La race a une histoire, qui renvoie à l'histoire de la différence sexuelle. Au XVIIe siècle, les discours médicaux conçoivent le corps des femmes comme un corps malade et l'affligent de mille maux : " suffocation de la matrice ", " hystérie ", " fureur utérine ", etc. Le sain et le malsain justifient efficacement l'inégalité des sexes et fonctionnent comme des catégories de pouvoir. Aux Amériques, les premiers naturalistes prennent alors modèle sur la différence sexuelle pour élaborer le concept de " race " : les Indiens Caraïbes ou les esclaves déportés seraient des populations au tempérament pathogène, efféminé et faible. Ce sont ces articulations entre genre, sexualité et race, et leur rôle central dans la formation de la Nation française qu'analyse Elsa Dorlin, au croisement de la philosophie politique, de l'histoire de la médecine et des études sur le genre. La Nation prend littéralement corps dans le modèle féminin de la " mère ", blanche et saine, opposée aux figures d'une féminité " dégénérée " – la sorcière, la vaporeuse, la vivandière hommasse, la nymphomane, la tribade et l'esclave africaine. Il apparaît ainsi que le sexe et la race participent d'une même matrice au moment où la Nation française s'engage dans l'esclavage et la colonisation.
Elsa Dorlin, professeure de philosophie à l'université Paris 8, est notamment l'auteure de La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française (La Découverte, 2006), Sexe, genre et sexualités. Introduction à la théorie féministe (PUF, 2008) et Se défendre. Une philosophie de la violence (Zones, 2017).
2006-10-31 - Cynthia Fleury - L'Humanité
La matrice de la race est une étude qui, dans la lignée du Black Feminism américain (dont Angela Davis est l'une des principales théoriciennes) se donne pour projet de réfléchir sur les rapports entre sexe et race.
2006-11-01 - Geoffroy de Lagasnerie - Têtu
Premier livre d'une nouvelle collection consacrée aux "genre et sexualité" aux éditions La Découverte, l'ouvrage d'Elsa Dorlin offre un exemple brillant et érudit de la raison d'être de leur étude.
2006-11-23 - Olivier Doubre - Politis
[...] l'ampleur de sa documentation et la puissance de ses analyses feront assurément de ce livre la matrice féconde d'un renouveau de la réflexion, tant sur le plan théorique que politique.
2006-11-30 - Didier Eribon - Le Nouvel Observateur
[...] un bel essai signé Elsa Dorlin.
2006-12-01 - Jean Birnbaum - Le Monde
Michel Foucault avait naguère montré que le sexe était moins une donnée anatomique qu'une construction sociale. Maître de conférences en philosophie à Paris 1, Elsa Dorlin révèle comment la naissance de la nation au XIXème siècle hérite des curieuses représentations du corps de la femme et de l'indigène.
2006-12-19 - André Masse-Stamberger - Le Quotidien du médecin
Par l'analyse fine des traités médicaux des XVII° et XVIII° siècles, Elsa Dorlin reconstitue la mécanique qui mène du sexisme au racisme, de la soumission des minorités exploitées par les Etats. Une édifiante relecture de l'histoire politique par l'histoire des sciences...
2007-02-01 - Pour la science
C'est un tour de force que réalise Elsa Dorlin dans cet ouvrage d'histoire et de philosophie des sciences en montrant comment, à partir de l'Age classique, le discours médical a pu fonder à la fois le rapport de domination sexiste, mais aussi racial. S'appuyant sur une abondante littérature médicale et adoptant une démarche foucaldienne, elle montre d'abord comment, de l'Antiquité jusqu'au XVIIe siècle, le corps des femmes est le modèle du corps malade. Cette conception pathologique du corps féminin justifie la domination masculine. Les choses changent au XVIIIe siècle avec la mise en place d'une politique nataliste qui va favoriser l'émergence d'une figure féminine incarnant la santé, la mère allaitante et aimante, laquelle renvoie au corps de la nation. Dans un second temps, l'analyse de la pensée raciale l'amène à montrer comment le discours médical justifiera la domination coloniale. Selon un mécanisme similaire, qu'E. Dorlin nomme " nosopolitique ", la médecine coloniale pense le corps des peuples dominés comme foncièrement malade, donc inférieur. On comprend alors le titre de son livre. S'il y a " matrice de la race ", c'est dans un double sens : un sens génétique, " la conceptualisation de la différence sexuelle étant le moule théorique de la différence raciale ", et un sens plus précis encore parce que " sexe et race ont une même matrice ", en l'occurrence, dans le discours médical de l'époque, le concept de tempérament et une certaine classification des pathologies
2007-03-01 - Catherine Halpern - Sciences Humaines
Voilà un ouvrage qui a de fortes chances de renouveler en profondeur nos représentations. [...] Avec cette forte démonstration, on a une éclatante réussite, fruit de l'agencement réalisé entre savoir philosophique et savoir historique. Rare.
2007-03-01 - F. D. - Vient de paraître
Elsa Dorlin, maître de conférences en philosophie à l'université Paris-1, réussit dans cette généalogie sexuelle et coloniale de la nation française le difficile exercice de produire une enquête historico-critique d'inspiration foulcadienne, établissant les liens entre les origines du sexisme et les théories rascistes qui ont légitimé la traîte des esclaves et la consolidation du nationalisme français.
2007-05-01 - Etienne Aucouturier - Études
Avec La matrice de la race, généaloge sexuelle et coloniale de la nation française, les éditions La Découverte lancent leur collection genre et sexualité, première en France à faire directement écho aux gender studies américaines, champ d'étude transdisciplinairequi entend traquer les inégalités sexuelles dans les moindres recoins des dictionnaires.
2007-12-01 - Peggy Smaïer - Chronic'art
La matrice de la race est un livre important. Il signale l'ouverture des sciences sociales françaises à la pluridisciplinarité, au thème de la construction de l'altérité et à la recherche universitaire américaine.
2007-12-03 - Anna Terwiel - La vie des idées
Le livre que nous propose Elsa Dorlin est à n'en pas douter un livre important. La démarche est originale et croise de façon inattendue, et finalement fertile, une approche très classique d'une "histoire des sciences" de tradition française telle qu'elle est écrite par les philosophes avec les apports empiriques, théoriques et critiques de travaux issus des gender and postcolonial studies.
2008-01-01 - Annales
Au croisement de l'histoire de la médecine, des études genre et des études postcoloniales, l'ouvrage d'Elsa Dorlin met en évidence le rôle des discours médicaux dans la généalogie d'une nation française envisagée sous l'angle des discriminations qui la constituent. L'auteure propose ainsi un modèle inédit de l'imbrication du genre et de la race dans la fabrique politique des corps des XVII° et XVIII° siècles. Ce modèle met en relation les différents usages de la notion de tempérament au sein d'une "matrice" épistémologique commune.
2008-01-01 - Agnese Fidecaro - Gesnerus
Comme le souligne Joan W. Scott dans sa préface au livre d'Elsa Dorlin, une des difficultés auxquelles l'histoire féministe continue d'être confrontée est celle de la description des relations qui unissent l'histoire de la sexualité à celle de la politique. Le plus souvent, cette histoire se donne pour objet celle de la domination masculine. Ici, Elsa Dorlin, dans un ouvrage issu de sa thèse de philosophie va bien au-delà d'une histoire des relations de pouvoir entre hommes et femmes, s'attachant à montrer comment la construction de la Nation française et celle du colonialisme au XVII° et XVIII] siècles sont liées à des conceptions du sexe et de la sexualité.
2008-04-01 - Marie Salaün - Travail, genre et sociétés
À la croisée des études féministes sur les sciences et de l'épistémologie historique, le travail de Dorlin s'appuie sur l'analyse très fine des traités médicaux et de récits de voyage des XVII° et XVIII° siècles. Le résultat est la construction rigoureuse d'une étonnante mécanique qui mène du sexisme au racisme. L'auteure décrit de manière érudite comment le concept de genre structure le sens de tout un ensemble de savoirs et de pratiques, en particulier comment la catégorisation sexuelle et raciale a hiérarchisé les groupes humains en instituant des rapports de domination. En démontrant une façon dont la science et la politique contribuent ainsi mutuellement à se former, cette "généalogie sexuelle et coloniale de la nation française" convaincra ceux qui doutaient du caractère indissociable de l'histoire des sciences et de l'histoire politique.
2009-01-01 - Jean-Claude Dupont - Histoire des sciences
Préface
Intdocution
I / Les maladies des femmes
1. Le tempérament
La fabrique du sexe - Les philosophies de l'égalité des sexes
2. La maladie a-t-elle un sexe ?
Engorgées, suffoquées, obsédées - L'hystérie : protée ou chimère ?
3. Des corps mutants : prostituées, Africaines et tribades
Un précédent : les " mules du démon " - Furieuses et fricatrices
4. Fureur et châtiments
De la fureur à la nymphomanie - Reféminiser les Européennes
II / L'engendrement de la nation
5. Les vapeurs de la lutte des classes
Les vigoureuses paysannes : un modèle transitoire de santé - Domestiques nymphomanes et bourgeoises hystériques
6. La naissance de la " mère "
L'élaboration d'un concept de santé féminine - La rhétorique féministe des médecins natalistes
7. Épistémologie historique des savoirs obstétriques
Matrones et sages-femmes - Secrets des femmes vs science obstétrique
8. Le lait, le sang, le sol
Une démiurgie monstrueuse : les nourrices - Du dépeuplement à la dégénérescence - Hybridité des peuples et marchés aux esclaves
III / La fabrique de la race
9. La Nation à l'épreuve des colonies
La question de l'autochtonie - Du corps colonial au corps national
10. Généalogie du racisme
L'émergence du concept moderne de la race - Du tempérament de sexe au tempérament de race
11. Les " maladies des nègres "
Médecine coloniale et médecine esclave - L'esclavage, un régime de santé - De la pathologisation à la racialisation
Épilogue : Défaire la race
Bibliographie
Index des notions.