Depuis la fin du XXe siècle, des signaux d'alarme écologiques ne cessent de retentir : réchauffement climatique toujours plus incontrôlable, destruction exponentielle et dramatique de la biodiversité, déforestations accélérées, pollutions diverses, " plastification " des mers, etc. Pourtant, les défenseurs de la cause écologique peinent à véritablement convaincre l'ensemble de la société ainsi que les décideurs économiques et politiques de la nécessité d'un changement urgent de modèle. Pourquoi les forces politiques, de droite mais aussi de gauche, n'ont-elles pas su ou voulu prendre en charge le défi écologique ?
C'est à cette question que s'intéresse ce livre de Serge Audier, qui offre une ample fresque inédite sur les racines philosophiques, idéologiques et politiques de la crise actuelle. Au croisement de l'histoire et de la philosophie, cette généalogie intellectuelle examine les logiques doctrinales et politiques qui, depuis près de deux siècles, ont présidé aux prises de position et aux programmes en matière environnementale, à leurs réussites comme à leurs nombreux échecs. L'auteur montre notamment pourquoi, dans de nombreuses régions du monde, la logique socio-économique, politique et culturelle dominante est allée dans le sens d'un modèle productiviste qui a provoqué une destruction accélérée et sans précédent du milieu naturel.
Parallèlement, il soulève la question des " possibles " non aboutis ou non réalisés, et invite à (re)découvrir des voies alternatives – entre anarchisme et socialisme – qui ont cherché à articuler critique sociale et critique écologique du capitalisme, dans l'horizon d'une " cité écologique " à venir.
Serge Audier, ancien élève de l'ENS-Ulm, agrégé et docteur en philosophie, est maître de conférences à l'université Paris-Sorbonne. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Pensée anti-68 (La Découverte, 2008) et La société écologique et ses ennemis (La Découverte, 2017) qui a obtenu en 2018 le prix de la Fondation pour l'écologie politique.
Remerciements
Introduction. Anatomie de l'échec écologique
Le péril écologique : un déni qui vient de loin
Pourquoi ont‑ils oublié Schrader ?
Les amis et les ennemis de la " société écologique "
La réaction " néolibérale ", entre déni et adaptation
L'écran national‑socialiste, ou la nazification récurrente de l'écologie politique
La critique socialiste oubliée de l'industrialisme capitaliste
Tensions et contradictions au sein du camp progressiste
Le capitalisme nécessaire ? Le culte des forces productives à gauche
L'avènement du concept de " productivisme " dans le patronat social
De l'effort productif occidental à l'avant‑garde russe
La montée d'une critique du " productivisme " dans les années 1930‑1940
L'irruption d'une critique écologique du " productivisme "
Les tensions internes de la " modernité "
Les vertus heuristiques et politiques de l'histoire intellectuelle
1. Hégémonie industrialiste et utopisme technologique
Les racines " ingéniériques " et libérales du socialisme productiviste : de l'École polytechnique à Saint‑Simon
L'exploitation du globe comme impératif du présocialisme saint‑simonien
Le communisme technophile et démocratique de Cabet
L'utopisme technologique américain, entre ingénierie et socialisme
Le républicanisme néo‑saint‑simonien et la conquête scientifique de la Terre
L'idéologie du progrès scientifique en France sous la IIIe République
Le progressisme technologique de Jules Verne et sa matrice saint‑simonienne
Les inquiétudes prémonitoires du " second " Jules Verne
2. Les destinées du marxisme, entre éco-socialisme et productivisme
Marx, Engels et le débat environnemental au XIXe siècle
Marx et Engels étaient‑ils des éco‑communistes ?
... ou bien : Marx et Engels pères du socialisme productiviste anti‑écologique ?
L'enterrement marxiste du socialisme " utopique " et sa portée historique
Marx relu par Liebknecht : l'avènement du credo technologique social‑démocrate
Les noces paradoxales de la social‑démocratie et du capitalisme productiviste
Le socialisme de Guesde, héritier de la " féerie " du machinisme capitaliste
Le socialisme jaurésien et son hymne à la productivité bourgeoise
Georges Sorel et la " civilisation des producteurs " du syndicalisme révolutionnaire
L'échec des populistes russes et les destinées du socialisme productiviste
3. Brèches écologiques à gauche, entre progressisme américain et Révolution russe
Les promesses brisées du Congrès international de Berne pour la protection de la nature (1913)
La subversion libertaire et naturaliste de Monte Verità
Face à la guerre de 1914‑1918 : du pacifisme de Monte Verità à la révolte Dada
La " fabrique de la guerre " et ses implications productivistes
Le compromis (provisoire) entre l'environnementalisme russe et le régime bolchevique
Un moment écologique du communisme russe ?
Le culte communiste de la technologie à l'âge du taylorisme et du fordisme
Aux sources de la politique environnementale du New Deal
Un " New Deal vert " avant la lettre ?
Vers une nouvelle planification régionale et urbaine " verte "
La fascination productiviste : Marx, Lénine, Ford et Staline selon Diego Rivera
4. La brèche intellectuelle des années 1930 : l'écologie entre conservatisme et progressisme
La montée d'un fragile et ambivalent mouvement environnementaliste
Les ambiguïtés de la " révolution conservatrice " allemande sur l'âge technologique
Antimodernisme et sensibilité écologique dans la " révolution conservatrice "
Un souci pré‑écologique diffus dans l'Europe des années 1930
Entre libéralisme et conservatisme anti‑industriel : le couple Ferrero
La fuite en avant antinaturaliste du capitalisme américain selon Leo Ferrero
Les ambiguïtés politiques d'un discours antiproductiviste :
L'Ordre nouveau
Les critiques décolonisatrices : de Jacques Viot à Claude Lévi‑Strauss
Entre révolution et " néo‑romantisme " : le jeune Lévi‑Strauss
Antifascisme et dénonciation du productivisme : l'hérésie libertaire
La persistante fascination du productivisme à gauche
5. Du libéralisme au(x) néo-libéralisme(s) des années 1930 : entre anti-écologisme et clivages internes
La première réaction anti‑écologiste " libérale "
Léon Walras, Vilfredo Pareto et l'enterrement prématuré d'une " économie écologique "
Un néo‑libéralisme écologique ? Wilhelm Röpke, entre romantisme et conservatisme
Le colloque Walter Lippmann et ses clivages internes
Ludwig von Mises : la charge pionnière de l'école autrichienne contre la sensibilité écologique
Friedrich von Hayek : de la critique du " scientisme " au rejet de l'écologie
La contre‑offensive manquée du socialisme démocratique : Otto Neurath et Karl Polanyi
6. Entre hégémonie productiviste et renaissance de la critique : le consensus d'après-guerre et sa fracturation
La consécration occidentale d'une politique de " croissance "
Le nouveau défi productiviste et consumériste de l'URSS post‑stalinienne
Le volontarisme chinois, ses tragédies humaines et ses désastres environnementaux
Des résistances minoritaires, de l'École de Francfort à l'écologie scientifique
L'utopie écologique d'Aldous Huxley, par‑delà le socialisme et le capitalisme
Les intuitions écologiques du " Gandhi italien ", Aldo Capitini
Le " libéralsocialisme " de Piero Calamandrei face à la folie atomique
La réémergence de la critique conservatrice des années 1930
7. La vague de " contestation " des années 1960-1970, foyer d'un renouveau écologique
La " croissance " en question
Temps de doutes, de malaise et de " contestation "
De Herbert Marcuse à André Gorz : les chemins d'un nouveau socialisme
Une renaissance écolo‑libertaire contre‑culturelle
Ivan Illich, Murray Bookchin et l'invention d'une écologie anti‑ autoritaire
De Mai 68 à la critique du productivisme en France
La brèche tchécoslovaque : un socialisme à visage écologique ?
La critique pionnière des scientifiques : du traumatisme d'Hiroshima à "Survivre... et vivre "
Naissance de l'écologie politique en France
Les tendances conservatrices de l'écologie politique allemande
Les sources allemandes de l'éco‑socialismeet de l'éco‑communisme
La nouvelle utopie d'une société " verte" : l'Écotopie
8. La montée d'une prise de conscience mondiale : de la Journée de la Terre au Club de Rome
Un début de conscience planétaire écologique
De l'Appel de Menton à la Conférence de l'ONU sur l'environnement
Le Club de Rome et le " laboratoire " de l'OCDE : la rencontre de Bellagio
Le choc du rapport
The Limits to Growth
Premières " résistances " anti‑écologiques : le symptôme communiste
Méfiance et rejets de la gauche progressiste
L'allergie anti‑écologique des " néolibéraux " au Club de Rome
La lucidité critique des libéraux des années 1930‑1940
9. De la mue écologique avortée de la gauche à l'échec de la relance altermondialiste
Les tentatives de mutation écologique du communisme à l'épreuve de la crise
Les défis écologiques non résolus du socialisme réformiste
Le noir bilan écologique du " socialisme réel " et ses impasses définitives
La contre‑offensive " néolibérale "
Les perspectives enterrées de modèles économiques alternatifs
L'échec écologique de toutes les gauches
Crise du compromis fordiste et relance du capitalisme
Altermondialisme, " limites de la compétitivité " et enjeux écologiques
La redécouverte des " biens communs " et sa portée écologique
Échecs et promesses de l'altermondialisme
Épilogue. Vers un éco-républicanisme conflictuel
Pour une autocritique démocratique et écologique de la gauche
L'angle mort écologique du socialisme dominant
La modernité complexe
Vers un " progrès " écologique
Liberté, égalité, fraternité écologiques
La solidarité socio‑écologique comme interdépendance et décentration
Vers une citoyenneté démocratique écologique
Une démocratie du long terme
L'élargissement écologique de l'idée de " peuple "
L'impasse politique de l'éco‑conservatisme
Nécessité et limites de l'éco‑libéralisme
L'éco‑anarchisme, entre lucidité et illusions anti‑étatistes
Quel éco‑socialisme ?
L'éco‑républicanisme, entre État‑nation et cosmopolitisme
Pour un éco‑républicanisme conflictuel
Notes
Index.