Depuis les années 1980, la " modernisation " est partout à l'ordre du jour. Mais au nom de la nécessaire adaptation aux " mutations du monde contemporain ", c'est bien souvent une véritable " barbarie douce " que cette modernisation aveugle installe au cœur des rapports sociaux. C'est ce que montre Jean-Pierre Le Goff dans ce livre, dans deux champs particulièrement concernés par le phénomène : l'entreprise et l'école. La barbarie douce s'y développe avec les meilleures intentions du monde, l'" autonomie " et la " transparence " sont ses thèmes de prédilection. Elle déstabilise individus et collectifs, provoque stress et angoisse, tandis que les thérapies en tout genre lui servent d'infirmerie sociale. L'auteur met à nu la stupéfiante rhétorique issue des milieux de la formation, du management et de la communication. Et explique comment elle dissout les réalités dans une " pensée chewing-gum " qui dit tout et son contraire, tandis que les individus sont sommés d'être autonomes et de se mobiliser en permanence. L'auteur montre que cette barbarie douce a partie liée avec le déploiement du libéralisme économique et avec la décomposition culturelle qui l'a rendue possible. Et il explore les pistes d'une reconstruction possible pour que la modernisation tant invoquée puisse enfin trouver un sens.
Cette édition numérique reprend, à l'identique, la 2e édition de 2003.
Jean-Pierre Le Goff, philosophe de formation, est sociologue. Il préside le club Politique Autrement, qui explore les conditions d'un renouveau de la démocratie dans les sociétés développées.
Introduction
I. Moderniser à tout prix
1. Management et manipulation : les émancipateurs de l'ère nouvelle - Le " savoir-être à tout faire " - Des logiciels de manipulation - Inversion des rôles et autoservitude - Le management paradoxal - 2. Évaluation des compétences et déshumanisation du travail - Une nouvelle approche de l'emploi - L'incroyable logomachie de la " compétence " - La machinerie de l'insignifiance - 3. Les outils pédagogiques " libérateurs " - Les " outils d'évaluation " et les " contrats " appliqués aux enfants - Des effets insidieux - L'expérience humaine et la culture en question - L'autonomie à tout prix - Vers l'école de la non-violence ? - L'impossible synthèse - 4. L'école sous la pression moderniste - " L'école de la réussite au service des jeunes " ? - Les nouvelles formules de l'enseignement - Refonder l'école pour empêcher la " guerre civile " ? - Les nouveaux objectifs de l'école - Quel héritage ? - Quelle citoyenneté ? - Un discours insaisissable
II. Comment en est-on arrivé là ?
5. Aux origines culturelles de la barbarie douce - L'autonomie comme table rase - Une nouvelle conception de l'éducation permanente - L'institution scolaire en question - Un héritage difficile à assumer - Une nouvelle donne - 6. Aux origines de la gauche moderniste - Le culte de l'entreprise et le nouveau management - La formation et l'école au service de la modernisation - Fuite en avant et invocation des valeurs - L'incohérence - 7. Des conditions pour espérer ? - La modernisation encore et encore... - Les impasses de la gauche radicale - À la recherche d'un nouveau mouvement social
Conclusion
Postface à l'édition de 2003.