Partout dans le monde, des mouvements contestent l'appropriation par une petite oligarchie des ressources naturelles, des espaces et des services publics, des connaissances et des réseaux de communication. Ces luttes élèvent toutes une même exigence, reposent toutes sur un même principe : le  commun. 
 Pierre Dardot et Christian Laval montrent pourquoi ce principe s'impose aujourd'hui comme le terme central de l'alternative politique pour le XXIe siècle : il noue la lutte anticapitaliste et l'écologie politique par la revendication des " communs " contre les nouvelles formes d'appropriation privée et étatique ; il articule les luttes pratiques aux recherches sur le gouvernement collectif des ressources naturelles ou informationnelles ; il désigne des formes démocratiques nouvelles qui ambitionnent de prendre la relève de la représentation politique et du monopole des partis. 
 Cette émergence du commun dans l'action appelle un travail de clarifi cation dans la pensée. Le sens actuel du commun se distingue des nombreux usages passés de cette notion, qu'ils soient philosophiques, juridiques ou théologiques : bien suprême de la cité, universalité d'essence, propriété inhérente à certaines choses, quand ce n'est pas la fin poursuivie par la création divine. Mais il est un autre fil qui rattache le commun, non à l'essence des hommes ou à la nature des choses, mais à l' activité des hommes eux-mêmes : seule une pratique de mise en commun peut décider de ce qui est " commun ", réserver certaines choses à l'usage commun, produire les règles capables d'obliger les hommes. En ce sens, le commun appelle à une nouvelle institution de la société par elle-même : une  révolution. 
 
                
 
                                            Pierre Dardot est philosophe et chercheur à l'université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense.

 
                                            Christian Laval est sociologie, professeur émérite de sociologie à l'université Paris-Nanterre.


2014-04-06 - Jean-Christophe Féraud - Libération
Le format de ce compte rendu ne nous a permis de rendre justice ni à la quantité des textes et des positions philosophiques et politiques que les auteurs discutent, ni à la richesse de la documentation, notamment juridique, sur laquelle ils s'appuient. L'une et l'autre participent cependant des mérites de ce volumineux ouvrage, qu'on peut avec quelque raison estimer très important, et qui bénéficie, en outre, d'une qualité de rédaction assez exceptionnelle.
2014-04-18 - Paul Sereni - Liens socio
Les mouvements sociaux apparus à l'échelle du monde depuis le début des années 2000 ont remis l'idée du "commun' au cœur des luttes politiques alternatives. En partant de ce foisonnement militant, le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval prolongent avec leur livre Commun - Essai sur la révolution au XXIe siècle, leur critique du néolibéralisme en définissant une nouvelle pensée du commun. Une invitation au dépassement du capitalisme et à la réappropriation collective des biens et services.
2014-04-30 - Jean-Marie Durand - Les Inrockuptibles
La révolution, idéal ringard pour communistes nostalgiques ? Pas si sûr. Tout dépend du moteur qui l'anime. Avec le " commun " compris comme principe politique, Pierre Dardot et Christian Laval entendent poser les conditions de possibilité de " l'émergence d'une nouvelle façon de contester le capitalisme, voire d'envisager son dépassement ". De l'idée de commun forgée par Antonio Negri et Michael Hardt, et devenue un peu fourre-tout, les auteurs préfèrent une conception plus stricte : un commun au singulier, à ne pas confondre avec les biens communs (l'eau, l'air) relevant de l'économie, ou les communs (les objets utilisés par tous comme Internet) qui en découlent. La réflexion est dense, fournie, enthousiasmante, s'appuyant aussi bien sur les récents " mouvements des places " et " printemps des peuples " que sur les auteurs classiques. Aristote fournit la définition du commun comme pratique consistant à produire, par le fait même de vivre ensemble, une législation et des règles de vie s'appliquant à tous ceux qui poursuivent la même fin. Dardot et Laval en font une dynamique, une " co-activité ", donc une forme de rationalité issue de ses acteurs mêmes. Ce mot si... commun pourrait bien devenir la clé d'une société non plus de consommateurs ou d'usagers, mais de " coproducteurs qui œuvrent ensemble en se donnant eux-mêmes des règles collectives ", des règles créant une " nouvelle raison politique " à substituer à la raison néolibérale triomphante.
2014-05-01 - Victorine de Oliveira - Philosophie Magazine
Avec cet " essai sur la révolution au XXIe siècle ", Pierre Dardot et Christian Laval mettent en exergue la force et la richesse de la revendication du ou des " commun(s) ", synthèse entre anticapitalisme, écologie politique et forme démocratique d'un " autogouvernement collectif " en vue d'une société nouvelle.
2014-05-08 - Olivier Doubre - Politis
Le livre de Pierre Dardot et Christian Laval introduit en France la question du " commun " qui était jusqu'ici absente du débat hexagonal, alors qu'elle irrigue depuis les premiers travaux d'Elinor Ostrom il y a vingt ans le champ des sciences humaines anglo-saxonnes. Commun est d'abord une impressionnante synthèse d'un grand nombre de travaux de sociologie, d'économie, de droit, d'anthropologie et de philosophie qui ont pris le " commun " pour objet ces deux dernières décennies. Mais le livre est surtout un effort philosophique d'élaboration originale du concept de " commun ". Son apport majeur est de faire du commun un objet de réflexion directement politique, et pas seulement économique ou juridique. Il ne se présente donc pas comme une réflexion purement abstraite, mais comme une tentative pour proposer un cadre théorique à différents mouvements qui depuis les années 1990 ont donné une dimension directement politique à la problématique du commun dans le cadre de luttes contre les politiques néolibérales. Commun marque ainsi un nouvel âge des travaux sur le néolibéralisme : le temps de l'analyse critique semble être terminé pour laisser place à celui de la construction de propositions alternatives. Mais c'est aussi une réflexion sur le socialisme qui trouve dans le commun une voie nouvelle pour l'émancipation sur la base d'un bilan sans concession de l'échec du communisme d'État. Le concept de " commun " se trouve ainsi à la croisée d'une alternative au néolibéralisme et d'une rupture avec le communisme.
2014-11-21 - Pierre Sauvêtre - La vie des idées



Introduction. Le commun, un principe politique
 La tragédie du non-commun
 L'émergence stratégique du commun
 
1. Archéologie du commun
 La co-activité comme fondement de l'obligation politique
 Le commun, entre l'étatique et le théologique 
 La réification du commun
 Le commun, entre le vulgaire et l'universel
 Commun et praxis
 
I / L'émergence du commun
 2. L'hypothèque communiste, ou le communisme contre le commun
 Le communisme de la " communauté de vie "
 Le communisme de l'" association des producteurs "
 Le communisme d'État, ou la capture bureaucratique du commun
 L'État-Parti, instrument d'imposition de la logique productiviste
 Le commun de la démocratie contre le commun étatique de production
 Libérer le commun de sa capture par l'État
 
3. La grande appropriation et le retour des " communs "
 La nouvelle " enclosure " du monde
 Le paradigme de l'" enclosure des communs "
 Un renouveau des luttes contre le néolibéralisme
 Droit de propriété et concurrence par l'innovation
 La revendication des communs contre la " propriété intellectuelle 
 Le " grand récit " de l'expropriation des communs
 L'impérialisme comme exacerbation de la violence capitaliste
 La " dépossession " comme mode d'accumulation typique du capitalisme financier
 Les limites du paradigme de l'" enclosure des communs "
 
4. Critique de l'économie politique des communs
 " Biens privés " et " biens publics "
 La découverte des " biens communs 
 Le débat autour de la " tragédie des communs "
 L'institution au cœur des communs
 Le " cadre analytique " des communs
 Limites de l'analyse institutionnelle des communs
 D'un commun, l'autre
 La connaissance est-elle naturellement commune ?
 " Les bases constitutionnelles " des communs de la connaissance
 Une nouvelle éthique généralisable ?
 " Libre " et " commun "
 L'illusion du " communisme technologique "
 Les " communs de la connaissance " vus depuis le capital
 
5. Commun, rente et capital 
 Définir le commun
 Capitalisme cognitif, rente et vol
 Proudhon : le commun comme force sociale spontanée
 Marx : la production historique du commun par le capital
 Commun du capital et commun ouvrier
 Sortir des deux modèles
 
II / Droit et institution du commun
 6. Le droit de propriété et l'inappropriable
 L'activité de " mettre en commun " (
koinônein) comme institution du commun (
koinôn) " L'illusion de la propriété collective archaïque "
 L'avènement de l'individualisme propriétaire
 La " 
summa divisio " (" division suprême ") : droit public et droit privé
 Le domaine public, la propriété de l'État et la " 
res nullius "
 Usage et administration de l'indisponible
 Primauté des pratiques créatrices de droit sur l'État
 Le commun de l'" être-en-commun " et le commun de l'" agir commun "
 
7. Droit du commun et " droit commun " 
 Un mythe national : la " continuité organique " de la 
Common Law 
 Une référence fondatrice : la 
Magna Carta 
 La 
Magna Carta : un document en attente d'accomplissement ?
 Coutume, commun, 
Common Law 
 La " guerre de la forêt " et le
 Black Act (1723)
 La coutume comme lieu d'un conflit
 
8. Le " droit coutumier de la pauvreté " 
 Une " loi " contraire au " droit rationnel "
 " Coutumes de la pauvreté " contre " coutumes des privilégiés "
 Quel fondement juridique pour les coutumes de la pauvreté ?
 " Pauvreté physique " et " pauvreté humaine "
 L'" instinct juridique " des pauvres
 L'" activité " comme fondement du droit des pauvres
 L'hétérogénéité irréductible des coutumes de la pauvreté
 Le communisme des pauvres, obstacle au progrès ?
 
9. Le commun des ouvriers : entre coutume et institution
 Coutumes et créations institutionnelles
 L'institution de la force collective
 La " constitution sociale "
 Le fédéralisme comme organisation sociale et politique
 Le " droit prolétarien "
 La coopération socialiste de Mauss et de Jaurès
 Transformer les hommes en transformant les pratiques sociales
 Que reste-t-il du commun des ouvriers ?
 
10. La praxis instituante
 La réduction sociologique de l'institution à l'institué
 Institution, souveraineté, autorité
 Institution et pouvoir constituant
 Pouvoir instituant et imaginaire social
 Praxis et création
 La praxis instituante
 La praxis comme co-institution des règles
 
III / Propositions politiques
 
Proposition politique 1. Il faut construire une politique du commun
 
Proposition politique 2. Il faut opposer le droit d'usage à la propriété
 
Proposition politique 3. Le commun est un principe de libération du travail
 
Proposition politique 4. Il faut construire l'entreprise commune
 
Proposition politique 5. L'association dans l'économie doit préparer la société du commun 
 
Proposition politique 6. Le commun doit fonder la démocratie sociale
 
Proposition politique 7. Les services publics doivent devenir des institutions du commun 
 
Proposition politique 8. Il faut instituer les communs mondiaux
 
Proposition politique 9. Il faut instituer une fédération des communs 
 
Post-scriptum sur la révolution au XXIe siècle
 Retrouver la grandeur de l'idée de " révolution "
 La révolution comme " auto-institution de la société "
 Instituer l'inappropriable 
 
Index des principaux noms.