Hommage à Jean-Paul Deléage

Jean-Paul Deléage est décédé le 30 octobre dans sa 83e année. Agrégé de sciences physiques, il avait soutenu une thèse sur l’histoire de l’écologie au CNAM, sous la direction de Jean-Jacques Salomon. Engagé syndicalement et politiquement dès le lycée, au moment de la fin de la guerre d’Algérie et de la décolonisation, longtemps au SNESUP et à la LCR, il prend conscience de la question écologique dans les années 1970 : d’abord en s’intéressant au mouvement antinucléaire allemand, puis en participant au comité anti-amiante de Jussieu, l’année où René Dumont s’est présenté à la présidentielle (1974). Cela le conduit à se réorienter à la fois politiquement et intellectuellement : il adhère aux Amis de la Terre et entreprend des recherches sur l’histoire de l’énergie. De ce travail résulte un livre, coécrit avec Jean-Claude Debeir et Daniel Hémery, publié en 1986 chez Flammarion : Les Servitudes de la puissance. Une histoire de l’énergie.

Il s’engage alors dans l’équipe de campagne de Pierre Juquin. La ligne est claire : créer un mouvement « rouge-vert », qui marche sur ses deux pieds, ne dissociant pas la question écologique de la question sociale (ce qu’avait déjà très bien illustré la lutte pour les travailleurs victimes de l’amiante). Après cet échec électoral, il rejoint Les Verts. En 1991, les Éditions La Découverte publient son Histoire de l’écologie. En 1992, il crée avec Frédéric Brun la revue Écologie et Politique, dans l’intention d’armer théoriquement et scientifiquement les écologistes.

Nous conservons le souvenir de sa contribution à la première édition du Nouveau Manuel de sciences économiques et sociales et de sa participation active au comité éditorial de la collection « Repères », à laquelle nous devons le lancement de la série consacrée à l’Écologie.

Jean-Paul Deléage appartenait à la génération dont la formation politique eut lieu pendant la guerre d’Algérie. Au sein de cette génération, il fut de ceux qui prirent conscience, dans les années 1970, de l’incompatibilité entre la mondialisation de notre mode de développement et la sauvegarde d’un environnement humainement viable. L’avertissement n’a pas été entendu.

La relecture de son texte publié dans le Nouveau Manuel, en 1995, l’année du deuxième rapport du GIEC, confirme que l’essentiel était déjà connu, et même enseigné à des élèves de terminale (un encadré est par exemple consacré à l’effet de serre).

En 2002, il a soufflé à Jacques Chirac cette phrase devenue célèbre : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Plus de vingt ans après, qu’est-ce qui a changé ?

Avec quelques autres, Jean-Paul Deléage a fait ce qu’il pouvait pour nous convaincre de la nécessité d’« inventer un mode de gouvernement fondé sur une nouvelle éthique de la solidarité humaine et de la responsabilité à l’égard de la nature ».

 

Pascal Combemale