" Entrez rêveurs, sortez manageurs " : telle était la promesse de l'Inseec en 2018, dans une campagne de publicité recouvrant les murs du métro parisien. Ce slogan, dont le cynisme a été raillé sur les réseaux sociaux, dit beaucoup du processus de formation des étudiants passés par ces grandes écoles de commerce : la conversion de bons élèves, consacrés par le système scolaire, aux impératifs de l'entreprise. D'une formation académique en classe préparatoire ou à l'université, ils glissent, le plus souvent sans mise en garde, dans un monde où rentabilité et efficacité sont les maîtres-mots. Confrontés à l'indigence intellectuelle du contenu de leurs cours, ils se livrent bientôt aux plaisirs faciles de la vie étudiante, entre soirées d'excès, engagements associatifs et échanges dans des universités à l'étranger. Cette immersion au coeur d'une expérience dense et intense joue le rôle de catalyseur dans leur adhésion à un projet de formation – et de vie – qui pourtant répugne au premier abord à nombre d'entre eux. Car loin de n'être que des " loups de la finance " en puissance, ces futurs cadres sont souvent taraudés par de profondes questions existentielles.
De HEC à l'Essec, en passant par Skema et Neoma, l'auteur a rencontré plus d'une centaine d'étudiants dont il restitue les propos, les doutes, et leurs évolutions. Entrez rêveurs, sortez manageurs rend ainsi compte de toutes les étapes de cette transformation de bons élèves en manageurs efficaces. Et ce sans manquer de donner à penser les dérives (bizutage, sexisme, traditions...) si souvent décriées mais mal appréhendées, pour mieux comprendre le système de formation voire de formatage de ces futures élites, qui sont l'incarnation de l'esprit du capitalisme néolibéral.
Introduction. Métamorphose
1. La filière prépa-grande école : de l'étudiant brut au " produit fini " managérial
2. Du choix par défaut au non-choix
3. Les stratégies de séduction des écoles
4. La bulle de l'école
5. Les cours, entre désenchantement et savoirs opérationnels
6. Des écoles de la déscolarisation
7. Jouer au manageur : apprentissage d'une posture
8. Une expérience étudiante
9. L'association, une expérience totale
10. Les violences comme vecteur de la constitution d'un esprit de corps
11. Un espace de dépolitisation politisée
12. Le projet professionnel : reproduction, quête d'accomplissement et tâtonnements
13. Le devenir des diplômés et la question du " sens " : entre parcours atypiques et voies classiques
14. Une entreprise éducative
Conclusion. Il ne faut pas fermer les écoles de commerce
Remerciements.