Près d’un siècle après sa publication en allemand, La Domination est enfin disponible en traduction française, sur la base de l’édition critique de référence. Il s’agit d’une pièce fondamentale de la sociologie politique de Max Weber.
Ces manuscrits, rédigés avant la Première Guerre mondiale, sont fascinants par leur érudition et leur inventivité conceptuelle. C’est en les rédigeant que Weber forge des notions qui restent aujourd’hui encore des références incontournables pour toute sociologie politique : les trois modes de domination légitime, le passage de la domination des notables à la domination des partis de masse, l’opposition groupe de statut (Stand)/classe (Klasse), le patrimonialisme, la hiérocratie, la domination charismatique et le charisme de fonction n’en sont que les exemples les plus célèbres.
Weber se lance dans une sociologie historique comparative qui préfigure l’histoire globale. Brossant un tableau impressionnant par son ampleur de vue, l’auteur construit les idéaux-types des différents régimes de domination pour mettre le monde occidental moderne en perspective : les dominations bureaucratique, patrimoniale, féodale et charismatique sont ainsi passées en revue. Il étudie aussi les relations entre domination spirituelle et domination temporelle.
Cette sociologie historique place le projecteur « par en haut », adoptant le point de vue des dominants et de leur appareil de domination. Elle jette une lumière sans fard sur la réalité des rapports sociaux et pose en retour une série de défis : comment penser l’action des dominés ? Comment articuler le rôle de savant et celui de politique ? Comment bâtir des idéaux-types de la politique qui dépassent radicalement l’eurocentrisme ?
Max Weber (1864-1920), principal fondateur de la sociologie allemande, fait l'objet d'une redécouverte en France depuis quelques années. Il est notamment l'auteur de L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme et de Le Savant et le Politique. La Découverte s'est engagée depuis 2013 dans une série de traductions d'inédits et de retraductions dont Les Communautés est le troisième volume, après La Domination et La Ville. Il sera suivi en 2020 par un quatrième et dernier ouvrage : Sociologie.
09/01/2014 - Robert Maggiori - Libération
Peu de personnalités intellectuelles ont connu post mortem une destinée aussi tourmentée que celle du sociologue Max Weber (1864-1920). L'homme était austère et complexe : conservateur nationaliste pour les uns, prophète révolutionnaire du temps présent pour les autres. Il continue de fasciner. L'oeuvre, enrichie aujourd'hui d'une nouvelle traduction sous le titre La Domination, est à l'image de cette complexité : exigeante, foisonnante, procédant souvent par un système savant de variations autour de quelques thèmes, comme les conditions d'émergence du capitalisme moderne ou celles de la liberté personnelle dans un monde dominé par la bureaucratie. [...] La publication de La Domination est une excellente nouvelle !
10/01/2014 - Gilles Bastin - Le Monde des Livres
Au fond, l’organisation de l’Europe à socle franco-allemand, dont on nous vante (nous vend ?) aujourd’hui les mérites, aurait pu être confiée en un autre temps aux deux pères fondateurs de la science sociale opérant main dans la main, soit le Français Émile Durkheim et l’Allemand Max Weber. Durkheim plutôt progressiste et Weber plutôt conservateur (malgré sa femme militante féministe et prénommée… Marianne) : cela eût donné un beau duo. Encore aurait-il fallu marier deux conceptions méthodologiques bien différentes, même si la même inventivité inspirait l’une et l’autre. Mais, s’agissant du seul Weber et pour sortir de l’utopie rétroactive, réjouissons-nous de voir les éditions la Découverte donner aujourd’hui une traduction et édition critique de sa « sociologie de la domination ». Cette partie d’Économie et Société (Wirtschaft und Gesellschaft) qui, avec ses 400 pages, forme un chapitre du grand ensemble, n’existait pas en français jusqu’ici. La voilà à notre portée sous le titre de La Domination. C’est évidemment un ouvrage savant et qui fait état chez son auteur d’une immense culture, le voyant parcourir âges et civilisations. Mais c’est aussi un ouvrage qui nous intéresse tous — quitte à ce que nous le lisions parfois en diagonale— , et ce pour trois raisons : 1° le concept de domination wébérien a été repris depuis lors et avec éclat par Michel Foucault et par Pierre Bourdieu, se voulant dépassement des notions marxistes d’aliénation ou d’exploitation ; 2° la partie historique de l’ouvrage est foisonnante d’exemples magnifiques et parfois amusants (voir tel gardien de harem perçu comme haut fonctionnaire) ; 3° Weber nous y parle continument de politique même s’il préfère ne pas trop le laisser apparaître, préférant mener un travail distancié sur de grande formes sociales dont il ne perçoit les implications secondes que de loin.
21/01/2014 - Jacques Dubois - Mediapart
On n’en finit pas de redécouvrir Max Weber (1864-1920). S’ajoutant à des traductions récentes de son œuvre, la Domination constitue une pièce de choix. Cette section d’Économie et Société, rédigée il y a maintenant un siècle, n’était pas disponible en français. Elle délivre de nouveaux aspects de la pensée du grand sociologue allemand.L’ouvrage révèle une sociologie ambitieuse, à la fois très théorique et méticuleuse dans la description des faits de domination.
19/03/2014 - Arnaud Saint-Martin - L'Humanité
Quarante-trois ans après la première parution partielle d'Economie et société, voici enfin la traduction française des manuscrits de Max Weber qui viennent compléter ses premières analyses consacrées aux différentes formes de domination, un cas particulier du pouvoir, que l'auteur tenait pour " l'un des éléments les plus importants de l'agir communautaire ". S'appuyant sur une érudition historique impressionnante, couvrant aussi bien les aires européennes, qu'asiatiques ou arabes, l'auteur y développe les grands idéaux-types de domination déjà présentés par ailleurs : bureaucratique, patrimoniale, féodale et charismatique. Il les ramène à deux grandes formes polaires, la domination fondée sur une autorité et la domination en vertu d'une configuration d'intérêts - dont le cas le plus pur est la détention d'un monopole sur un marché. Emaillé de considérations nombreuses sur le capitalisme - avec l'opposition bien connue de Weber au matérialisme marxiste -, l'ouvrage pourra intéresser autant les économistes que les sociologues et les politistes, déjà familiers ou non de l'oeuvre de Max Weber. Et confirme, s'il le fallait, qu'il s'agit bien d'un classique.
01/05/2014 - Igor Martinache - Alternatives économiques