Comment définir la notion de ville, ou plutôt, comment rendre justice de la diversité du phénomène urbain sans renoncer pour autant à l'ambition conceptuelle ? Pour quelles raisons, en Occident seulement, les citadins se sont-ils parfois constitués en " citoyens " de leur ville, prenant l'administration de leurs affaires en main propre ? Et par quels curieux détours historiques cette figure typiquement occidentale du " citoyen " a-t-elle paradoxalement engendré celle du " bourgeois " moderne, de  l'Homo oeconomicus consacrant sa vie au gain pacifique plus qu'aux affaires publiques ? 
 C'est à ces questions toujours actuelles que Max Weber tente de répondre dans cette vaste fresque sociohistorique publiée ici dans une nouvelle et rigoureuse traduction. Dix ans après  L'Éthique protestante, il y examine comment s'est constituée la couche sociale de travailleurs libres sans laquelle le développement d'une éthique du travail, condition sine qua non du capitalisme moderne, eût été impossible. Il y analyse aussi les luttes sociales qui ont peu à peu fait passer le pouvoir politique, traditionnellement aux mains des élites militaires, dans celles de nouvelles élites économiques – des luttes qui, dans les villes, opposaient plus des " ordres " que des " classes " et présupposaient la fraternisation insurrectionnelle des bourgeois en " communes " autonomes. Ce faisant, il propose une généalogie du bourgeois moderne, vecteur social et corrélat anthropologique des deux puissances déterminantes de la modernité globale : le capitalisme d'entreprise et l'État bureaucratique. 
 
                
Max Weber (1864-1920), principal fondateur de la sociologie allemande, fait l'objet d'une redécouverte en France depuis quelques années. Il est notamment l'auteur de L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme et de Le Savant et le Politique. La Découverte s'est engagée depuis 2013 dans une série de traductions d'inédits et de retraductions dont Les Communautés est le troisième volume, après La Domination et La Ville. Il sera suivi en 2020 par un quatrième et dernier ouvrage : Sociologie.


2014-12-26 - Jonathan Louli - Liens socio

Note éditoriale sur les éditions de Wirtschaft und Gesellschaft et leurs traductions françaises
 Note éditoriale sur la présente traduction de La Ville 
 Introduction. Le citadin, le citoyen et le bourgeois, par Aurélien Berlan
 
Un chapitre de La Domination 
? – Un complément à l' Éthique protestante 
? – Un moment dans
 la généalogie du type d'humanité caractéristique de la modernité
 L'idéal-type de la ville occidentale comme commune
 
Du concept de ville à celui de commune : méthode comparative et idéal-typique – Caractéristiques de la commune : groupement, sociétisation, institution (Anstalt
) – Genèse de la commune : fraternisation, synoecisme, conjuration – Conditions religieuses et militaires de la constitution en communes
 Similitudes dans l'évolution politique des villes antiques et médiévales
 
Démocratie antique et démocratie médiévale – Les lois internes de l'évolution politique : critique
 positive du matérialisme historique
 Généalogie de la bourgeoisie occidentale
 La polysémie de la notion allemande de " Bürger " et de ses dérivés – Du citoyen antique au bourgeois moderne : émergence de l'homo oeconomicus
 
1 / Concept et catégories de ville
 Le concept économique de ville
 
La ville de consommateurs – La ville de producteurs et la ville de marchands – Le rapport des
 villes à l'agriculture et le cas des villes de " citoyenspaysans " – La ville comme groupement menant une politique économique
 Le concept politique de ville
 
La ville comme place forte et garnison – La ville, synthèse du château fort et du marché – La ville
 occidentale comme commune – Différences avec les villes asiatiques et orientales – Présence en Orient de villes patriciennes sur le point de se constituer en communes
 
2 / La ville d'Occident 
 La spécificité de la ville occidentale, notamment médiévale
 
La stratification sociale urbaine : " L'air de la ville rend libre " – Conditions religieuses de la fraternisation en commune – Les obstacles à la fraternisation hors de l'Europe médiéval –L'individualisation du droit de cité dans les villes médiévales d'Europe du Nord.
 La genèse de la commune médiévale, entre usurpation et octroi de privilèges
 
De la conjuration à la mise en place de consuls, notamment en Italie – Rôle des guildes, des
 confréries et des métiers, notamment dans les villes du Nord – Rôle du Conseil et de la propriété
 foncière, notamment dans les villes allemandes
 L'auto-équipement militaire, un facteur décisif de la spécificité européenne
 
3 / La ville praticienne au Moyen Âge et dans l'Antiquité 
 La domination des notables ou " patriciens " au Moyen Âge
 
Venise, cas extrême de ville patricienne – L'évolution des autres villes italiennes : Guelfes, Gibelins et podestats – Les villes anglaises : cas extrême d'oligarchies liées à l'administration royale – Le renversement des patriciens dans les villes continentales du Nord
 Les cités patriciennes antiques
 
Les premiers temps de la cité grecque – La cité patricienne : synoecisme, phratries, phylai et pouvoir de la noblesse – Différences et similitudes avec les villes patriciennes médiévales
 La structure économique du patriciat
 
Une conduite de vie de rentier – Le mépris du travail lucratif systématique
 
4 / La ville plébéienne 
 Le renversement de la domination patricienne
 
Le popolo
 italien, un groupement politique révolutionnaire – Les tribuns de la plèbe à Rome et les
 éphores à Sparte – Les résultats de la " démocratie " dans l'Antiquité et au Moyen Âge – La
 tyrannie urbaine, notamment la signoria italienne
 Tableau d'ensemble des conquêtes communales médiévales
 
Autonomie politique et politique d'expansion – Autonomie juridique – Autocéphalie politico-administrative – Autonomie fiscale – Politique économique autonome – Rapport des communes aux couches non bourgeoises : noblesse et clergé
 Cités antiques et communes médiévales : des rapports différents au travail et à l'économie
 
L'environnement géopolitique et l'originalité des villes médiévales (du Nord) – Différences entre
 les luttes sociales antiques et médiévales : intérêts de consommateurs versus
 intérêts de producteurs – Structuration politique des villes en dèmes ou en tribus versus
 en métiers – Orientation politique de la cité antique versus orientation économique de la commune médiévale – Homo politicus 
versus homo oeconomicus 
– Évolution de la place des serfs, des esclaves pour dettes, des clients et des affranchis – La cité antique comme corporation de guerriers versus
 la commune médiévale (du Nord) comme vecteur de l'entreprise économique rationnelle
 Les grandes puissances antiques : Athènes, Carthage, Rome
 
La spécificité romaine : la domination de la noblesse de fonction – Différences entre les cultures
 grecque et romaine
 
Postface. De Max Weber à l'histoire globale, par Yves Sintomer
 L'apport de la commune à l'histoire de l'Occident - Méthode idéal-typique et histoire globale – Une spécificité de l'Occident ?
 
Glossaire
 Index.