Le secteur de la construction a souvent défrayé la chronique, mais le quotidien des chantiers demeure obscur. C'est ce qu'explore ce livre. L'auteur, qui s'est immergé durant un an dans le monde du béton armé parisien en tant qu'ouvrier, retrace ici son enquête. Au fil des expériences, il expose les conditions d'emploi et de travail liées au recours croissant à la sous-traitance et à l'intérim : infériorisation des travailleurs soumis à ces régimes, division des collectifs ouvriers, pratiques illégales d'employeurs, contradictions pesant sur la sécurité au travail, recours massif à une main-d'œuvre étrangère fragilisée, racisme et discriminations...
L'enquête ébranle certaines idées reçues et témoigne aussi des résistances des travailleurs concernés. S'ils s'affrontent rarement à leurs employeurs, ils entretiennent en revanche une révolte souterraine qui peut contraindre ces derniers à mettre en œuvre des aménagements. L'implication physique de l'auteur dans son enquête offre une immersion impressionnante dans cet univers méconnu du bâtiment.
Nicolas Jounin, sociologue, a reçu en 2009 pour cet ouvrage le prix " La Ville à lire ", créé par France Culture et la revue Urbanisme. Il est aussi l'auteur, à La Découverte, de Voyage de classes. Des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers (Poche, 2016) et Le Caché de La Poste. Enquête sur l'organisation du travail des facteurs (2021).
Introduction
Le jeu de l'oppression et de la résistance sur les chantiers
La " pénurie de main-d'oeuvre " : un bon point... de départ si on ne la prend pas trop au sérieux
L'enquête
1. Les " mamadou " : l'humiliation ordinaire
L'intérim des manœuvres : une discrimination inversée ?
À situation précaire, humiliation stable
" Mamadou " : entre classe et race
Derrière les " Mamadou " : des émigrés et des (dés)illusions
Keïta, prisonnier de son statut
Un apartheid professionnel ?
2. Des " bétonneurs " sans ouvriers ? L'externalisation
L'exemple d'un chantier : sept travailleurs sur huit externalisés
Les travailleurs externalisés : étrangers au cœur de la production
Comment contourner de nouvelles lois en profitant de nouvelles lois : petite histoire de l'externalisation
3. " Toujours à la bourre, les ferrailleurs "
Les éternels fautifs
Fuites et absences
Une externalisation sous le contrôle des donneurs d'ordres
4. " Je préférerais vendre des savonnettes " : l'intérim
Une organisation de la précarité
Affaiblir des affaiblis
La stabilité dans la précarité
Une gestion discriminatoire de la main-d'œuvre
Un " commerce " si particulier
5. Intérimaires fidélisés contre travailleurs détachés
Les " noyaux "
" Un ouvrier du bâtiment qui vit après soixante-cinq ans, c'est qu'il a été feignant "
Ferrailleurs embauchés et intérimaires : deux mondes étanches mais côte à côte
Et après ? Le ferrailleur polonais
6. Une belle équipe ?
Un patron d'un côté, un employeur de l'autre
Intérimaires et embauchés : divisions et réconciliations toujours à refaire
La peur des mouchards
Le chef de chantier ou la technique du " gueulard "
Discrimination : quand l'anticipation rejoint la réalité
Rendus à l'intérim
7. " Arrêtez, je suis le premier concerné par la sécurité ! "
L'" union sacrée " contre les inspecteurs : la sécurité en représentation
Un affrontement clandestin du danger
Cadence et prudence : des exigences contradictoires portées par une même hiérarchie
Beau temps ou intempéries ? Tout dépend du rapport de forces
Ouvriers coupables, mais pas responsables
La déresponsabilisation en cascade : la sécurité à l'épreuve de l'externalisation
8. L'ouvrier impossible
Aller-retour des qualifications
Un sans-papiers vous manque et tout est désorganisé
Les Portugais : des petits chefs incarnés ethniquement
Être français sur un chantier : soit " con " soit " chef "
Conclusion
Le travail et le travailleur dissociés ?
Logique marchande et logique personnelle
Loyautés incertaines : les travailleurs du bâtiment entre discrimination et précarité
De la liberté du citoyen à celle du travailleur
Annexes
Éléments bibliographiques.