De 1850 à 1914, les médecins constituent l'écriture des déviants en objet de vérité. En lisant les écritures ordinaires, ils découvrent des objets inquiétants : des écrits échappent à leur grille de lecture, des signes graphiques semblent témoigner du caractère anormal de leur scripteur et enfin des gestes graphiques révèlent des pathologies inconnues.
On entreprend donc de décrypter les écrits des déviants pour identifier leurs caractéristiques. On tente de repérer des signes indiquant le degré de normalité du scripteur. On observe le geste graphique afin d'isoler des pathologies propres au mécanisme de l'écriture. Enfin, devant l'engouement pour la graphologie, la médecine s'efforce de clarifier les grilles qu'elle utilise.
Les médecins font ainsi entrer l'écriture au laboratoire. Ce savoir induit plusieurs modifications dans la société du tournant du siècle : l'expertise est repensée, l'enseignement de l'écriture est renouvelé et sa pratique professionnelle modifiée.
Utilisant les outils inventés par Michel Foucault, cet essai montre précisément comment la médecine s'est saisie de l'écriture pour opérer un nouveau partage entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le naturel et l'artificiel, le normal et le pathologique.
Philippe Artières est historien, directeur de recherches au CNRS. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Le Livre des vies coupables (Albin Michel, 2000), Vidal, le tueur de femmes, avec Dominique Kalifa (Perrin, 2001), et à La Découverte, Clinique de l'écriture (poche, 2013), La Police de l'écriture (2013) et 68, une histoire collective, avec Michelle Zancarini-Fournel (réédition 2018).
Préface
Introduction. L'écriture à fleur de peau
1. L'écrit, discours de l'absent
2. Le signe graphique, miroir de l'anormalité
3. L'écriture, prose du corps
4. L'acte graphique soumis à l'expérience
5. L'écriture à l'épreuve de la technique
6. La rationalisation de la lecture du signe graphique
7. L'expertise en écriture repensée
8. L'enseignement de l'écriture renouvelé
9. La limitation de l'hégémonie graphique
Conclusion. La fin d'un regard