Longtemps, jusqu'à la fin des années soixante-dix, il fut entendu en France que le développement des pays de l'Afrique " francophone " allait bon train. Et soudain, depuis la deuxième moitié des années quatre-vingt, on annonce partout le désastre : ces pays sont sinistrés, économiquement, financièrement, socialement, politiquement. On appelle cela " l'afro-pessimisme ". La faute aux Africains ? Voire. Pour mieux comprendre, l'auteur a choisi de revenir dans son village natal, au Sud du Cameroun, après plus de trente ans d'exil. Et il fait dans ce livre le récit de ce retour, d'une plume acérée. Un récit concret, passionnant, qui part de la vie quotidienne des femmes et des enfants dans la brousse, se poursuit dans les grandes villes rongées par le chômage et la misère, et se termine par une mise en cause radicale de la corruption des élites tenues à bout de bras par l'État français. Car si l'Afrique francophone implose aujourd'hui, souvent dans le sang et la violence, c'est bien la " coopération française " qui en est principalement responsable : pour maintenir son rêve de grande puissance, la France a soutenu dictateurs et partis uniques et bloqué toute perspective d'une prise en charge autonome de leur propre développement par les populations africaines. Ce sombre constat, pour Mongo Beti, permet pourtant l'espoir : la profonde remise en cause du système français de domination qui se fait aujourd'hui, du Cameroun au Togo, du Congo à la Côte-d'Ivoire, est en effet la condition nécessaire - certes non suffisante - d'une mobilisation des forces vives de l'Afrique francophone.
Mongo Beti (1932-2001), agrégé de lettres classiques, fondateur et artisan de la revue Peuples noirs, Peuples africains, est l'auteur de nombreux essais et pamphlets sur l'Afrique. Il a également laissé une importante œuvre romanesque (notamment Ville cruelle, sous le pseudonyme d'Eza Boto, ou encore Le Pauvre Christ de Bomba). En 1994, après quarante-quatre ans d'exil en France, il était retourné vivre au Cameroun.
Au lecteur -
I. Quatre mois dans mon village - 1. Retrouvailles - Une si longue absence - Configuration et autres particularités visibles - La femme, pilier de la société beti - L'exode rural et la condition masculine - Démographie galopante - De l'école et des écoliers - 2. Quels citoyens ? - Leadership et patternship - Clan contre parti unique - Le syndrome de la réserve indienne - Et l'accumulation primitive ? - 3. La ville - Mbalmayo, ville moyenne - Yaoundé - La propriété foncière, cancer de la capitale - Douala - Les grandes métropoles africaines -
II. De la vie quotidienne et de quelques institutions - 4. De la vie intellectuelle et des activités connexes - L'Université - La liberté d'expression - Les communications - 5. Et le bien-être des populations ? - La santé - les déplacements - La sécurité - 6. Dictature, anarchie, corruption et compagnie - La police - Fraudes et contrebande, comme une apocalypse rampante - Sabotage partout -
III. Qui a peur de peuples noirs développés ? - 7. Afrique francophone, capitale Paris ! - Quelles raisons de vivre et de trimer ? - L'Afrique, dimension mystique ou névrose de la France - La hantise morbide de " perdre " l'Afrique - 8. Des servitudes d'une république bananière - Les liens spéciaux et la légalité internationale - Les liens spéciaux ou la manie du secret - Les liens spéciaux comme mythologie - Les liens spéciaux de l'Élysée avec les dictateurs - Liens spéciaux et corruption - Les liens spéciaux, nouvelle " institution particulière " ? - Les liens spéciaux castrateurs des peuples - Les liens spéciaux et le Dr Knock - 9. Le Cameroun avait-il besoin d'être aidé ? - Au commencement était la politique, non le développement - La Baule et autres fables - Qui veut importer Haïti en Afrique ? - L'Élysée en retard d'une guerre froide - Afrique francophone : la vie devant soi -
Annexe - Le rapport du NDI.