La multiplication récente des violences policières, des morts et des blessés qu'elles ont entraînés, a rappelé à quel point l'usage de la force est corrélé au pouvoir d'État. Pour autant, ces violences restent largement impensées, généralement considérées comme la conséquence de contradictions internes à la gestion de l'ordre néolibéral. Or les violences qui ont conduit à la mort de Nahel M., à celle de Rémi Fraisse, à celle de Cédric Chouviat, comme celles qui ont consisté à mettre à genoux les lycéens de Mantes-la-Jolie ou à mutiler des gilets jaunes n'ont ni les mêmes modalités ni les mêmes rationalités.
Fondé sur l'analyse des dossiers judiciaires auxquels l'auteur a eu accès, ce livre montre que les armes, les techniques, les pratiques et les objectifs, ainsi que les réactions politico-médiatiques et les traitements judiciaires diffèrent selon que les violences ciblent une expression politique, l'exercice d'une liberté de circulation ou la simple appartenance ethno-raciale.
Discipliner, punir, instaurer ou restaurer un rapport de domination, territorialiser l'espace public, l'espace privé, les flux de circulation et, dans les cas les plus extrêmes, exprimer une violence pure – celle de l'antique pouvoir de vie et de mort –, telles sont les différentes fonctions des violences policières. Cette distinction permet de mieux saisir les rapports de pouvoir qui s'expriment entre l'État et la population et entre la police et des groupes sociaux déterminés. Elle offre aussi des prises pour tenter de répondre à une question plus fondamentale : la violence est-elle constitutive du pouvoir, un moyen de son exercice ou une condition de sa possibilité ?
Introduction
Préambule. Une archéologie sémantique et juridique de la violence
Pouvoir, force, puissance, autorité : des synonymes de violence ?
Légalité, légitimité, illégalité et illégalisme
Le monopole de la violence légitime n'existe pas
1. Les violences policières ethno-raciales : un outil de ségrégation
Une histoire personnelle et professionnelle
La matrice coloniale des violences policières ethno-raciales
Une justice " qui se tient sage " face aux violences policières
Pour la police, " un bicot ça ne sait pas nager "
2. Les violences policières politiques : une guerre civile qui ne dit pas son nom
Sivens : une préparation idéologique et politisée des fonctionnaires du maintien de l'ordre
L'État hors-la-loi
La fonction des rapports de police et de gendarmerie, ou la déréalisation de la violence
La brutalisation du maintien de l'ordre, expression de l'illégalité de l'État
Une législation et une politique facteurs de brutalisation
L'idéologisation des forces de l'ordre, fondement de la brutalisation du maintien de l'ordre
Sur quelques vecteurs matériels de la brutalisation du maintien de l'ordre
Un traitement judiciaire discriminant qui favorise les violences du maintien de l'ordre
Massification des manifestants et territorialisation de l'espace public
3. Les violences policières de la circulation : le retour du droit de vie et de mort
" J'étouffe "... Le cas Cédric Chouviat
L'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure : une réécriture du droit de vie et de mort
Souheil El Khalfaoui. Quand l'enquête vise à détruire les preuves
Les courses poursuites tuent
Le mouvement comme objet de violence
Conclusion. L'État de la violence