À paraître
Loin des voies empruntées pour atteindre l'Europe, dans la Corne de l'Afrique, des migrants éthiopiens privés de perspectives quittent en nombre leur pays déchiré par les conflits, parcourent la région aride du nord de Djibouti d'où ils embarquent pour franchir la mer Rouge, avant de traverser le Yémen en guerre afin de tenter leur chance en Arabie saoudite. Pour parvenir à destination, ils remettent leur vie entre les mains de passeurs.
C'est à ces intermédiaires, figures honnies d'un trafic sur lequel les États se dédouanent de leurs responsabilités dans les traitements subis par les " clandestins ", qu'est consacré cet ouvrage. À Djibouti, Alexandre Lauret a vécu pendant plus de deux ans au contact de pêcheurs d'une région marginalisée du pays reconvertis dans l'organisation d'une filière migratoire transnationale savamment structurée. Il retrace ici leur histoire, sous la forme d'une véritable épopée.
Celle-ci, aussi courte que violente, tient en treize années seulement. Entre 2007 et 2020, ces hommes ont fait transiter plus de 1,2 million d'Éthiopiens. Durant ce laps de temps, défiant les autorités, ils sont devenus plus riches et plus puissants que les ministres djiboutiens avant de tout perdre et de n'être plus rien. Parmi leurs hauts faits, ce ne sont peut-être pas tant les courses-poursuites avec les " fédéraux ", les affrontements et les vols de convois entre réseaux ou les rivalités avec leurs homologues éthiopiens ou yéménites qui donnent leur tonalité épique à leurs récits, mais bien davantage le discours politique subalterne à travers lequel ils légitiment leur activité.