Face à la catastrophe écologique annoncée, les bonnes âmes appellent l'humanité à " dépasser ses divisions " pour s'unir dans un " pacte écologique ". Cet essai s'attaque à cette idée reçue. Il n'y aura pas de consensus environnemental. Loin d'effacer les antagonismes existants, la crise écologique se greffe au contraire à eux pour les porter à incandescence. Soit la localisation des décharges toxiques aux États-Unis : si vous voulez savoir où un stock de déchets donné a le plus de chances d'être enfoui, demandez-vous où vivent les Noirs, les Hispaniques, les Amérindiens et autres minorités raciales. Interrogez-vous par la même occasion sur le lieu où se trouvent les quartiers pauvres... Ce " racisme environnemental " qui joue à l'échelle d'un pays vaut aussi à celle du monde.
" Marchés carbone ", " droits à polluer ", " dérivés climatiques ", " obligations catastrophe " : on assiste à une prolifération des produits financiers " branchés " sur la nature. Faute de s'attaquer à la racine du problème, la stratégie néolibérale choisit de financiariser l'assurance des risques climatiques. C'est l'essor de la " finance environnementale " comme réponse capitaliste à la crise.
Surcroît de catastrophes naturelles, raréfaction de certaines ressources, crises alimentaires, déstabilisation des pôles et des océans, " réfugiés climatiques " par dizaine de millions à l'horizon 2050... Autant de facteurs qui annoncent des conflits armés d'un nouveau genre, auxquels se préparent aujourd'hui les militaires occidentaux. Fini la guerre froide, bienvenue aux " guerres vertes ". De La Nouvelle-Orléans au glacier Siachen en passant par la banquise de l'Arctique, l'auteur explore les lieux marquants de cette nouvelle " géostratégie du climat ".
Cet essai novateur de théorie politique fournit une grille de lecture originale et critique, indispensable pour saisir les enjeux de la crise écologique actuelle. À travers l'exposition édifiante des scénarios capitalistes face au désastre environnemental, il fait œuvre – salutaire – de futurologie critique.
Razmig Keucheyan est docteur en sociologie et professeur de sociologie à l'université Paris Cité. Il est notamment l'auteur de Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques (Zones, 2013, 2e éd.) et de La nature est un champ de bataille. Essai d'écologie politique (Zones, 2014), ainsi que d'une anthologie des Cahiers de prison d'Antonio Gramsci, Guerre de mouvement et guerre de position (La Fabrique, 2012).
Introduction
I / Racisme environnemental
Un événement philosophique
La couleur de l'écologie
L'ouragan Katrina comme " métaphore " du racisme environnemental
La spatialité du racisme
Saturnisme et lutte des classes
Postcolonialisme et crise environnementale : le conflit au Darfour
Les inégalités écologiques : une approche marxiste
Archéologie du racisme environnemental
Race et reboisement
Purifier la nature...
...et naturaliser la race
Exporter l'environnement
L'écologie politique qui vient
Conclusion
II / Financiariser la nature : l'assurance des risques climatiques
Des marchés financiers " branchés " sur la nature
Principes de l'assurance
Des nouveaux risques ?
Ontologie de la catastrophe
Risque et postmodernité
Les aventures de l'assurabilité
Cat Bonds, ou les obligations catastrophe
La nature comme " abstraction réelle "
Marchés carbone et développement inégal
Construire des marchés profitables
Une obligation " multi-cat " au Mexique
Crise écologique et crise fiscale de l'État
Une nature dérivée
La nature comme stratégie d'accumulation
Conclusion
III / Les guerres vertes, ou la militarisation de l'écologie
Une doctrine émergente
Dictature bienveillante
Spécialistes du chaos
Terrorisme et changement climatique
La nouvelle écologie militaire
Conservation et contre-insurrection
Éconationalisme
Agent orange
De la guerre froide aux guerres vertes
La fin des guerres conventionnelles ?
Double mouvement
Réfugiés climatiques
Dissuasion nucléaire et crise écologique
Guerre et biocarburants
Les océans déstabilisés
Le partage de l'Arctique
Pôle Nord et mondialisation
Marchandiser la fonte des glaces
La vitesse de circulation du capital
Conclusion
Conclusion : fin de partie ?