" Partant de l'impact qu'a eu l'écrit sur l'esprit des laïcs à la fin du XIIe siècle, nous en sommes venus à nous interroger sur deux questions actuelles : la portée des campagnes d'alphabétisation alors que croît le nombre de ceux qui demeurent fonctionnellement illettrés, et l'effet, sur leur perception de la réalité, qu'a eu chez nos collègues la théorie de la communication qui ne fait plus de la langue qu'un code. Comprendre ce que fut il y a huit siècles l'impact du parchemin et du sceau, de l'encre et de la plume, sur la vision du monde conduit à un paradoxe : l'alphabétisme n'est pas moins menacé, de nos jours, par l'enseignement que par la communication. Les techniques qui ont composé l'écriture alphabétique (consonnes, voyelles, séparations entre les mots, paragraphes, titres) se sont constituées historiquement. Certains concepts qui ne peuvent exister sans référence à l'alphabet - pensée et langage, mensonge et mémoire, traduction et, surtout, le moi - se sont développés parallèlement à ces techniques de l'écriture. Puisque ces catégories ont une origine, elles peuvent aussi avoir une fin. Ancrés sur la terre de l'écrit, nous discernons deux fractures épistémologiques : l'une nous coupe du domaine de l'oralité, l'autre, qui s'élargit pour nous engloutir, assimile les lettres à des " bits " d'information, dégradant ainsi la lecture et l'écriture. "
Avant-propos
1. Les mots et l'histoire
2. La mémoire
3. Le texte
4. Traduction et langage
5. Le moi
6. Contre-vérité et narration
7. De la langue maternelle inculquée au newspeak et à l'Uniquack
Postface : le silence et le nous
Bibliographie.