Les organisateurs d'expositions sont-ils des auteurs ? À quelles conditions le vandalisme peut-il devenir une performance d'art contemporain ? Comment les œuvres d'art illustrent-elles les déplacements entre singularité et universalité ? L'œuvre d'art peut-elle être considérée comme une information ou une opinion ? Qu'est ce que l'authenticité, et est-il vraiment nécessaire qu'un tableau ait été exécuté par son signataire ? Faut-il voir dans l'émission télévisée Loft Story une régression de la civilisation ou un progrès de l'authenticité ? Y a-t-il plus ou moins de censure en art aujourd'hui, et quels en sont les enjeux pour la démocratie ? À ces questions sont données ici deux catégories de réponses – juridiques et sociologiques – en même temps qu'une réflexion commune sur leurs convergences et leurs différences. Car ce livre relève d'un genre inédit : à la fois recueil d'articles, dialogue entre deux chercheurs et comparaison entre deux regards différents – celui du droit, celui de la sociologie – sur un même objet : l'art, et plus précisément le statut d'auteur et d'œuvre de l'esprit. Au-delà de ce qui distingue la démarche du juriste et du sociologue (par exemple la temporalité, le rapport à la norme, l'interactivité avec les acteurs), on voit ainsi s'élaborer, à partir de cas précis, une réflexion concrète sur quelques fondements anthropologiques du rapport à l'art dans notre société – dont émerge en particulier, toujours présente, la notion de personne.
Bernard Edelman, avocat et philosophe, est notamment l'auteur de Le Droit saisi par la photographie (Maspero, 1973 ; " Champs-Flammarion", 2001), La Propriété littéraire et artistique (PUF, " Que sais-je ", 1989 et 1999), La Personne en danger (PUF, 1999), L'Adieu aux arts, 1926 : l'affaire Brancusi (Aubier, 2001).
Nathalie Heinich, sociologue, chercheur au CNRS est notamment l'auteur de La Gloire de Van Gogh (Minuit, 1991), Du peintre à l'artiste (Minuit, 1993), États de femme (Gallimard, 1996), La Sociologie de Norbert Elias (La Découverte, 1997 ; nouvelle édition 2002), Le Triple jeu de l'art contemporain (Minuit, 1998), et Ce que l'art fait à la sociologie (Minuit, 1998), et L'épreuve de la grandeur (La Découverte, 1999), Être écrivain (La Découverte, 2000).
Introduction
I - Auteurs d'expositions
Du conservateur de musée à l'auteur d'expositions : l'invention d'une position singulière Risques du métier et dépersonnalisation du poste
Nouvelles fonctions, nouvelles positions
Du commissaire au concepteur
Un terme de comparaison : l'auteur au cinéma
Un cas exemplaire : l'exposition " Vienne " à Beaubourg
Du cas particulier à la particularisation du statut
Une exposition peut être une œuvre de l'esprit
Une exposition peut être une œuvre de l'esprit
Intangibilité et œuvre d'art
II - Vandalisme ou performance ?
C'est la faute à Duchamp !
Se servir d'un Duchamp comme urinoir et d'un marteau comme défouloir
Se servir d'un fait-divers comme objet sociologique
Se servir d'une agression comme performance
Se servir d'une performance comme célébration
Se servir d'un fax comme moyen de diffusion
Se servir d'un faux comme caution
Se servir d'un ready-made comme table de dissection
De l'urinoir comme un des beaux-arts : de la signature de Duchamp au geste de Pinoncelly
Droit et pédagogie
Droit et mystification
La double mystification
La prise au mot
Indemniser quoi ?
Le parasitisme de la gloire
Le prix d'un concept
III - Entre singulier et universel
Les objets-personnes. Fétiches, reliques et œuvres d'art
Comment les objets peuvent être des personnes
La bague de Caroline et le sachet de sel des Babin
La croix de Jésus-Christ et la clarinette de l'oncle Victor
Le timbre, l'arbre, le cheval, le tableau
Le Saint Suaire écartelé
Comment les œuvres sont traitées comme des personnes
Des œuvres réifiées
Notices de catalogues et fiches d'état civil
Le statut juridique des œuvres d'art
Comment sont traitées les personnes
Particularisation
Insubstituabilité
Une humanité facultative
La fonction-personne
Œuvres et objets-symbole : entre les morts et les vivants
Les hommes-symbole
Le génie
La monnaie vivante
L'institution-symbole
Marianne
La prise de la Bastille
IV - Œuvre d'art ou information ?
Buren et Serra
Du mauvais usage des droits de l'homme
Droit à l'information du public et œuvre d'art
De l'œuvre d'art comme information
De la citation comme information
Droits de l'homme, concurrence et culture
V - Les aléas de l'authenticité
L'art contemporain et la fabrication de l'inauthentique
L'authenticité à l'épreuve de la modernité
Des objets sans auteur aux auteurs sans objet
Des auteurs sans qualité
La preuve par l'inauthenticité
L'erreur sur la substance ou l'œuvre mise à nu par les artistes mêmes
L'œuvre-objet
Des signes de reconnaissance d'une œuvre d'art
L'" œuvre-marque "
L'œuvre-exécution
L'œuvre créée par délégation
La création par exécution
VI - À propos de Loft Story
" Quatre pattes, oui, deux pattes, non "
Loft Story : une nouvelle fonction-auteur
La mise en scène
L'intrigue
Le règlement intérieur
Un espace de servitude
La société de production, maître du lieu social
Le retour à la réalité
Loft Story : à l'aise dans la décivilisation
La pluralité des critiques
Les raisons d'une résistance
Cadre-analyse de l'émission
Civilisation ou authenticité
VII - Dialogue sur un manifeste
À propos de " Baise-moi (pas) "
Principales abréviations.