Que sont devenus les ouvriers ? Objet de toutes les attentions depuis la révolution industrielle jusqu'aux années 1980, les travailleurs d'usine n'intéressent plus grand monde après l'échec du projet communiste et l'effondrement de leurs bastions industriels. Brisée dans son unité, démoralisée, désormais dépourvue de repères politiques, méprisée par ses enfants, la classe ouvrière vit un véritable drame – à l'écart des médias. Les ouvriers continuent pourtant d'opposer avec un succès relatif certaines de leurs traditions de résistance à la dynamique qui les détruit.
Cette remarquable enquête, sensible et documentée, fait toute sa place à la parole ouvrière pour rendre hommage à ces hommes et à ces femmes dont la dignité est aussi imposante que celle dont firent preuve leurs parents à l'heure des victoires. Treize ans après sa première édition, dans un contexte ou le monde ouvrier n'en finit plus de subir l'impact dévastateur de ce capitalisme financiarisé dans le cadre duquel une petite minorité de puissants actionnaires dicte sa loi aux managers et aux peuples, cet ouvrage n'a rien perdu de son actualité. Il permet de comprendre la réalité ouvrière d'aujourd'hui et peut servir de garde-fou contre la dénégation plus ou moins subtile de son existence dans l'espace public.
Sociologue, Stéphane Beaud, est professeur de science politique à Sciences Po Lille, membre du Ceraps. Il a notamment publié, à La Découverte, Guide de l'enquête de terrain (avec Florence Weber, 1997), Retour sur la condition ouvrière (avec Michel Pialoux, 2012 ; 1re éd. Fayard, 1999), 80 % au bac, et après ? (2002, 2005), Pays de malheur ! (avec Younès Amrani, 2004, 2005).
Michel Pialoux a longtemps été chercheur au Centre de sociologie européenne (CNRS). Il est notamment l'auteur, avec Christian Corouge, de Résister à la chaîne, Agone, Marseille, 2011.
Préface à l'édition 2012
Les ouvriers après la classe ouvrière
L'enquête à Sochaux : l'élargissement d'un travail, au départ, biographique
Remerciements
Introduction
Des ouvriers devenus " invisibles "
Étudier conjointement le travail et le système scolaire
Que reste-t-il du " groupe ouvrier " ?
I / Les transformations de l'usine
Première présentation du " terrain "
1. Que faire de l'héritage taylorien ?
Les ateliers d'OS dans les années 1970
Autocontrôle et autosurveillance
L'invention du moniteur
Les " jeunes " contre les " vieux "
Usure au travail et vieillissement social des OS de chaîne
2. Stratégies patronales et résistances ouvrières
La perte d'un espace familier et l'oubli des références collectives
Les inquiétudes des militants syndicaux
Les nouveaux ateliers et les débuts d'HC1
La grève de 1989
HC1 : pannes et défauts
HC2 : un repli tactique
Résistances ouvrières
La nouvelle stratégie patronale
3. Le blocage de la mobilité ouvrière et l'exacerbation des luttes de concurrence
L'ancienne aristocratie ouvrière de l'usine
Le déclin des " professionnels "
La distance sociale entre ouvriers et techniciens
Le grippage du système de promotion des OS
L'échec d'une petite promotion : une monitrice dégradée
Jalousies et concurrence au travail
II / Le salut par l'école
Des " bagages " un peu lourds
4. La " désouvriérisation " de l'enseignement professionnel
Déclin de la " mécanique ",
valorisation de l'automatisation
Sentiment de relégation et dépréciation de soi
Des bacs pro qui ne tiennent pas leurs promesses
Des ambassadeurs du LEP dans l'entreprise
Des élèves en porte-à-faux dans l'entreprise
5. La fuite en avant
Ne pas se sentir à sa place au lycée
La distance par rapport à la culture scolaire
Les difficultés à l'écrit
Un bricolage scolaire
Les combines pour faire face
Une contestation diffuse des normes scolaires
Conflits de générations
La honte sociale
Morale ouvrière et morale scolaire
Des lycéens en rupture d'héritage
Épilogue
III / La déstructuration du groupe ouvrier
6. Les contradictions d'un jeune moniteur
La honte d'être OS, la haine de l'usine
Le sentiment d'être piégé
Trajectoire scolaire et dispositions sociales
" Je préfère mourir en ne faisant rien
que mourir chez Peugeot "
Jeunes et vieux : mépris croisé
En imposer par le physique, s'imposer par la parole
7. La crise du militantisme ouvrier
La spécificité du militantisme des OS
Le délégué et sa " base "
Le délégué pris à revers par les transformations de l'atelier
Le brouillage des anciens clivages
L'usure des militants
L'hostilité des jeunes à l'égard du syndicat
8. Affaiblissement du groupe ouvrier et tensions racistes
Un 14-Juillet chez des ouvriers professionnels
OS contre immigrés
Les " jeunes immigrés " comme groupe repoussoir
La respectabilité ouvrière, enjeu véritable des tensions racistes
L'égalitarisme ouvrier et la " préférence nationale "
Conclusion. Les ouvriers après la classe ouvrière
La nouvelle condition ouvrière
L'oubli de la question ouvrière
Quel est l'avenir du militantisme ouvrier ?
Postface à l'édition 2012
Les enjeux de la méthode d'enquête monographique
Une autre manière de parler avec les ouvriers
L'" inquiétude scolaire " et ses effets de déstabilisation
sur le groupe ouvrier
Les ambiguïtés de la réception du livre dans le milieu ouvrier " politisé "
Le refus de la condition ouvrière par des descendants d'immigrés : une observation
Une disqualification bien française du monde ouvrier
Le décrochement des classes populaires dans l'espace social
Un " racisme ouvrier " ?...
Engagement ethnographique et posture du sociologue
Bibliographie.