Ce livre s'attache à dissiper le halo de mystère qui entoure la figure de l'enfant " surdoué ". D'où vient-elle ? Comment est-elle devenue, en France, sous le nom de " précocité intellectuelle ", une question éducative sérieuse et officielle ? Dans quelle mesure les psychologues reconnaissent-ils cette notion ? Et surtout : qui sont, qu'attendent et que font les parents qui ont aujourd'hui recours au quotient intellectuel (QI) pour attester la grande intelligence de leur(s) enfant(s) ?
À partir d'une enquête menée notamment auprès de parents, de psychologues et de militants associatifs, ce livre relie l'affirmation de cette petite noblesse de l'intelligence que constituent les enfants surdoués à un double contexte : le développement de pratiques psychologiques privées et l'augmentation de la concurrence au sein de l'école massifiée.
De façon exemplaire, le cas des surdoués montre comment la psychologie clinique peut fonctionner comme une source légitime de singularisation des enfants dans les secteurs les plus indifférenciés de l'école (de la maternelle au début du collège). Cette singularisation a certes une fonction de réassurance pour des familles qui, bien que plutôt avantagées socialement, sont sujettes à de vives incertitudes éducatives. Mais on ne saurait ignorer les conséquences concrètes qu'a aussi l'anoblissement psychologique : l'institution scolaire se voit pressée d'accorder aux intelligences qui la dépassent les petits privilèges qui leurs sont dus.
Wilfried Lignier, sociologue, enseigne à l'École normale supérieure. Ce livre est tiré de sa thèse, soutenue en 2010.
Introduction
L'identification des surdoués, ou la psychologie comme pouvoir privé
Une approche à la fois critique et compréhensive
I / La cause française de l'intelligence (1971-2005)
Le temps de l'illégitimité (1971-1978)
Les premiers militants de l'intelligence
La manifestation de l'élitisme ?
Des surdoués aux précoces, un repositionnement (1978-1990)
" Ce qui a fait qu'on est passé, c'est qu'on a parlé des difficultés "
Faveurs des médias et incertitudes du lobbying politique
L'institution des " enfants précoces "
Vers la légitimité d'État (1990-2005)
Recompositions militantes et opportunités médiatiques
Ce que fait la médiatisation : une émission exemplaire
Les conditions politiques de l'engagement de l'État
Une reprise officielle du point de vue militant
La cause de l'intelligence comme cause d'État
II / Ce qu'offrent les psychologues
Supérieurs et vulnérables, selon la littérature psychologique
Une littérature de plus en plus importante
Le diagnostic équivoque de la littérature savante
La littérature profane : portraits psychologiques ou portraits sociaux ?
L'offre clinique à l'épreuve de la demande parentale
Des spécialistes de la précocité
L'autorité psychologique privatisée
III / Qui s'approprie le diagnostic ?
La précocité intellectuelle, une question de classe
Un recrutement social particulièrement favorisé
Une affinité de style avec certaines fractions des classes supérieures ?
Le genre de l'intelligence
Filles exclues, filles cachées
L'économie sexuelle de l'intelligence
Dispositions éducatives des parents et performances des enfants
Évaluer dès la prime enfance, scruter le développement
Un fort encadrement éducatif à l'âge scolaire
Des enfants bons à l'école... mais pas " scolaires "
IV / La noblesse pyschologique prend consistance
Parler à un sociologue de la précocité de ses enfants
Parole privée et discours public : le cas du " quasi-handicap "
" Vous ne seriez pas là, on n'en parlerait pas "
Une noblesse pertinente : méfiances et défiances scolaires
De la méfiance scolaire à l'intelligence au-delà de l'école
" Je suis hyper précoce et je me suis hyper planté "
Défiances à l'égard de la " forme scolaire "
Recourir au médico-psychologique par défi ?
Une noblesse perceptible : comment l'intelligence se manifeste
Noble, selon les psychologues : attester et inquiéter
Noble, selon les parents : documenter l'intelligence
Un essentialisme à géométrie variable
V / Quand l'intelligence oblige l'école
La mobilisation scolaire d'un titre psychologique
Changer l'école plutôt que l'enfant
Institution psychologique vs institution scolaire : une possibilité critique
La tentation d'une scolarisation extraordinaire
Une école différente pour des enfants différents ?
Ceux qui essayent, ceux qui ont essayé
La révolution scolaire n'aura pas lieu
Une insatisfaction scolaire discontinue et limitée dans le temps
À la recherche de petits aménagements, de petites différences
L'avance scolaire, privilège par excellence de la précocité
Des raisons psychologiques de déroger à l'ordre temporel de l'école
La contribution de l'institution scolaire à sa propre subversion
Conclusion
Annexes
Annexe 1. Cinq ans de littérature savante sur les surdoués (2003-2007)
Annexe 2. Entretiens mobilisés