Qu'est-ce que la vie ? Ce problème s'est posé à l'homme depuis des millénaires, et malgré les immenses progrès de la biologie, le statut du vivant reste, quoiqu'on en pense, toujours aussi incertain : les tentatives de réduction de l'organique au physico-chimique laissent toujours un résidu inexplicable, tandis que les définitions de la spécificité du vivant hésitent entre la tautologie et l'irrationnel. L'étude du vivant, contrairement aux autres sciences, ne peut pas se passer de l'idée de finalité. Derrière les notions de fonction, d'organe, d'adaptation ou de pathologie, rôde toujours la question : à quoi sa sert ? Mais les biologistes ont un peu honte d'une particularité qui semble ramener les fondements de leur discipline aux idées naïves du sens commun. L'essai de Francis Kaplan prend ces problèmes à bras-le-corps et fournit une introduction philosophique sans équivalent aux avatars du concept de vie depuis l'Antiquité grecque jusqu'aux controverses actuelles sur le hasard et la nécessité, l'émergence de la vie et les rapports entre conscience et matière. Il montre que ni la finalité théologique ni la réduction de la vie à la matière, ni les théories vitalistes n'apportent une réponse satisfaisante à l'énigme de la finalité biologique. Quant à l'explication par le rôle du hasard, même associé à la sélection naturelle, une analyse probabiliste sérieuse montre qu'elle se heurte à des difficultés insurmontables. Le fait que la vie soit compréhensible reste donc incompréhensible. C'est une leçon d'humilité pour la raison, mais cela n'empêche pas la biologie de fonctionner et de progresser. Entre le danger d'une dérive théologique et le carcan de la stricte orthodoxie darwinienne, il y a donc une place pour une définition pratique de la vie qui rende mieux compte du travail effectif des biologistes.
(Cette édition numérique reprend, à l'identique, l'édition originale de 1995)
Francis Kaplan est directeur du département de philosophie de l'université de Tours. Il a publié plusieurs ouvrages dont La Vérité et ses figures (Aubier-Montaigne, 1977).
Introduction
1. Définition de la vie
Définition scientifique de la vie - Agrégat ou totalité - Moyens en vue d'une fin - La bionique - Vie et machine - Vie et conscience
2. L'absurdité de la finalité
1. La conscience organique - Lamarck - Les néo-lamarkiens - Raymond Ruyer - Le mécanisme de l'action de la conscience organique - Critique - 2. La finalité théologique - La preuve de Dieu par la finalité biologique - Les imperfections de la finalité - L'action de Dieu
3. La réalité de la finalité
1. Le refus des causes finales - La biologie réduite à la physico-chimie - L'apparition de la vie à partir de la matière - 2. La biologie implique la finalité - L'opinion des biologistes - Le langage des biologistes - Les concepts biologiques - Le raisonnement biologique - La valeur heuristique de la finalité - La vie née de la matière ?
4. La finalité généralisée
Les principes d'extremum - Les systèmes physico-chimiques - Le principe de Le Chatelier
5. Le hasard
Les êtres vivants comme machines - D'Épicure à Darwin - les difficultés de l'explication par le hasard - Hasard possible et hasard impossible - L'apparition du premier être vivant - L'évolution des repères - La probabilité théorique de l'apparition d'une ébauche d'organe - La possibilité du très peu probable - Improbabilité et temps infini
6. Conscience et matière
Les définitions de la matière - Le matérialisme dialectique - La négation de la conscience - Les ordinateurs conscients - La physique et l'action de la conscience sur la matière - L'épiphénomène - La liberté
7. La vie, concept bricolé
Le vitalisme - La vie comme totalité - La vie indéfinissable - la vie inconcevable ? - L'incompréhensible compréhensibilité
Table.