Le procès de la liberté
Une histoire souterraine du XIXe siècle en France

Michèle Riot-Sarcey

Dans cet ouvrage, Michèle Riot-Sarcey fait revivre les idées de liberté surgies au cours des expériences ouvrières et des révolutions sociales du XIXe siècle français. Des idées largement oubliées depuis : minoritaires et utopiques, incomprises à leur époque, elles ont été maltraitées par l'histoire devenue canonique. Leur actualité s'impose pourtant aujourd'hui, à l'heure où l'idée de liberté individuelle a été dissociée de la liberté collective et réduite au libéralisme et à l'individualisme.
Ce passé inaccompli est ici revisité à partir de ses traces multiples : publications politiques, archives, romans, poésie, tableau, etc. Avec un souffle singulier, l'auteure restitue l'étonnant parcours de vie de femmes et d'hommes du peuple si nombreux à s'engager dans les chemins de la révolte, révélant ainsi les modalités méconnues de l'effacement de cette histoire. Comme le rôle des idées du " socialiste " Henri de Saint-Simon, qui influença tant de ces acteurs avant de se retrouver au cœur du projet capitaliste et industrialiste du Second Empire. Ou encore celui de Victor Hugo, dont l'immense succès des Misérables contribua à l'oubli de l'esprit de liberté qui avait marqué les insurrections de 1830 et 1848.
Cette fresque audacieuse, aussi excitante à lire qu'elle est remarquablement documentée, démontre la pertinence de la pensée de Walter Benjamin sur la nécessité de " faire exploser les continuités historiques ". Et elle invite à comprendre autrement les symboles aujourd'hui en ruines du XIXe siècle français : philosophie du progrès, contrôle de l'ordre social, " mission civilisatrice " de la république coloniale... Afin de libérer la modernité créatrice de la modernité dévastatrice, ce livre entend ainsi donner à voir sous un jour nouveau les rêves du passé, dont l'actualité prend sens au présent dans la quête d'un avenir radicalement autre.

Prix Pétrarque de l'Essai France Culture – Le Monde 2016

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Détails techniques
Collection : Sciences humaines
Parutions : 21/01/2016
ISBN : 9782707175854
Nb de pages : 360
Dimensions : 15.5 * 24.0 cm

Michèle Riot-Sarcey

Michèle Riot-Sarcey

Michèle Riot-Sarcey, professeure émérite d'histoire contemporaine et d'histoire du genre à l'université Paris-VIII-Saint-Denis, est historienne du politique et du féminisme. Elle est notamment l'auteure de La Démocratie à l'épreuve des femmes. Trois figures critiques du pouvoir, 1830-1848 (Désirée Véret, Jeanne Deroin, Eugénie Ni-boyet) (Albin Michel, 1994), Le Réel de l'utopie (Albin Michel, 1998) et à La Découverte, de Histoire du féminisme (La Découverte, 2002, 2015), 1848, la révolution oubliée (avec Maurizio Gribaudi, La Découverte, 2008, 2009), et Le Procès de la liberté. Une histoire souterraine du XIXe siècle en France (2016).

Extraits presse

Michel Riot-Sarcey n'a cessé de dialoguer avec Walter Benjamin (1892-1940) et de mettre à l'épreuve ses leçons. Sur les traces du philosophe allemand, elle rappelle que la continuité est toujours d'après coup : elle est une interprétation de l'évènement qui se fait " à partir de l'ordre existant ", selon l'état du rapport de forces. Il faut au contraire, tenter de restituer à l'évènement tous les possibles dont il était porteur. (...) Toutes ces expériences occultées viennent toujours, à un moment ou à un autre, percuter le présent, s'y actualiser. Cette ambition de se défaire d'une conception univoque de ce qui est advenu, c'est très certainement la marque de fabrique de Michel Riot-Sarcey : " Il faut penser l'histoire à contresens. "

2016-02-19 - Julie Clarini - Le Monde des Livres

 

Michèle Riot-Sarcey s'est lancée dans une aventure périlleuse. Son livre ne se contente pas de décrire une " autre histoire " de la liberté au XIXe siècle en France, il essaye de renverser les méthodes classiques de l'historien et de l'historiographe. Plus qu'un condensé savant, il s'agit d'un essai d'histoire discontinue, avec son lot d'expérimentations qui se déroulent au fur et à mesure des pages. Directement inspiré par les thèses de Walter Benjamin, et d'autre grands philosophes comme Foucault, Arendt et Castoriadis, le livre poursuit deux objectifs parallèles : présenter une vision alternative du " combat pour la liberté " des classes populaires au XIXe siècle et réfléchir à la manière dont leur histoire a été à la fois construite et occultée. (...)
Le procès de la liberté est riche – riche d'une histoire trop peu connue, riche d'une conception originale de l'histoire, riche des échos d'utopies et d'insurrections que Riot-Sarcey murmure aux oreilles de l'époque. Sa plus grande qualité est le respect, même à travers le temps, que l'auteure porte à ses sujets : aux anonymes qui ont bouleversé, et qui bouleversent encore, l'histoire.

2016-03-21 - Thibault Scohier - Lectures

 

Retracer l'histoire des mouvements révolutionnaires et ouvriers du XIXe siècle d'une manière entièrement nouvelle, tel est l'objectif déclaré du livre de Michèle Riot-Sarcey. Une ambition qui pourrait passer pour démesurée, tant l'histoire du siècle a déjà été balisée. Mais l'historienne adopte un style de récit peu commun, soutenu par un talent et une intelligence indéniables. Elle tire le fi de l'idée de liberté, avec des ses moments de gloire, ses disparitions, ses résurgences et ses transformations, pour explorer le labyrinthe des idées progressistes au XIXe siècle.

2016-04-01 - Chloé Rébillard - Sciences Humaines

 

Cette " histoire souterraine " ou histoire des dominés qui porte l'empreinte des conceptions de Walter Benjamin a pour épicentre la révolution de 1848 ce " temps des possibles " compromis par le " tragique triomphe d'une pâle république ". Mais son objectif est plus ample. Il s'agit de suivre le mouvement constamment entrave du combat pour la liberté depuis la Révolution française jusqu'aux années 1910, combat des insurgés de 1830 des associations ouvrières de 1848 des penseurs socialistes connus – Pierre Leroux – ou inconnus – Xavier Sauriac – mais aussi celui que menèrent à leur façon des poètes et artistes saisis par 1848 ou par la Commune – Charles Baudelaire, Gustave Courbet ou encore Arthur Rimbaud.

2016-04-02 - Michael Löwy - Le Monde Diplomatique

 

Michèle Riot-Sarcey offre là une belle réflexion sur l'écriture de l'histoire et une fine exploration de la modernité politique ouvrière par les prises de parole et expériences de la première moitié du XIXe siècle, lors de la révolution de 1848 notamment, avant que les dirigeants du mouvement ouvrier et le triomphe du fétichisme libéral de la marchandise ne recouvrent cette liberté jusqu'à la faire oublier.

2016-04-02 - L'Histoire

 

Ce foisonnant ouvrage apporte de multiples éléments très utiles à nos réflexions, car il redonne vie à de nombreuses approches oubliées de l'expérience ouvrière du XIXe siècle, autour d'une idée centrale qui doit être au cœur de nos réflexions : la liberté ne se transmet pas de l'extérieur, mais se conquiert par soi-même.

2016-04-11 - Patrick Le Moal - L'anticapitaliste

 

À cette sainte et encensée modernité qui n'est que dévastatrice, elle oppose une modernité créatrice, théories et pratiques articulées. Promouvoir un mouvement réel d'émancipation, un " pouvoir d'agir " individuel et collectif, réintégrer l'Utopie dans l'Histoire, imaginer un devenir social différent de celui qui est distillé, imposé : femmes et hommes devenus sujets de leur propre histoire, citoyens actifs sachant différencier liberté et libéralisme, réflexion et communication. L'auteure cite René Char " Notre héritage n'est précédé d'aucun testament " : ce qui en 1848 restait à faire et qui aujourd'hui reste à faire pour que tout un chacun soit véritablement libre, " capable d'exister matériellement, socialement, intellectuellement et politiquement ", c'est-à-dire, et je fais appel à mon tour à René Char, " Rêver la fin des rêves, c'est-à-dire leur incarnation ".

2016-04-29 - Alphonse Cugier - Liberté Hebdo

 

Elle ne déniche pas des faits inconnus ou des archives inexplorés ; mais elle retrouve, dans l'idée de liberté portée par les insurgés de 1848, les ancêtres dont ils s'inspirent et les femmes et les hommes qui ensuite tentent de redonner vie à la république démocratique et sociale, les traces d'une expérience occultée et pourtant précieuse : celle de l'association ouvrière, de l'autonomie démocratique, de la souveraineté populaire, du pouvoir d'agir des gens du peuple, que la fabrique de l'histoire a occulté.

2016-10-01 - Samuel Hayat - Cahiers d'Histoire

 

Table des matières

Introduction. Pour une histoire discontinue
Penser l'histoire autrement
Les chemins de la liberté
Remerciements
I / L'esprit révolutionnaire de 1848, ou le temps des possibles
1. L'événement de 1848
Raviver la mémoire des hommes " libres "
Une singulière révolution
La souveraineté populaire en acte
2. Une expression citoyenne pleinement responsable
Le retour à la tradition pétitionnaire
Le renouveau de 1789
La fraternité " vraie "
Embrasements européens
De l'organisation des travailleurs
3. Le temps des associations
Lutter contre l'exploitation, une priorité
Les associations, creuset de l'autonomie ouvrière
La riposte libérale
La liberté en actes, ou la fraternité à l'œuvre
Pauline Roland au cœur de l'association
4. Dès 1848, les conflits d'interprétation
Le plaidoyer de Victor Considerant
Le messianisme populaire des nouveaux " barbares "
L'alarme des possédants : les avertissements de Balzac et de Heine
Le tragique triomphe d'une pâle république
La fraternité, part d'ombre de la pensée de Marx
La faille originelle du marxisme
II / Les promesses de la liberté
5. Qu'est-ce qu'être libre ?
Pierre Leroux, ou la liberté comme " pouvoir d'agir "
Une nouvelle vision des " droits naturels "
La quête des origines, un conflit d'interprétation
Saisir l'actualité du " salut du peuple "
La singulière vision de Walter Benjamin
La liberté absolue
Résonnances actuelles
6. Réminiscence des temps héroïques, ou la liberté en éclats de 1789 à 1840
Les résurgences foisonnantes de l'événement 1789 dans les années 1820
Les années 1830, matrice de 1848
La Liberté guidant le peuple (1830), ou la modernité oubliée de la révolte
Quand " ces Messieurs tremblaient dans leur peau "
Xavier Sauriac : luttes de classes et démocratie
La défense des possédants de Saint-Marc Girardin
L'esprit de liberté résiste
7. Un peuple aux multiples visages, ou le passé recomposé
L'irruption des prolétaires et les révoltes des canuts
Le social politique, au cœur de la tradition ouvrière
1833 : " Les travailleurs en ont assez de subir la loi du capital "
8. George Sand, Daniel Stern et la fabrique de l'histoire
George Sand, une liberté contrainte
La " loi du progrès " et la " cause du peuple "
Communisme ou réformisme ?
Daniel Stern, une liberté entravée
9. Henri de Saint-Simon : des idées majeures
Henri de Saint-Simon, ou la liberté sous contrôle
Le " droit de propriété ", base de l'" organisation sociale "
Une " force des choses " au service des " propriétaires "
Les saint-simoniennes, une expérience " incongrue "
Adolphe Thiers et la fabrique de l'histoire
III / La liberté exclusive
10. Que reste-t-il de l'esprit de 1848 ?
La " dangerosité " des classes laborieuses
Baudelaire, Flaubert, Courbet : l'art révélateur de l'oubli
Les Misérables, une fiction romanesque au service de la continuité historique
L'invention " sublime " de l'histoire de la première moitié du XIXe siècle
Hugo et le peuple au service du progrès
Les révolutions de 1830 et 1848 ou les blancs du grand écrivain
11. La fabrique de l'histoire ou la liberté sélective
Années 1850 et 1860 : les nantis sont rassurés
Anthime Corbon, un point de vue singulier sur le monde ouvrier
L'association ouvrière dans le temps discontinu des possibles
La liberté au service de l'industrie
L'autre modernité ou la modernité invisible
L'ouvrier, " vrai sujet de la modernité "
12. Une liberté qui s'éloigne : de l'Internationale à l'apprentissage de la république
1864, la création paradoxale de l'Association internationale des travailleurs
L'apprentissage de la république, ou la fabrique de la liberté républicaine
Comment la république évacue la " question sociale "
La famille propriété de l'ouvrier
La question de l'émancipation dans l'impasse
13. 1871 : la Commune de Paris, ou la résurgence de l'esprit de liberté
Un événement non intégrable au récit républicain
Deux visions antagoniques de la résistance
La réappropriation des expériences
Comprendre la singularité " libertaire " de la Commune
" La première vraiment populaire de nos révolutions "
La révolte des Kabyles
14. Années 1880 et 1890 : le réveil de la liberté d'action
1879, l'" immortel " Congrès socialiste ouvrier, un basculement
Années 1880 : les classes ouvrières en lutte
Des Misérables à Germinal, l'image d'un nouveau prolétariat
1892, le renouveau de l'idée d'autonomie
Le ralliement socialiste à la république civilisatrice
Années 1900 : la résistance ouvrière écrasée au nom de la République
Retrouver les " innombrables vérités latentes " du passé ?
Postface. Le procès de la liberté, questions de méthode
Penser l'histoire avec Walter Benjamin
L'historicité en question
La souveraineté populaire, une incise dans l'histoire
Faire exploser la continuité historique : le contexte en question
De l'immuabilité de l'ordre
Continuité historique et philosophie du progrès, un lien indestructible
Comment repenser l'événement ?
Penser l'histoire discontinue, entre linéarité du visible et continuités souterraines
Retrouver les traces des continuités invisibles
Libérer la " modernité créatrice " de la " modernité dévastatrice "
Index.

Prix Pétrarque de l'Essai France Culture – Le Monde 2016