisation autoritaire et incertitude démocratique
Des conflits ancrés dans la durée
La Turquie et l'Iran dans des logiques belliqueuses
Politiques américaines et avenir du djihadisme
À l'horizon 2020
10. 2018 : le temps des monstres
La Libye et le Yémen : deux sociétés fracturées
La diplomatie milicienne iranienne
La stratégie d'expansion turque
Iran, Russie, Turquie : les antidémocraties du XXIe siècle
11. 2019 : une guerre de quarante ans ?
Algérie et Soudan : un " épisode II " des révolutions arabes ?
Terrains de guerre
Des guerres depuis 1979
12. 2020 : une mort qui règne, sans rien accomplir
Algérie, Irak et Liban : des contestations confinées
Régner en maître sur un monde de ruines
La question iranienne, le renouveau djihadiste
13. Le tournant de la décennie 2020 ou le temps suspendu du Moyen-Orient
Une Covid-19 brise-révolution
Libye, Syrie, Yémen : terres de la
stasis
Ankara, Téhéran, Abou Dhabi/Riyad : les limites de la démesure
2011 : une décennie après
En guise de conclusion
Des contestations révolutionnaires à la
stasis
Le Moyen-Orient à l'horizon des années 2030
La responsabilité des sociétés, la responsabilité des démocraties
Chronologie 2010‑2021
Termes et concepts d'origine étrangère
Notes
Index.