Ce qui ressemble aujourd'hui à un sabotage de l'école – suppressions de classes, réduction des effectifs enseignants et appauvrissement de la condition enseignante – ne suffit pas à caractériser la mutation historique de l'école. Celle-ci ne joue plus seulement une fonction dans le capitalisme, comme l'ont montré les analyses critiques des années 1970 : elle se plie de l'intérieur à la norme sociale du capitalisme. L'" employabilité " est le principe et l'objectif de la normalisation de l'école, de son organisation et de sa pédagogie. L'école devient peu à peu un système hiérarchisé d'entreprises productrices de " capital humain " au service de l'" économie de la connaissance ".
Elle cherche moins à transmettre une culture et des savoirs qui valent pour eux-mêmes qu'elle ne tente de fabriquer des individus aptes à s'incorporer dans la machine économique. Les effets inégalitaires de la concurrence, la mutilation culturelle introduite par la logique des " compétences " ou la prolétarisation croissante du monde enseignant révèlent la perte d'autonomie de l'école par rapport au nouveau capitalisme et aux luttes des classes sociales autour de l'enjeu scolaire.
Dans ce livre de combat et de théorie, les auteurs renouvellent la sociologie critique de l'éducation en inscrivant les mutations de l'institution scolaire et universitaire dans celles du capitalisme contemporain. Ils entendent ainsi donner à tous ceux qui se sentent concernés par cette problématique éminemment politique les outils d'analyse pour construire une alternative convaincante et résolue.
Christian Laval est professeur émérite de sociologie à l'université Paris-Nanterre.
Pierre Clément est enseignant et chercheur. Il est membre de l'Institut de recherches de la FSU, où il anime un séminaire public sur " Les politiques néolibérales et l'action syndicale ".
Guy Dreux est enseignant et chercheur. Il est membre de l'Institut de recherches de la FSU, où il anime un séminaire public sur " Les politiques néolibérales et l'action syndicale ".
Introduction. Le nouvel âge de l'école
Les " réformes " néolibérales
La forme valeur de la connaissance
Intentions
1. Recomposition de l'État et métamorphose de la connaissance
Le principe de concurrence comme norme globale
La dénationalisation des politiques
Le New Public Management
Le management à l'assaut du monde des professionnels
Le modèle managérial dans l'enseignement français
La rationalité néolibérale et " l'excellence " dans la recherche
2. Le régime néolibéral de la connaissance
Le régime fordiste de la connaissance
Connaissance et propriété privée
La connaissance comme capital immatériel
La technoscience néolibérale
3. Employabilité et fabrique de la subjectivité néolibérale
Les nouveaux dispositifs de contrôle du travail
La mobilisation de la force de travail
De la formation professionnelle à la professionnalisation des formations
L'entreprise de formation
L'alternance comme modèle de formation
" Sois stage et tais-toi "
Subjectivité précaire et scolarisation
4. Concurrence scolaire et reproduction sociale
Une école de masse à plusieurs vitesses
Le marché très spécial de l'école
Les motifs des choix
La massification ségrégative
Le choix et la reproduction sociale
La gestion sociale des " exclus de l'intérieur "
Reproduction et ségrégation
5. Capital et éducation
La privatisation progressive de la dépense éducative
Concurrence et privatisation du financement
Le marché du soutien scolaire
Le discours du capital humain
Le consensus en faveur de l'augmentation des droits d'inscription
L'essor de l'esprit du capitalisme dans l'école
La grande revanche du capital économique
6. L'orientation comme gouvernement des conduites
La redéfinition de l'orientation
Le rôle nouveau de l'orientation
L'individualisme érigé en méthode
La nouvelle fonction des procédures d'orientation et d'affectation
À la découverte des métiers et des formations
Orientation active et projet professionnel
Décrochage et contrôle continu des comportements
Le nouveau gouvernement des élèves
7. La nouvelle norme de l'école : compétences et employabilité
Mettre en adéquation la formation et l'emploi
La révolution copernicienne de l'OCDE
Entre l'OCDE et la France : l'Union européenne
L'école française à l'heure des compétences
Programmes et pilotage du système éducatif
Le contexte politique et syndical du quiproquo
Dépolitisation de la question scolaire et le recours à l'international
Socle commun des compétences : la vertu de la polysémie
Un principe d'organisation de la scolarité
Le socle commun comme instrument de contrôle
Les compétences au centre du conflit
Conclusion. Le nouvel horizon des luttes scolaires et universitaires
Une décennie de combats
Un contexte moins favorable aux illusions du " marché efficient "
La nouvelle école capitaliste n'est pas " efficace "
Une négation de la formation intellectuelle
Une extension de la lutte de classes
Postface à l'édition de 2012. L'école est redevenue une question politique.