La police de l'écriture
L'invention de la délinquance graphique (1852-1945)

Philippe Artières

Au tournant des XIXe et XXe siècles, les écrits présents dans l'espace urbain deviennent un objet d'attention privilégié pour les policiers. Ceux-ci se mettent en effet à lire les affiches, à noter et effacer les graffitis ou les billets illicites, à décrire en détail les fragments d'écriture trouvés sur les murs ou dans les lieux publics... Doté tout à coup d'une puissance subversive, l'écrit devient une composante de la société sur laquelle il faut veiller. De cette invention de l'écriture dangereuse naît et se développe un savoir policier inédit, qui va connaître son apogée dans l'entre-deux-guerres avec la figure emblématique d'Edmond Locard.
À partir d'une plongée dans les archives, et en s'appuyant sur la pensée de Michel Foucault, cet ouvrage souhaite reconstituer la naissance et l'évolution de ce regard policier sur l'écriture. Le lecteur est ainsi invité à suivre ces policiers de l'écrit dans leur travail quotidien, en passant au ras des palissades, en entrant dans les laboratoires de police scientifique, en regardant dans les microscopes...
C'est donc à une histoire de l'écriture et de la lecture par la marge que nous convie Philippe Artières, poursuivant ici son travail d'exploration de l'histoire de l'écriture contemporaine et des pouvoirs de l'écrit dans nos sociétés modernes.


Version papier : 17.00 €
Version numérique : 12.99 €
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Détails techniques
Collection : Sciences humaines
Parutions : 17/10/2013
ISBN : 9782707169372
Nb de pages : 184
Dimensions : 13.5 * 22.0 cm
ISBN numérique : 9782707178534

Philippe Artières

Philippe Artières

Philippe Artières est historien, directeur de recherches au CNRS. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Le Livre des vies coupables (Albin Michel, 2000), Vidal, le tueur de femmes, avec Dominique Kalifa (Perrin, 2001), et à La Découverte, Clinique de l'écriture (poche, 2013), La Police de l'écriture (2013) et 68, une histoire collective, avec Michelle Zancarini-Fournel (réédition 2018).

Extraits presse

Tout ce qui s'écrit intéresse Philippe Artières. Dans Clinique de l'écriture, son premier livre publié en 1998 (réédité au même office en "Découverte poche", 264 p., 11 euros), il expliquait comment la médecine avait cherché à discerner le pathologique dans les mots et dans leurs graphies. L'historien, directeur de recherche au CNRS, sonde en effet depuis longtemps l'espace urbain pour voir comment les mots apparaissent sur les banderoles, les murs ou même la peau sous forme de tatouages. La police de l'écriture dont il est ici question apparaît au tournant des XIX° et XX° siècles. Au moment de la vague des attentats anarchistes, on trouve des messages anonymes comme celui-ci: "Voici l'échantillon de la poudre qui vous transformera en chair à saucisse pour notre triomphe. Un ami de Ravachol." Sur les palissades, des inscriptions à la craie comme "Du pain ou du plomb" sont vite effacé par les gardiens de la paix. La police porte ainsi un nouveau regard sur ces mots de contestation. La surveillance ne suffit plus. Il lui faut aussi surveiller cette délinquance verbale dans la ville. Pour cela, elle en vient à étudier scientifiquement ces écritures anonymes dont la puissance subversive n'échappe pas à l'Etat. Philippe Artières nous conduit de Paris à Lyon, dans le laboratoire d'Edmond Locard, l'un des piliers de la police scientifique de l'entre-deux-guerres, qui avait pris pour modèle Sherlock Holmes. L'homme était une sommité de la police de l'écriture, un expert de la lettre anonyme, et un jeune romancier qui l'admirait particulièrement lui adressait volontiers ses ouvrages dans les années 1940. "J'ai le plaisir de soumettre une fois de plus à votre indulgence critique un petit dernier, en m'excusant peut être pour le pessimisme qu'il contient." Il s'appelait Frédéric Dard... Dans le sillage d'un Michel Foucault, voici donc un travail savant et savoureux qui se distingue par son originalité. Il y a toujours quelque chose d'excitant dans l'approche de Philippe Artières, qui tient en grande partie à sa façon d'observer nos sociétés modernes et à traquer le sens derrière les signes.

2013-10-04 - Laurent Lemire - Livres Hebdo

 

Aborder les grandes mutations par le biais de l'écrit. Non pas des écrits ou de leur contenu, mais des regards qui se sont portés sur l'écriture. Tel est le singulier projet de l'historien Philippe Artières, directeur de recherche au CNRS, qui après s'être attaché à la médicalisation de l'écriture détaille dans Police de l'écriture, l'émergence d'un regard policier sur l'écrit au XIX° siècle. Où l'on comprend, entre autres choses, comment l'espace urbain que nous habitons a été façonné par ce rapport, et pourquoi notre société ne croit plus aux pouvoirs "magiques" de l'écrit.

2013-10-05 - Eisabeth Franck-Dumas - Next

 

L'écrit urbain aurait-il perdu sa puissance subversive ? Il fut un temps où il faisait l'effet d'une bombe, comme ce billet anarchiste des années 1890 : " Voici l'échantillon de la poudre qui vous transformera en chair à saucisse pour notre triomphe. Un ami de Ravachol. " Au tournant des XIXe et XXe siècles, les inscriptions de ce genre se multipliaient dans la ville, changeant Paris en un dangereux palimpseste, toile de fond de La Police de l'écriture. L'invention de la délinquance graphique (1852-1945). Dans ce nouvel essai, Philippe Artières traque, en historien-enquêteur, la constitution d'un savoir policier sur l'écriture, réaction à ce " formidable " pouvoir dont elle était alors porteuse : " Sa puissance de prolifération, sa capacité à intervenir sur le monde social en font un danger, un risque, une menace. " L'historien réveille ainsi la dynamique propre au couple savoir/pouvoir, si cher au philosophe Michel Foucault. Il met en scène la construction de la relation entre ces deux drôles de figures que sont le scripteur délinquant et le policier lecteur. Une relation cocréatrice, rythmée par des allers-retours très productifs. Vases communicants, l'écriture et la lecture deviennent tour à tour des armes. Au cours de cette lutte pour la conquête du pouvoir graphique alternent des moments de subversion –; culminant avec la Commune, en 1871 – et des moments de reconquête de l'espace urbain par la police. " L'agent, analyse l'historien, doit se constituer en observateur des scènes sociales qui se déroulent sous ses yeux, mais il lui faut aussi pouvoir décrypter les indices, et en particulier être capable de lire les écrits qu'il croise. Il doit être un lecteur actif, et cette nouvelle aptitude doit lui permettre de prévenir le désordre. " Le policier observe, décrit, collecte, " relève les écritures illicites, traque les clandestines et lutte contre les anonymes ". Et les efface, le cas échéant... Lire Artières, c'est assister à l'éclosion, en direct, d'un objet historique, fascinante anthropologie de l'écriture.

2013-11-09 - Juliette Cerf - Télérama

 

De nos jours la police de l'écriture fait bien davantage songer au style des caractères à choisir dans un traitement de texte qu'à une " délinquance graphique " telle qu'elle est décrite dans le dernier ouvrage de Philippe Artières. Ce livre prend place dans un triptyque en cours d'élaboration. Si l'historien, directeur de recherche au CNRS, s'est d'abord intéressé à la clinique de l'écriture, il se concentre ici sur l'écriture " délinquante " et envisage de conclure avec un travail sur la formation de la valeur financière des documents écrits -et sur le personnage du marchand de manuscrits. Il s'agit d'une histoire française de l'écriture et de la lecture par la marge, dans une perspective foucaldienne. Philippe Artières ne s'intéresse pas à l'histoire scolaire, il ne vise pas l'élaboration d'une histoire des pratiques d'écriture mais celle d'une histoire " de la production d'un certain nombre de dispositifs [...] fortement inscrits dans une histoire matérielle " (p. 16). Les écrits auxquels s'intéresse Philippe Artières sont manuscrits (graffitis, lettres anonymes), mais aussi imprimés (placards, affiches).

2013-12-04 - Camille Dorignon - Liens socio

 

L'historien relève d'infimes événements, les écrits répandus dans la rue, parfois par des anonymes, et montre comment autour d'eux se constitue le regard policier, entre le XIXe et le XXe siècles.

2014-01-04 - Christian Ruby - Non fiction

 

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La Vie des idées - vendredi 6 juin 2014

Artieres 1 par laviedesidees


 

Table des matières

Avant-propos. Pour une histoire sociale de l'écriture aux XIXe-XXe siècles
Introduction. Qu'est-ce que la police ?
I / Réglementer et circonscrire l'écriture publique (1852-1902)
1. Événements

Le recueil d'Alfred Delvau
La palissade d'Haussmann et la colonne Morris
La façade de la Chambre des notaires, place du Châtelet
2. Cadres
La Commune, une explosion graphique
La production d'un cadre législatif large : la loi de 1881
Réglementer l'affichage électoral
3. Reconquête urbaine
Édifier et commémorer
Nommer
Inscrire
Relever
II / Lutter contre la délinquance graphique (1871-1918)
4. Un nouveau lecteur

Des écrits pluriels
Une attention inédite
5. Décrire
Objets trouvés
Écritures déposées
6. Enregistrer
Nouveaux rapports
Saisir l'écrit explosif
7. Collecter
Le lecteur mobile
Le constat d'écriture
La traque du scripteur délinquant
III / Constituer un savoir policier sur l'écrit (1910-1945)
8. De la rue au laboratoire, naissance de l'expert : Edmond Locard

Un policier de l'infime
Un personnage né en littérature
La création d'un laboratoire de police scientifique
9. Edmond Locard, un expert au travail
Un expert sollicité par l'institution judiciaire
Le registre d'expertise, un outil essentiel
Les gestes de l'expertise
Les pouvoirs infinis d'un regard
10. Un objet central : les lettres anonymes
L'invention d'un objet
De l'affaire de Tulle à l'affaire Laffite
Le développement d'une police privée
Un expert au service de sa clientèle
Une théorie des écritures délinquantes : l'anonymographie
11. La délinquance documentaire
L'écrit secret
Traquer les faux-papiers
De nouveaux acteurs : les " consultants en sécurité "
Conclusion
Remerciements
Notes.