Comment avons-nous appris à nous souvenir ? Comment avons-nous développé la maîtrise des gestes simples, marcher, tenir une fourchette, enfiler une veste ? Nous l'ignorons, nous l'avons oublié.
Certaines maladies sabotent les plus anciennes de nos acquisitions. Pourtant, les personnes souffrant de telles pertes usent de ressources insoupçonnées pour garder l'unité de leur " soi ".
Le pari de l'auteur est de considérer la mémoire non pas comme quelque chose d'inné et de naturel mais comme un acquis, une conquête, le produit d'une " technologie " dont les modèles se transforment au cours de l'histoire. Des arts de la mémoire, cultivés jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, aux recherches actuelles sur l'intelligence artificielle et la génétique, en passant par les thérapies psychiques qui cherchent à débusquer les " secrets pathogènes ", nous avons toujours envisagé la question de la mémoire en la comparant à la technologie la plus en vogue : tablettes d'argile, peinture, bibliothèque, télégraphe, téléphone, ordinateur... Pour l'auteur, ces comparaisons ne sont pas sans effets. Elles révèlent ce qui est en jeu dans le choix des valeurs et de la destinée humaine. Les mystiques célébraient autrefois la Passion du Christ dans leurs propres chairs, se faisant mémoire et parchemins vivants sous le poinçon des stigmates. Aujourd'hui nous concevons l'homme comme une machine intelligente, nous fabriquons ses prothèses cognitives et préparons pour demain les modules implantables de mémoires artificielles que son cortex accueillera.
Dans ce voyage vertigineux à travers l'exploration de modèles éphémères, nous assistons à des " crimes psychiques ". Ceux qui résistent en pratiquant les anciens arts de la mémoire sont détruits. Maintenant que nous avons découvert la mémoire millénaire inscrite dans l'ADN, nous cherchons, non sans dangers, à la modifier.
" Comment avons-nous appris à nous souvenir ? Nous effectuons des gestes simples - marcher, courir, lire ou écrire - sans avoir besoin de nous les rappeler, ni même sans savoir comment nous nous les rappelons. La mémoire agit secrètement et pourtant elle n'aurait rien d'inné, elle serait un acquis, une conquête, constamment remodelée par les technologies de chaque époque, pour le meilleur et peut-être bientôt le pire. C'est la thèse que défend Christine Bergé, philosophe et anthropologue, auteur de cet ouvrage. "
LA RECHERCHE
2024-11-27 - PRESSE
I / Une architecture bio-technique
1. Je me souviens, j'ai oublié, donc je suis
2. La persévérance
3. La mémoire n'est pas notre propriété
4. Technologies de la mémoire
5. Raison humaine et prothèses cognitives
6. Nous fûmes reptiles puis mammifères : archéologies de la mémoire
7. Tablettes de cire, rayons de miel
II / Mémoire et métamorphose de soi
8. Descartes : l'usage des " machines mnémoniques "
9. La construction du temps : rythme et symbole
10. Construction de soi, passage par l'Autre
11. Oublis de soi, qui est l'autre ?
12. Puységur : comment accéder à la mémoire secrète
13. Le poids des ancêtres
14. Les mémoires du chagrin
III / Les mémoires occultes
15. L'enfance de l'esprit
16. Hérédité, sombres climats
17. Les enjeux de l'amnésie
18. Doubles personnalités, mémoires doubles
19. Mémoires du passé, visions d'avenir
20. La femme-qui-dort
IV / Archéologie des écritures
21. Hystéro-graphies
22. Écritures du sang, de la foudre, de la lumière
23. La mystique, un art de la mémoire
24. Archives du corps et de l'esprit
25. Empreintes et changement
26. Les écritures moléculaires
V / Enjeux d'avenir sans illusion
27. L'esprit humain : genèse et acquisition
28. Traces, héritages, nostalgies
29. À la recherche du trauma perdu
30. Pédagogie de la mémoire
31. La technique du cadavre exquis
32. Mémoires mortes, faux souvenirs
Conclusion
Remerciements