Il semblerait que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 ait bel et bien fait basculer le monde judiciaire dans une mélancolie profonde, et que les démesures du néant et autre délire d'inutilité soient devenus ses maîtres-mots : législation d'exception, recul de nombreuses garanties procédurales, administration verticale des juridictions, activité réduite des tribunaux laissant apparaître des priorisations hautement contes tables, réflexe répressif...
Car au-delà de l'acceptation bien facile d'un état d'urgence sanitaire et d'un confinement pourtant décrétés de façon soudaine, aux contours flous et contestables, sur le front judiciaire à proprement parler, beaucoup ont paru se satisfaire de la mise à l'arrêt total de certaines activités, s'accommoder de prises de décisions relatives aux droits et libertés hors la tenue de débat contradictoire ou dans des conditions qui relevaient du simulacre, ou de la persistance, malgré de réels risques sanitaires, et ne rien avoir à redire de la logique de l'enfermement, qu'il soit carcéral ou administratif. Mais encore, trop peu se sont émus de la confusion entre impératifs sanitaires et opportunisme sécuritaire : mise en circulation de drones, quadrillage policier permanent de certains quartiers, développement de technologies de traçage, exigence d'attestations lors de tout déplacement hors de chez soi ou autres incitations au télétravail, autant de manifes tations d'un art de gouverner non plus seulement des territoires, mais les corps et les esprits.
Une fois encore surveillance et répression – ou promesse de répression – étaient élevées au rang de solution miracle, peu important le renoncement à nos principes fondamentaux, ou que d'autres pays ont expérimenté d'autres voies avec autant, si ce n'est davantage, d'efficience. Ces régressions, qui procèdent par vagues, à chaque " crise ", continue ront-elles à abîmer notre rapport aux droits et libertés ? En sommes-nous réduits à une " impuissance politique " qui empêche de prendre le dessus sur la sidération ?
Carte blanche à Jean-Claude Bouvier. Visite virtuelle du TJ de Paris en temps de crise sanitaire
Le dossier. Crise sanitaire, péril judiciaire
Sortir de la crise par le haut,
par le bureau du Syndicat de la Magistrature
Détentions automatiques : chronique d'une débâcle annoncée,
par Matthieu Bonduelle et Benoist Hurel
Mettre à l'abri... l'administration. Le Conseil d'État, le Covid et les étrangers,
par Danièle Lochak
Vulnérables et délaissées : le sort des personnes protégées pendant la crise sanitaire. Récit de l'expérience parisienne,
par Stéphanie Kretowicz
Ailleurs, la désertion institutionnalisée,
par Vincent Boisdron
En finir avec la crise permanente de la surpopulation carcérale,
par Laurence Blisson et Jean-Claude Bouvier
Journal de bord d'un⋅e juge des enfants confiné⋅e,
par Juge Anonyme
Le délit de (dé)confinement : un nouvel outil de police, bionormalisé,
par le bureau du Syndicat de la Magistrature
Varia
Juger ou manager, il faut choisir,
par Véronique Kretz
Loi de programmation pluriannuelle de la recherche : universités précarisées, revues fragilisées,
par la rédaction
Les rubriques
Justice partout
Perspectives de droit comparé sur le fonctionnement des juridictions pendant la crise sanitaire,
par Simon Chardenoux
Justice pour touste
Deux mamans, deux enfants et trois livrets de famille
Audition libre
" Une société ne peut pas être une somme d'individualités atomisées. ",
entretien avec Jean-Marc Sauvé
Guérillas juridiques
Pour une gouvernance collective des produits de santé,
par Gaëlle Krikorian
Souverains poncifs
L'état d'urgence à la française,
par Vincent Souty.