" 80 % d'une génération au bac " : ce mot d'ordre, lancé en 1985 comme objectif de l'enseignement secondaire français, fait l'objet d'un consensus politique, satisfaisant le progressisme de la gauche enseignante et le pragmatisme des gouvernements qui ont vu là un moyen de juguler le chômage de masse des jeunes. Ce slogan a nourri les espoirs d'une possible promotion sociale pour les enfants de familles populaires, en particulier immigrées, dans un contexte d'insécurité économique et sociale croissante. Dans ce livre nourri d'une enquête de dix années, Stéphane Beaud raconte, à travers les portraits de jeunes d'un quartier HLM à forte composante immigrée, les illusions et les désillusions de ces " enfants de la démocratisation scolaire ", engagés dans la voie incertaine des études longues. Il montre comment ils ont dû déchanter alors qu'ils se voyaient peu à peu relégués dans les filières dévalorisées du lycée et du premier cycle universitaire. L'auteur met ainsi en lumière l'ambivalence de la politique volontariste de démocratisation scolaire : d'un côté, une élévation globale du niveau de formation et une forme de promotion sociale pour certains et, de l'autre, un coût moral et psychologique important, voire dramatique, pour ceux qui se retrouvent fragilisés par leur échec universitaire et confrontés au déclassement social.
Sociologue, Stéphane Beaud, est professeur de science politique à Sciences Po Lille, membre du Ceraps. Il a notamment publié, à La Découverte, Guide de l'enquête de terrain (avec Florence Weber, 1997), Retour sur la condition ouvrière (avec Michel Pialoux, 2012 ; 1re éd. Fayard, 1999), 80 % au bac, et après ? (2002, 2005), Pays de malheur ! (avec Younès Amrani, 2004, 2005).
Remerciements
Introduction générale
" Nous, les enfants de la démocratisation... "
Une démocratisation scolaire ségrégative
La réinterprétation des " 80 % au bac " par les familles populaires
Les conséquences des " 80 % au bac " sur le système éducatif
Des " boursiers " aux " malgré nous " des études longues
Rapport à la culture et rapport au quartier
Le terrain et l'enquête
Présentation du terrain
I / Lycéen de " cité "
S'en " sortir " par l'école
1. Collégiens de ZEP, lycéens de " première génération "
Une " bonne ambiance ", au détriment du travail scolaire...
Le " bèpe " ou la seconde ? Ou la pression du groupe des pairs...
Le traumatisme de l'entrée en seconde
Une carrière scolaire par raccroc ou le salut provisoire par les langues
Conclusion
2. Deux lycées face à la démocratisation scolaire
Un lycée " bourgeois " en crise de croissance
Un lycée figé face à la " démocratisation "
Le lycée de la ZUP ou le choix de l'accueil des " nouveaux lycéens "
Un établissement attractif pour les filles de Granvelle
Le " bon prof " et le " mauvais prof "
La classe comme médiation de l'acculturation scolaire
3. Le quartier, entre attachement et rejet
Habiter un lieu stigmatisé...
" S'adapter " au lycée, apprendre les " bonnes manières "...
L'isolement des filles, la force collective des garçons...
Sofiane : réussir au lycée et fuir le quartier
Nassim : " vivoter " au lycée et se replier sur le quartier
Hocine : " Moi, je suis moitié-moitié ", un cas de double identité territoriale
Déstabilisation scolaire et relégation résidentielle
Conclusion
Et après le bac ?
II / Quatre copains à la fac
Portrait de groupe
4. Perdus à la fac
La fac par défaut et le choix de la proximité
La perte des repères
Une culture universitaire " écrasante "
L'eldorado de la " bourse "
" Y a pas de différence entre un lycéen et un étudiant... "
Conclusion
5. La révision des examens : " Ça passe ou ça casse ! "
La négociation de l'aide scolaire
Le désarroi de Nassim
" Ça passe ou ça casse ! "
Les scansions temporelles du quartier
Conclusion
6. Le repli sur le quartier
Préserver l'unité du groupe
Le duo Nassim-Sabri : conquérir l'estime de l'enquêteur
Après les examens écrits, le groupe réunifié
La " décompression " et le retour à la normale
Après les résultats, le temps des plaidoyers
Le rapport contradictoire au quartier
Un après-midi sur la place du quartier
Épilogue
D'un étudiant à l'autre
III / Les incertitudes de la transition professionnelle
Le groupe éclaté
7. Le rêve de devenir fonctionnaire
" Piétinement " dans les études supérieures et tâtonnement professionnel
Face aux concours de la fonction publique, une autodidaxie sur le tard...
Les attaches du quartier et la gestion de la pression familiale
L'échec aux concours administratifs et la peur du déclassement
Les deux pièges de la fac et du " pionnicat "
Le rêve déçu des " enfants de la démocratisation "
La force de rappel du quartier
Épilogue
8. L'échec à la fac et la précipitation dans le mariage
Tourner la page de la fac : la précipitation dans le mariage...
Le retour vers l'Algérie, " patrie imaginaire "...
Le mariage " au bled " et, deux ans après, le divorce
L'analyse rétrospective de sa vie de couple
9. Emploi-jeune à vie ?
L'emploi-jeune : une planche de salut...
La socialisation professionnelle d'un aide-éducateur
Un outsider dans le milieu enseignant
L'éloignement du quartier
L'avenir : emploi-jeune à vie ?
Des bacheliers à l'usine
Conclusion générale
Le poids des déterminismes sociaux
Les effets ambivalents de la politique des " 80 % au bac "
Les contradictions du système d'enseignement supérieur
" Démocratisation scolaire " et mutations du système productif
Les effets en cascade sur les enfants de " cité "
Postface à l'édition de 2003
Une " fâcheuse coïncidence "
Sociologie de l'école et sociologie du monde ouvrier
Et les filles ?
Les vertus du courrier électronique
Bibliographie.