C'est un paradoxe : l'histoire du communisme reste aujourd'hui encore, alors que ce mouvement n'a plus dans la vie politique ni le poids ni la force d'attraction d'antan, un objet de controverses à nul autre pareil, en " pour " et en " contre ". Cet état d'esprit atteint un paroxysme lorsqu'il s'agit d'évoquer les actions et analyses du communisme – français et algérien – face à la question coloniale en Algérie, des origines dans les années 1920 à la guerre d'indépendance (1954-1962). Et s'il était temps, écrit Alain Ruscio, de sortir des invectives ?
C'est l'ambition de cette somme exceptionnelle, qui propose une plongée dans les méandres – le mot s'impose – des politiques communistes des deux côtés de la Méditerranée (PCF et PCA) durant plus de quatre décennies. Des tout premiers temps, lorsque le jeune parti commençait à s'affirmer et tentait de briser le consensus colonial, aux tempêtes de la guerre d'Algérie, en passant par les espoirs et illusions du Front populaire. Les relations avec le nationalisme algérien, qui ne furent jamais simples, sont finement analysées, avec le récit d'un grand nombre d'épisodes ignorés ou mal connus et l'évocation de parcours de multiples acteurs, qui donne chair à cette saga.
Novateur, l'ouvrage d'Alain Ruscio ne l'est pas seulement par son esprit. L'historien a utilisé tous les fonds d'archives spécialisés, dont ceux du PCF, désormais accessibles, révélant des documents totalement nouveaux. On découvrira, au fil des pages, non pas une ligne politique, mais une succession, et parfois une cohabitation, de logiques et de pratiques.
2019-02-07 - Claude Mazauric - L'Humanité
L'historien Alain Ruscio montre les malaises et malentendus qui ont émaillé la relation des communistes français avec la cause algérienne. [...] La richesse des matériaux brassés par l'ouvrage et la quantité de faits méconnus qu'il restitue le rendent incontournable pour qui s'intéresse à la période, aux contradictions des communistes français devant une décolonisation que la guerre froide et leurs propres pesanteurs idéologiques ne prédisposaient pas à comprendre.
2019-02-08 - André Loez - Le Monde
Introduction. Communisme et Algérie : " Ni cet excès d'honneur ni cette indignité "
Remerciements
I / Un parcours non linéaire : les communistes et l'Algérie, 1920‑1954
1. La société française et la question coloniale, 1920‑1954
Puissance du parti colonial, méconnaissance de l'opinion
Le monde arabo‑musulman : un " danger " et un " problème ",
Classe ouvrière et idéologie coloniale,
2. Le PCF et la question coloniale (de 1920 à 1935)
Avant 1920 : une " attention distraite et intermittente "
En Algérie : le " socialisme colonial " à l'œuvre
Au congrès fondateur de 1920 : un débat avorté,
Les premiers enga gements anticolonialistes du PCF
La lutte contre la guerre du Rif,
Quelle attitude devant l'islam ?
L'organisation des " travailleurs coloniaux "
La création de l'Étoile nord africaine en 1926,
3. En Algérie : du " point de vue esclavagiste " à la radicalité anticolonialiste (1920‑1935)
L'adhésion quiproquo des socialistes algériens à la IIIeInternationale
Esquisse d'un redressement,
Le choix de la lutte pour l'indépendance,
Un parti squelettique
La difficile gestation d'un parti communiste autonome,
L'apogée de la radicalité du PCF en Algérie : la " circulaire Barthel " de septembre 1935
4. L'esprit Front populaire (1936‑1939)
Thorez, 1937 : " Contre le fascisme, l'intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France "
Octobre 1936 : la naissance tardive du Parti communiste d'Algérie
La nouvelle politique : des réformes, mais plus de référence à l'indépen dance
Dans les manifestations, " chéchias, casquettes et canotiers "
L'épreuve et l'échec : le projet Blum‑Viollette d'octobre 1936
Contre le " nationalisme musulman " : la dissolution de l'Étoile nord‑africaine en janvier
1937
Thorez, 1939 : la " nation algérienne en formation ",
1920‑1939 : une succession de tactiques,
5. L'Algérie dans la Seconde Guerre mondiale et le traumatisme des massacres de 1945
Contre les " deux impérialismes " (1940‑1942)
Pour une " politique d'union de la plus grande France " (1943‑1945)
La " France nouvelle ", grande sœur des territoires d'outre‑mer
Le traumatisme : les massacres du Constantinois de mai‑juin 1945
Les réactions des communistes : la thèse du complot
Charles Tillon et la répression de mai1945
Des errements qui ont coûté cher,
6. Vers une reprise des combats nationaux (automne 1945‑1954)
La campagne pour l'amnistie des emprisonnés algériens de 1945‑1946
1947 : " Statut ou statu quo ? "
1948 : face aux " élections à la Naegelen "
Le PCA lors des dernières années avant la guerre
Le monde communiste algérien, embryon de la " nation en formation " ?
Les revers de l'" indigénisation " du PCA
Le PCF et l'Algérie avant la guerre : la conscience de la menace du " pire "
7. Communistes français et nationalistes algériens avant 1954
Une union (conflictuelle) de raison
Les nationalistes et le soutien de l'Occident
Un bref rapprochement : le massacre policier du 14 juillet 1953 à Paris
À la veille du 1er Novembre : une méfiance réciproque
II / Des communistes en guerre d'Algérie, 1954‑1956
8. Le terreau : la société française et la guerre d'Algérie
Des Français informés ou conditionnés ?
Saisies, censures et procès
L'opinion : de l'indifférence distante à l'intérêt angoissé
L'opinion : quelles solutions ?
Jeannette Vermeersch : qu'y a‑t‑il " dans la tête des masses " ?
9. Le communisme de guerre froide : état des forces... et des faiblesses
Le communisme stalinien : du " rayonnement solaire " au déclin
1950‑1952 : de la course en avant à l'avant‑gardisme
Face à la répression
Interdire le PCF ?
10. Communistes français et nationalistes algériens pendant la guerre d'indépendance : l'impossible entente
Le 1er Novembre : " Allumer la mèche "
François Mitterrand : " La négociation, c'est la guerre "
Côté nationaliste : la recherche de soutiens tous azimuts
Deux logiques s'affrontent
Les contacts PCF‑FLN en France, 1954‑1955,
Face aux violences fratricides de la communauté algérienne
L'expression autonome des ouvriers algériens en France
Une timide et éphémère parenthèse
Août 1958 : le FLN porte la guerre en France
11. Le PCF et la première année de l'insurrection nationale
Georges Lachenal : " Qui étaient ces hommes ? Que voulaient‑ils ? "
Le communiqué ambigu du 8novembre 1954
Prise de conscience : une " guerre " commence
Premières actions de propagande
1955, le mouvement des " rappelés " : la première vague
Les autres (timides) manifestations antiguerre de 1955
12. Le PCA et les premiers temps de l'insurrection nationale
Premières analyses (novembre 1954 ‑ janvier 1955)
Le basculement (février‑septembre 1955)
Répression et interdiction
13. Le PCF : grands thèmes d'une propagande
Dénonciation de la situation coloniale " La "pacification' vue du côté de la mitraillette "
L'intérêt national français
Souffrances et mort des soldats en Algérie
14. Les communistes et le droit à l'indépendance de l'Algérie
Le rôle moteur des communistes algériens
Affirmation du thème à partir de l'été 1955
L'abandon progressif du concept de la " nation en formation " : convaincre l'appareil,
Juillet 1956 : l'article de Jean Dresch comme achèvement d'un processus
Les mots d'ordre : pourquoi " Paix en Algérie ! " et non " Indépendance de l'Algérie ! " ?
L'abandon tardif de la référence à l'Union française
15. Le PCA en 1956 : les grands engagements
FLN/PCA : deux options stratégiques divergentes
Surmonter les contentieux
Henri Maillot, " communiste et Algérien "
L'" affaire Maillot " en France et la montée de l'anticommunisme
Les premiers contacts PCA‑FLN et l'accord de juillet 1956
Les suspicions, puis les violences fratricides, du FLN contre les communistes algériens
Fernand Iveton : " Ce qui compte, c'est l'avenir de l'Algérie "
La chahida Raymonde Peschard, dite Taous
16. Le PCF en 1956 : les grands balbutiements
Un " nouveau Front populaire " ?
Les premiers pas du gouvernement Mollet
Le vote des " pouvoirs spéciaux " en mars 1956
Maurice Thorez : " La partie et le tout "
L'emballement immédiat de l'engrenage guerrier
Contestations et malaise au sein du PCF
Des dégâts bien au‑delà des rangs du PCF
La tardive autocritique
Les manifestations de rappelés du printemps 1956 : la seconde vague
La crise de Suez : le PCF seul contre tous,
La lutte continue
III / Des communistes en guerre d'Algérie, 1957‑1962
17. Analyse d'une mobilisation avortée : le 17 octobre (1957) des communistes
Une préparation méticuleuse
" Une journée qui fera date " ?
Les raisons d'un échec
18. Le PCA, 1957‑1962 : frères de combat et de douleur (Audin, Alleg et tant d'autres)
L'affaire Audin, l'" affaire de la France "
Le Comité Audin et le rôle de Pierre Vidal‑Naquet,
L'assassin : les deux hypothèses
L'arrestation et le calvaire d'Henri Alleg
L'incroyable écho du livre
La Question
Alleg et Audin, deux martyrs parmi des milliers d'autres...
Un PCA très affaibli, mais qui poursuit la lutte
19. Le PCF et les soldats du contingent
L'état d'esprit des soldats du contingent dans les années 1950
L'absolue priorité : le " travail de masse "
" Faire son travail de communiste " en France : quelques exemples
" Faire son travail de communiste " en Algérie : facile à dire...
Le travail clandestin au sein de l'armée
Faut‑il partir en Algérie ?
Le premier soldat du refus en 1956 : le militant communiste Alban Liechti
Les hésitations de la direction du PCF face aux refus des appelés
Le " recadrage " de Maurice Thorez en mai 1959
Le contingent face au putsch d'avril 1961
Aux origines de la FNACA,
20. L'engagement des avocats et des intellectuels
Une génération d'avocats préparée au combat
Avocats en guerre d'Algérie
Rivalités politiques au sein du collectif des avocats
Vergès, ni fondateur d'un nouveau réseau ni inventeur de la " défense de rupture "
Des intellectuels " à leur créneau "
L'engagement d'Aragon : des
Lettres françaises au
Fou d'Elsa
Les romans de guerre " décalés " d'André Stil
L'engagement d'autres intellectuels et artistes
21. Le PCF et la " troisième gauche " : rencontres, rivalités, controverses
1960 (1) : la " troisième gauche " occupe un espace laissé vacant
1960 (2) : les " porteurs de valises " et le " Manifeste des 121 "
L'attitude du PCF : méfiance et prise de distance
" Soutenir les condamnés, défendre les 121 "
La manifestation du 27 octobre 1960 : un rendez‑vous manqué
Les conséquences politiques du refus communiste
22. Face à la Ve République et aux évolutions du gaullisme
Mai 1958 : " Le fascisme ne passera pas "
Septembre 1959 : les communistes et l'autodétermination
L'affaire Servin‑Casanova et la guerre d'Algérie
Le massacre polcier du 17 octobre 1961 à Paris : l'internationalisme à l'épreuve du feu
Les réactions des communistes aux tueries du 17 octobre 1961
Les communistes, cible privilégiée des violences meurtrières de l'OAS
Février 1962 : le drame du métro Charonne
Conclusion. Les communistes ont‑ils été " bons par rapport à eux‑mêmes " ?
Quel bilan des résistances au colonialisme et à la guerre d'Algérie ?
L'activité communiste : une résistance à la guerre d'Algérie
La faille : l'impensé du rôle des mouvements de libération nationale
Annexes. Sources, références et abréviations
1. Archives publiques, associatives et privées
2. Témoignages oraux ou écrits
3. Bibliographie
4. Sigles des mouvements et associations
Notes
Index.