Communiqués

À la suite de l’article « L’étrange myopie des manuels d’économie », publié dans le numéro de septembre de L’Expansion, François Gèze a écrit au directeur de la rédaction
par François Gèze

03 octobre 2002

Lettre de La Découverte à l’Expansion

Paris, le 18 septembre 2002


Monsieur le Directeur,
J’ai pris connaissance avec intérêt, mais aussi avec quelque surprise, de l’article consacré à « L’étrange myopie des manuels d’économie », dans votre numéro de septembre.
La phrase suivante, qui concerne directement notre maison, m’a notamment fait sursauter : « Sur le terrain, le parti pris antilibéral des enseignants s’atténuerait avec le temps […]. Pour preuve, le succès rencontré par le nouveau manuel des Éditions La Découverte, qui en ont confié la rédaction à 40 économistes et sociologues représentatifs des principaux courants de pensée contemporaine, plutôt qu’à des enseignants. Depuis sa sortie en 1999, il s’est vendu à 17 500 exemplaires. »

Beaucoup d’inexactitudes en peu de mots pour un article surtitré «enquête». Je me dois de les rectifier, en espérant qu’il vous sera possible d’en faire part à vos lecteurs.
La Découverte a confié à deux enseignants le soin de diriger ce Nouveau manuel de sciences économiques et sociales de terminale , publié en 1995 et vendu depuis à plus de 42 000 exemplaires : Pascal Combemale, professeur de sciences économiques et sociales (SES) pendant quinze ans au lycée d’Argenteuil, puis à Henri IV, a réuni et animé une équipe de professeurs de SES de lycée qui a confectionné les quelque 90 dossiers documentaires du manuel ; Jean-Paul Piriou, maître de conférences d’économie à l’université Paris-I et directeur de la collection « Repères », a fait rédiger quelques dizaines de synthèses à 40 économistes et sociologues universitaires ou chercheurs (presque toujours enseignants), dont la plupart avaient déjà manifesté leur aptitude à concilier rigueur scientifique et accessibilité en signant un « Repères ». Ces textes ont été rédigés à partir de cahiers des charges définis par les professeurs de SES auteurs du manuel et ils ont souvent été plusieurs fois réécrits en fonction des réactions de ces enseignants expérimentés.
Autrement dit, ce manuel de La Découverte ne manifeste aucune méfiance à l’égard d’enseignants de SES qui seraient par nature « antilibéraux » (fantasme récurrent d’une bonne partie du patronat) ; il correspond au contraire à une passionnante et fructueuse collaboration entre professeurs de lycée, universitaires et chercheurs (le pouvoir restant à ceux qui ont vocation à utiliser le livre avec leurs élèves). Et si, comme l’affirme sans détour votre article, le fait de citer Le Monde ou Alternatives économiques est un critère d’« antilibéralisme », alors le manuel de La Découverte l’est au moins autant que les autres (et nous aggravons notre cas, puisque toutes ses illustrations sont de Plantu…). D’ailleurs, en lisant attentivement Alternatives économiques, vous y retrouverez à peu près tous les signataires des textes originaux de ce Nouveau manuel.

Enfin, permettez-moi d’ajouter que c’est plutôt l’auteur de votre article qui fait preuve d’une singulière « myopie » en prétendant dénoncer celle des manuels de sciences économiques et sociales, beaucoup plus pluralistes que vous ne l’indiquez. Et que depuis Adam Smith, dont la hantise principale était l’alliance des marchands et du pouvoir politique, il est parfaitement saugrenu de confondre le libéralisme économique et la défense des intérêts des entreprises — but légitime en soi, mais qui n’a rien à voir avec l’enseignement des sciences économiques et sociales au lycée. Quant à penser, comme vous l’indiquez, que le pluralisme de cet enseignement pourrait être défendu par un site Internet qui est explicitement l’émanation du patronat, cela fait un peu sourire…

Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur, à l’expression de mes sentiments distingués.

François Gèze
Directeur général


Réponse de L’Expansion à La Découverte



A l’attention de Monsieur François Gèze
Editions de La Découverte


Paris, le 23 septembre 2002

Monsieur,
Le directeur de la rédaction de L’Expansion m’a transmis votre courrier concernant l’article intitulé « L’étrange myopie des manuels d’économie », et votre réaction m’a étonnée à plusieurs titres.
http://www.lexpansion.com/art/61715.html.

Le chiffre de vente de 17 500 exemplaires qui figure dans cet article m’a été communiqué par votre service de presse. Je suis désolée que l’on m’ait communiqué un chiffre visiblement erroné, bien loin, en outre, de la réalité.
D’autre part, il me semble que vous vous méprenez sur la démarche de mon article dont l’angle est bien le contenu des manuels scolaires. Il ne s’agit en aucun cas d’une remise en question ni d’une attaque indirecte visant la discipline SES, les enseignants, et encore moins leurs pratiques. L’enseignement des sciences économiques et sociales dans les classes est un autre sujet. Surtout, il est à mon sens aussi varié et multiple qu’il existe d’enseignants en France.
En outre, le propos de cet article n’était absolument pas de s’aventurer dans un débat -forcément stérile en l’occurrence - sur le fond (libéral ou non, anti mondialisation ou non etc…). Il s’agit bien d’un plaidoyer en faveur du pluralisme, du débat d’idées, de la formation des « esprits critiques » que revendiquent précisément les enseignants de SES. Un plaidoyer qui se heurte à une surprenante unicité des sources. J’ai apprécié le manuel de La Découverte, mais aussi le site Melchior ou encore le dernier ouvrage édité par Bréal car ces outils, chacun à sa manière, renouvellent le genre, multiplient les sources d’informations et les points de vue, donnent la parole aux acteurs de l’économie contemporaine, ou mettent en avant ses penseurs et théoriciens, dans le cas de l’ouvrage que vous éditez.
Le Nouveau manuel m’a d’ailleurs été vivement recommandé par plusieurs enseignants et inspecteurs pédagogiques régionaux qui me l’ont présenté comme une « autre manière de traiter les programmes de SES ». Permettez-moi donc de m’étonner que vous lui contestiez cette fonction d’ouverture.

Totalement disposée à échanger de vive voix sur le sujet avec vous, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes cordiales salutations.

Laure Dumont

 

contact : Pascale Iltis
Éditions La Découverte
9 bis, rue Abel-Hovelacque - 75013 Paris tél : 01 44 08 84 21
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