Il ne manque pas d'Occidentaux qui, dès le Moyen Âge, se sont rendus en terre d'islam et ont révélé les réalisations, les mœurs et les coutumes des " infidèles " à une chrétienté qui en fut marquée. Rien de tel pourtant de l'autre côté : les États musulmans ont vécu dans une grande ignorance de l'Occident. D'où l'importance du récit de Mehmed efendi, qui nous fait revivre la France du début du XVIIIe siècle à travers le regard d'un Turc à la curiosité toujours en alerte et d'une intelligence aiguë. Son long voyage à travers la France et surtout son séjour de quatre mois et demi à Paris lui inspirent quantité d'observations qui laissent parfois percer la critique, ou plutôt la surprise volontiers ironique. On le verra notamment décrire avec pertinence le système d'écluses du canal du Languedoc, la grande machine de Marly, les techniques de polissage des miroitiers du roi ou encore les instruments de l'Observatoire. Les beaux-arts et les spectacles, le mobilier et la décoration, tout ce qui fit le faste du Grand Siècle et de la régence se taillent la plus large place dans sa relation. Quelles qu'aient été par la suite les vicissitudes du mouvement d'occidentalisation dans l'empire ottoman, la relation de Mehmed efendi en présente assurément le prologue. La traduction française de ce texte, effectuée peu après sa rédaction par l'interprète Julien-Claude Galland, fut publiée en 1757. Elle est reproduite ici intégralement, précédée d'une introduction historique, accompagnée de notes et documents annexes qui en éclairent et complètent la signification.
Yirmisekiz Çelebi Mehmed (1680-1732), haut dignitaire ottoman, fut envoyé en ambassade en France par le sultan Ahmed III, en 1720-1721, pendant la Régence, événement extraordinaire, qui fut perçu comme tel tant à Istanbul qu'à Paris.
Avant-propos - Introduction, par Gilles Veinstein - Orient-Occident - Une idée " fort nouvelle et fort extraordinaire " - L'ambassade : lumières et ombres - Le paradis des infidèles - " Modes françaises " sur le Bosphore et épilogue - Relation de l'ambassade de Mehmed efendi à la cour de France écrite par lui-même et traduite du turc - Appendice. Lettre écrite au maréchal de Villeroi par Mehmed efendi à son retour à Istanbul - Repères chronologiques de l'ambassade - Textes annexes - I. Échos, rumeurs et commentaires. Témoignages français sur l'ambassade - L'ambassade à travers Le Nouveau Mercure - Extraits du Journal de Jean Buvat, écrivain du roi - Extraits du journal d'Edmond-Jean-François Barbier, avocat au Parlement de Paris - Extraits du journal de Mathieu Marais, avocat au Parlement de Paris - Une lettre de la princesse Palatine à M. de Harling - Le point de vue de Saint-Simon - Vie quotidienne de l'ambassade turque en France à travers la mémoire de Le Dran - Extraits des remarques du marquis de Bonnac, ambassadeur de France à Constantinople - II. L'Occident à travers deux autres textes ottomans du XVIIe siècle - Un témoignage ottoman sur la nécessité de connaître l'Occident et son art militaire : les remarques d'Ibrahim müteferrika - Aperçu d'un journal d'ambassade ottoman de la fin du XVIIIe siècle : le système politique anglais d'après Mahmoud Raïf efendi, secrétaire de l'ambassade turque à Londres (1793-1796) - Sources et bibliographie.