Europe du Sud, Afrique du Nord

C'est évidemment à dessein que le titre de ce numéro comporte l'expression " Afrique du Nord " pour désigner l'ensemble des pays que depuis les indépendances de la Tunisie, du Maroc et enfin de l'Algérie, l'on appelle le Maghreb, c'est-à-dire l'Ouest du monde arabe. Pourtant, cette expression ancienne ne traduisait pas qu'une vision européocentriste (l'" Étoile nord-africaine ", fondée à Paris par Messali Hadj vers 1920, fut un des tout premiers mouvements anticolonialistes). Mais dans les années soixante, on rejeta les discours sur l'" Afrique du Nord... française ", en estimant au nord comme au sud de la Méditerranée que pour les pays du Maghreb, la référence au monde arabe était à la fois absolument légitime et de simple bon sens.
Près de quarante ans ont passé et si les relations du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie avec le monde arabe se sont certes développées, elles sont nettement moins importantes que les rapports économiques, sociaux et surtout culturels avec les pays d'Europe du Sud. Cela pose le problème des relations postcoloniales entre des nations devenues indépendantes et leurs anciennes métropoles. Ces relations géopolitiques, tout à la fois anciennes et nouvelles, existent pour la plupart des pays du tiers monde, mais elles sont particulièrement étroites et complexes de part et d'autre de la Méditerranée occidentale, du fait de la proximité géographique, mais pas seulement. Si la colonisation n'avait été qu'exploitation économique et oppression politique, ces relations postcoloniales - notamment entre intellectuels - n'auraient pas l'importance qu'on leur reconnaît aujourd'hui. Ce sont les problèmes culturels et géopolitiques complexes posés par ces évolutions qu'explorent les auteurs de ce numéro d'Hérodote.