Jusqu'où devons-nous pousser la technicisation de la société, des produits, des esprits et des corps ? Curieusement, c'est au moment où cette question se fait chaque jour plus pressante que les moyens théoriques de la formuler avec rigueur manquent le plus. Le débat philosophique sur la technique qui a fait rage autour de Heidegger, Ellul et Habermas, est resté sans conclusion. Parce qu'en posant le monde de la technique comme radicalement externe au monde social, ces philosophies nous laissaient impuissants. Ces vingt dernières années, la posture constructiviste a pris le relais, proposant maintes analyses brillantes de la construction sociale et historique de telle ou telle réalisation technologique. Mais ces approches répondent rarement à la question générale et principale : quelle place accorder à la technique dans une société démocratique ? Dans ce contexte, la philosophie antiessentialiste défendue par Andrew Feenberg se révèle d'une importance décisive. La démonstration que toute technologie incorpore la définition de ses usages sociaux possibles permet de sortir de l'opposition stérile entre enthousiasme technophile naïf et catastrophisme technophobe. En montrant comment l'intervention des usagers ou des citoyens a modifié en profondeur certains protocoles technologiques –; de la bicyclette aux réseaux on line en passant par le traitement du sida –;, A. Feenberg dessine la perspective crédible d'un contrôle démocratique des nouvelles technologies. Ce livre –; que beaucoup jugent décisif outre-Atlantique –; contribuera à remettre certaines discussions aujourd'hui vitales sur de bons rails. Outre les chercheurs et philosophes du domaine, il passionnera tous ceux qui ne se résignent pas au fatalisme.
Andrew Feenberg, pionnier dans la mise au point des réseaux pédagogiques de communication on line, professeur de philosophie à la San Diego State University, est actuellement titulaire de la Canadian Research Chair in Philosophy of Technology à la Simon Fraser University, Colombie britannique. Il est l'auteur de trois livres, dont Transforming Technology (Oxford University Press, 2002).
" Ce livre arrive à pic, au moment où nos sociétés, dans leurs particularismes, sont confrontés à des défis technologiques et à une tentation fataliste. La vision panoramique et critique qu'il propose de la réflexion philosophique sur les techniques est particulièrement intéressante. "
BULLETIN CRITIQUE DU LIVRE EN FRANÇAIS
" À la croisée de l'école de Francfort, de la révolution informatique et de la sociologie constructiviste, une approche philosophique post-marxiste de la technique qui se garde aussi bien des enthousiasmes beat que des condamnations sans appel. "
LIBÉRATION
" En insistant sur la dimension nécessairement sociale de toute technologie, Feenberg veut nous conduire à rejeter l'opposition stérile entre technicisme et antitechnicisme, et dessiner à terme la perspective d'un contrôle démocratique des nouvelles technologies. "
REVUE PHILOSOPHIQUE
2024-12-03 - PRESSE
Préface à l'édition française
Avant-propos
1. Technique, philosophie et politique
Déterminisme et substantialisme
Le point de vue anti-utopique de gauche
Le constructivisme social
Le dilemme postmoderne
Essence et histoire : Heidegger et Habermas
Première partie : La rationalisation démocratique
2. Les limites de la rationalité technique
Technique et démocratie
Du déterminisme au constructivisme
Définition du déterminisme
La sous-détermination
L'indéterminisme
Le constructivisme critique
L'étude de la technique
Fonction ou signification
L'hégémonie technique
Régimes et codes techniques
Perspectives kuhniennes sur le changement technique
L'invention technique réflexive
Progrès et rationalité
Le modèle de l'arbitrage (trade-off)
La réglementation de la technique
Le fétichisme de l'efficacité
Le concept de potentialité
3. Le problème de l'action
Le retour de la politique
Au-delà de la technocratie
La légitimation technocratique
Le nouveau souffle de l'action
Une théorie non instrumentale de l'action humaine
Études culturelles et théorie critique
Contre-hégémonie
Stratégies et tactiques
La troisième symétrie
La théorie des réseaux
Images de la résistance
Système, réseau et monde vécu
Les rationalisations démocratiques
Micropolitique de la technique
Controverse : le mouvement écologiste
Dialogue innovant et invention participative
L'appropriation créative : la réinvention des ordinateurs et de la médecine
4. Démocratiser la technique
Technique et pouvoir
La démocratie communautaire
Temps, espace et représentation
Les intérêts de participation
La démocratisation profonde
Deuxième partie : Technique et modernité
5. Les théories critiques de la technique
Deux types de critique
De " l'espoir secret " à un " nouveau réalisme "
L'imagination au pouvoir
La neutralité de la technique
Rationalité et critique de la modernité
Weber et Habermas
Une réponse marcusienne
Norme et technique
Constructivisme, phénoménologie et théorie critique
Une reformulation de la théorie des médias
La théorie des médias
La technique comme médium
Valeur et rationalité
Une critique à deux niveaux
Les biais du système
La théorie critique de la technique
Frontières et stratifications
6. La technique et le sens
La critique heideggérienne de la modernité
Une critique contemporaine
Sens et technique
Une interprétation de l'ordinateur
Le " rassemblement "
7. La raison impure
L'ironie de Parménide
La théorie de l'instrumentalisation
Une théorie à deux niveaux
L'instrumentalisation primaire : la fonctionnalisation
L'instrumentalisation secondaire : l'actualisation
La technique réflexive
Les limites de la différenciation
Le problème du progrès
Le fétichisme technologique
Théorie et réalité : les degrés de différenciation
La concrétisation et le changement technique
La concrétisation
Le pluralisme technologique
Technique et valeurs
Des alternatives possibles
Bibliographie.