Dans L'Esprit du don, Jacques T. Godbout montrait que le don occupe encore une place de première importance dans nos sociétés, à côté du marché et de l'État. Dans ce nouvel ouvrage, il généralise son propos : le don est ce mode de circulation des biens et services propre aux réseaux et où n'intervient pas la séparation entre un public et des professionnels. Dans la famille ou dans la société, le monde des réseaux fonctionne au don et à la dette, et non pas à l'équivalence (comme dans le marché) ou à l'égalité (comme dans l'État). Quand les réseaux fonctionnent bien, cette dette est positive : elle n'engendre pas angoisse et aliénation, mais confiance et désir de loyauté. Le don apparaît ainsi indissociable du sens : c'est l'intention qui compte et c'est le sens qui fait le don. Enfin, c'est à travers la relation de dette (positive ou négative), de don et de contre-don, que se forment ou se déforment les identités. Nourri par de nombreuses recherches empiriques, ce livre propose ainsi un véritable paradigme alternatif à celui de la science économique et de la sociologie utilitariste. Au lieu de postuler que nous serions tous des homo œconomicus, qui ne songent qu'à prendre et à garder, il risque l'hypothèse inverse : ne serions-nous pas plutôt du genre homo donator, davantage motivés en fait à donner qu'à recevoir ? Sans aucune pose théoriciste, modestement et avec rigueur, Le don, la dette et l'identité prend à contre-pied un grand nombre d'idées reçues dans les sciences sociales.
Jacques T. Godbout, professeur-chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique (Université du Québec), est l'auteur de La participation contre la démocratie (Saint Martin), La démocratie des usagers (Boréal) et, en collaboration avec Alain Caillé, de L'Esprit du don (La Découverte/Boréal). Considéré comme un des meilleurs spécialistes mondiaux de la sociologie du don, J. T. Godbout est membre du comité de rédaction de La Revue du MAUSS.
" Jacques Godbout développe une sociologie du don moderne en partant du constat que l'espace du don n'est pas homogène et ne se limite en tout cas pas à l'univers des petits cadeaux entre amis (...) l'espace du don n'est-il pas théoriquement limité a celui des réseaux : c'est une modalité première du lien social, un paradigme à lui tout seul, peut-être même une pulsion fondamentale, qui ne relève ni du calcul ni des intérêts, ni de la contrainte sociale pure et simple. Cette réflexion stimulante est claire et s'inscrit au cœur des préoccupation du MAUSS. "
SCIENCES HUMAINES
" Dans une démarche qu'on pourrait qualifier d'anthropologie contemporaine, Godbout se propose d'examiner les différentes formes du don, d'abord dans le cadre de la parenté, puis ensuite à l'égard de l'étranger (...) Jacques T. Godbout plaide pour une mise en question de l'empire de la raison utilitaire qui tendrait à réduire la liberté au fait de n'être en dette à l'égard de personne. Il veut discerner, non sans une certaine visée utopique, une tendance altruiste, qui coexisterait avec d'autres traits de caractère humain, laquelle pousserait à donner non pas pour recevoir mais pour que l'autre donne. La démonstration, conduite à l'anglo-saxonne, sans effet ni passion, se veut modeste. Godbout ne prétend effacer ni le marché ni l'Etat, mais revendique simplement que le don puisse tenir, voir élargir sa place et sa fonction libératrice et régénératrice. "
LA CROIX
2024-11-21 - PRESSE
Avant-propos et remerciements
Introduction
Le don comme phénomène relationnel
Réseaux et appareils
L'égalité, l'équivalence, la dette
La spécificité de l'entrée par le don
S'intéresser à ce qui circule
Chercher le sens du geste
Le don comme forme du lien communautaire
Première partie : le don dans la parenté
Introduction : les trois circuits du don
1. Le marché, la justice, la réciprocité. Quelles normes pour le don dans la parenté ?
La parenté tient le marché à distance
La parenté tient la justice à distance
L'aide et les services
Les cadeaux
L'hospitalité
La parenté tient la réciprocité à distance
La transmission intergénérationnelle
Les cadeaux de Noël
La réciprocité limitée
2. Au fondement du don, la dette
De quelques principes de la circulation du don
Capacités, besoins, réputation
L'excès
La liberté
Problèmes posés par ces principes
La liberté : don et dû
L'excès non contrôlé
La domination et la réciprocité
Une solution : la dette mutuelle positive
Les discours sur la dette
Interprétation
La dette positive
La dette négative
Le don et la dette mutuelle positive
3. De quelques objections à la thèse de la dette positive
dette positive versus schéma de l'évolution
Individuelle et réciprocité excessive
L'inscription de la dette positive dans un modèle relationnel des états
Réciprocité généralisée et état de dette
Seconde partie : le don aux étrangers
Introduction : l'actualité du don aux étrangers
4. Un don étonnant
Diversité du don aux étrangers
Le don du samaritain
Le don au mendiant
Les groupes d'entraide
Le bénévolat
La philanthropie
Le don d'organes
L'adoption
Entrée par le don et tiers secteur
Donneur-receveur : trois types de liens
Le don aux étrangers comme figure de l'impossible
5. Donner aux proches, donner aux étrangers
Les proximités
Les rituels
Les motivations
Le lien primaire comme " bonne raison " de donner aux inconnus
L'irréductibilité du don aux étrangers
La nature différente de ce qui circule
Une liberté accrue
L'intervention des intermédiaires. L'exemple du don d'organes
Un don unilatéral et non réciproque
6. Don aux étrangers et tiers secteur
Pour une autre approche du tiers secteur
L'évolution supposée inéluctable du tiers secteur vers des modèles classiques d'organisation
Le contre-exemple des alcooliques anonymes
Mutations dans le tiers secteur
La question de l'efficacité du tiers secteur
L'État et le tiers secteur. Le déni de confiance
Le marché et le tiers secteur : le problème de la philanthropie
Vers une redéfinition du tiers secteur
Au-delà de l'utilité, le lien social
7. Des bonnes raisons de ne pas donner. Le don d'organes
Le don, une expérience sociale fondamentale de la communauté
Les bonnes raisons de ne pas donner
Les dangers du don
Au cœur du problème, la difficulté de recevoir
Le danger du recevoir (un organe)
La réception par l'organisme humain
La dette du receveur
Recevoir : la mise en péril de l'identité
Faire face au danger (du don d'organe)
La négation de la dette
La prégnance du modèle mécaniste
La dette positive
De la spécificité de la dette positive dans le don aux étrangers
Le don comme expérience d'une identité non individualiste
Conclusion : le postulat du don. Homo donator versus homo oecomonicus
Le privilège paradigmatique de la raison utilitaire
Aspects positifs
Limites et faiblesses
L'alternative holiste
Mais pourquoi diable ! Donne-t-on ?
Le don ne relève pas du modèle marchand
Le don ne relève pas du paradigme holiste
Don et théorie sociologique
Raison utilitaire et holisme : un même ressort de l'action humaine
L'intérêt comme postulat unique est-il une évidence ?
La question de la confiance
Le postulat du don est-il farfelu ?
De quelques implications pour l'étude du don
Un renversement de perspective
La réciprocité est seconde
L'importance de la dette
Les fantômes du don
Bibliographie.