La force de l'obéissance - Béatrice Hibou

La force de l'obéissance
Économie politique de la répression en Tunisie

Béatrice Hibou

Les violations des droits de l'homme et l'absence d'opposition politique dans les dictatures font régulièrement l'objet de critiques. Ce que l'on connaît moins, c'est le fonctionnement intime de ces régimes, les mécanismes par lesquels des populations entières se trouvent durablement assujetties. C'est ce travail de dévoilement qu'a entrepris Béatrice Hibou. À la croisée de deux traditions intellectuelles, l'économie politique wébérienne et l'analyse foucaldienne, elle analyse, à partir du cas de la Tunisie, les modes de gouvernement et les dispositifs de l'exercice concret du pouvoir. Elle montre comment ces dispositifs façonnent les modalités de l'obéissance, voire de l'adhésion. L'auteur fait émerger les rationalités des mécanismes d'assujettissement à partir de l'analyse du fonctionnement de l'économie tunisienne. Elle explique ainsi comment l'économie d'endettement, la fiscalité, la gestion des privatisations, l'organisation de la solidarité et de l'aide sociales créent des processus de dépendance mutuelle entre dirigeants et dirigés. La répression et le contrôle policier apparaissent alors moins centraux que les arrangements, les accommodements, les petites ruses calculées, les compromissions au jour le jour, les instrumentalisations réciproques garantissant la légitimation quotidienne du régime. Bien au-delà du seul cas tunisien, cet essai dérangeant fait comprendre comment se perpétuent les régimes autoritaires. Il permet aussi d'éclairer les mécanismes de domination à l'œuvre dans les États que l'on considère comme démocratiques.


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Détails techniques
Collection : Textes à l'appui / Hors Série
Parutions : 24/08/2006
ISBN : 9782707149244
Nb de pages : 372
Dimensions : 15.5 * 24.0 cm

Béatrice Hibou

Béatrice Hibou est directrice de recherches au CNRS (rattachée au Centre d'études et de recherches internationales – Sciences Po). Elle est l'auteur de plusieurs livres, dont, à La Découverte, La Force de l'obéissance (2006), Anatomie politique de la domination (2011) et La Bureaucratisation du monde à l'ère néolibérale (2012).

Extraits presse

"Cet ouvrage, fruit d'un long travail de terrain effectué dans des conditions difficiles - filatures, tentatives d'intimidation- s'inspire à la fois de l'économie politique de Max Weber et de la sociologie de Michel Foucault, pour nous révéler une réalité complexe, loin des idées reçues."
ALTERNATIVES INTERNATIONALES

" Au-delà du seul cas tunisien, cet essai dérangeant met en évidence comment fonctionnent et se perpétuent les formes de gouvernement autoritaires et les mécanismes de domination à l'oeuvre dans des régimes considérés comme démocratiques. "
LE JOURNAL DU CNRS

" Ce livre est une mine d'or de laquelle il est difficile d'extraire une pépite, tellement l'opus en regorge. "
BAKCHICH

" La Tunisie n'est pas un cas exceptionnel d'économie politique de la répression. Mais cette étude, appuyée sur neuf années de recherche, servira désormais de référence pour mieux comprendre les autres. "
ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES

" Un essai à la lecture parfois difficile, mais qui éclaire, au -delà du cas tunisien, les mécanismes de domination et d'adhésion à l'oeuvre dans les régimes autoritaires. "
L'EXPRESS

" Ce livre passionnant et scientifiquement rigoureux démonte chaque rouage du système absolu, tout en manifestant qu'il repose sur un consentement de chaque individu. "
ENJEUX MÉDITERRANNÉE

" Chercheur au CNRS, Béatrice Hibou vient de commettre un livre puissant sur la Tunisie sous le titre: La force de l'obéissance, économie politique de la répression. Une fois décantées les pages sur la méthodologie de cette somme savante, ressortent de "pures infos" sur les réseaux politico-financiers au pays du jasmin. "
MAGHREB CONFIDENTIEL

" Si l'on passe outre le style très universitaire de cet ouvrage, parfois un peu redondant, La force de l'obéissance offre sans doute l'une desmeilleurs radiographies du "système Ben Ali ". "
LE MONDE

" Une étude minutieuse du régime de Ben Ali, " dictature douce " où le silence est le prix à payer pour le confort collectif. "
LE TEMPS

" Le mérite de Béatrice Hibou est de "s'attaquer" avec énergie à un régime contemporain, la Tunisie du président Ben Ali. Le résultat de ce travail, mené sur près d'une dizaine d'années, a d'ailleurs attiré à lui la "sollicitude" empressée de la police tunisienne et de ses affidés français, ainsi que le relate avec courage, l'auteur de cet ouvrage. On ne dévoile pas impunément les mécanismes d'un régime ami de la grande République. [...] L'image d'une société stable et heureuse que le régime et ses soutiens projettent à l'extérieur ("La Tunisie amie") n'est qu'illusion. Des désordres politiques et sociaux qui ont emporté le régime de Bourguiba, les artisans de la Tunisie actuelle ont retenu qu'il faut engluer les forces de la contestation. Ce perfectionnement de l'autoritarisme nécessitait bien une analyse. "
ESPRIT

" Un ouvrage qui est fondateur d'une économie politique de la répression. Il restitue avec finesse et profondeur neuf ans de recherche en Tunisie tout en apportant une contribution analytique aux concepts d'Etat de police et de pouvoirs autoritaires s'appuyant sur les dimensions imaginaires et fictives de l'exercice du pouvoir et sur la dialectique de la domination et de la dépendance qui caractérisent toute relation de pouvoir. "
LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE

" Béatrice Hibou, chercheur au CERI, vient d'écrire un grand ouvrage, par la taille et surtout sur le fond, sur l'économie politique de la répression et les mécanismes d'assujettissement à partir de la Tunisie. [...] L'ouvrage témoigne à la fois d'une très grande culture et d'une connaissance en profondeur du terrain. Le discours est stimulant, roboratif, à contre-courant. Il refuse les typologies et classifications en -isme (autoritarisme, islamisme, sultanisme, néo patrimonialisme souvent mobilisés pour comprendre la société tunisienne) pour appréhender l'individu et la sphère interne aux relations de pouvoir et les pratiques intériorisées. "
REVUE TIERS-MONDE

" Cet ouvrage constitue une étape importante de la production scientifique sur la Tunisie politique contemporaine. De par son ambition empirique tout d'abord, celle de déployer son regard et sa thèse sur de larges pans de la société politique tunisienne. De par son ambition théorique ensuite, celle d'apporter des éléments de compréhension au fonctionnement concret des régimes autoritaires, quels qu'ils soient. "
IISMM.EHESS.FR

" L'ouvrage nous invite à un voyage au coeur des processus économiques de la dépendance. Il est le fruit d'un travail d'enquête approfondi, de plusieurs années, auprès des acteurs de l'économie tunisienne. "
ANNALES

2024-11-21 - PRESSE

 

Table des matières

Introduction
Une répression indéniable
Mort sociale et exil intérieur
Au-delà de la répression, une économie politique de l'assujettissement
Au-delà de l'autoritarisme, une analyse " laïque " d'une situation politique
La fiction au cœur de l'exercice autoritaire du pouvoir
Retour à Max Weber
Interpréter le terrain
I. Le pouvoir à crédit
1. Créances douteuses
Le traitement comptable des créances douteuses
Une multiplicité de sources
Des apurements continus, réels mais formels
Les ambivalences de la modernisation du secteur bancaire
Une amélioration et une libéralisation réelles
Un archaïsme indépassable ?
La préférence pour les créances douteuses sans cesse réactualisée
Une économie d'endettement multiforme
Le financement de l'action publique
Le financement de l'économie et de la consommation privées
Les créances douteuses, un mécanisme " moderne "
2. Les dépendances mutuelles de l'endettement
La participation collective à un monde fictif
Les facettes de l'activisme étatique
Le cercle vertueux des financements extérieurs
Un réseau d'intérêts convergents
Des failles dans le complexe politico-financier
Les fondements sociaux de l'économie d'endettement
La valeur symbolique de l'intrusion politique
La fonction régulatrice des immixtions politiques
Les modalités de l'ordre social implicite
II. L'adhésion encadrée
3. Un quadrillage méticuleux

L'omniprésence policière, ou les filets de la peur
La police, une autorité morale
La banalisation policière
Le parti, ou les rets de la médiation sociale
Les cellules, intermédiaires du pouvoir central
Les cellules, dispositif de redistribution
Les cellules, vecteur d'intégration et d'adhésion encadrée
L'encadrement par le bas, ou le quadrillage par l'individualisation du contrôle
L'encadrement assumé : les organisations nationales et les comités de quartier
L'encadrement diffus : les milliers d'associations
L'enfermement de la " société civile indépendante "
Le jeu impossible des partenaires étrangers : l'exemple des financements européens
Des " indics " aux assistantes sociales : la surveillance individuelle au quotidien
4. Le travail normalisateur de la l'appareil bureaucratique
La centralité bureaucratique
Hiérarchie et allégeance
Centralité et attentisme : les paradoxes de l'administration tunisienne
" Il faut défendre la société " : la justice au service de la normalisation
Une justice fonctionnelle
Une justice sous pression
Bureaucratisation et disciplinarisation des organisations économiques intermédiaires
L'UGTT, un dressage par l'économique
L'UTICA, appendice et intermédiaire agréé de l'appareil de pouvoir partisan
III. La puissance des " douceurs insidieuses " : négociations et consensus
5. " Les capitalistes ne prendront jamais le maquis "
Les méandres de la relation fiscale
La légitimité du contrôle comme de l'évasion
L'importance politique de la relation fiscale
Le déploiement national et international des entreprises tunisiennes
Rester petit pour rester libre ?
Internationalisation et grève des investissements, une surinterprétation politique
Soumission réelle, soumission imaginée
De quel interventionnisme s'agit-il ?
Des interventions incessantes et routinières
Un interventionnisme largement sollicité
Le consensus dans le monde économique : ambiguïtés politiques
6. L'accomodement négocié
Offshore et flux tendus
Les atouts du dualisme
Flux tendus et gouvernement disciplinaire
Contrôle social et mise au travail des Tunisiens
La " mise au travail capitaliste " des Tunisiens
Un paternalisme affirmé et diffus
Un contrôle social assumé
La permanence des rapports de force
Tensions et étouffement des conflits de travail
Multiplicité des logiques internes
Les multiples voies de l'accommodement négocié
Assentiment et habitude
Entre adhésion et distanciation
7. les contours du Pacte de sécurtié tunisien
Le Pacte de sécurité, ou comment assurer ordre et quiétude
Une sécurité économique et sociale pour parer au plus grand des dangers
Dépendance et sécurité : les contours du Pacte
Sécurité et laisser-faire : deux facettes complémentaires du Pacte
L'insertion économique par tous les moyens
Le crédit garanti : La Banque tunisienne de solidarité
Les jeunes, entre contrôle et laisser-faire
Le Fonds de solidarité nationale, ou l'ombre intolérable
Le mécanisme du don obligatoire
Le " 26.26 ", technique d'assujettissement
Une vision non libérale du pacte de sécurité
" C'est le prix à payer " : négociations et création du " consensus "
La négociation permanente, ciment de l'ordre social
La construction volontariste du consensus
Violence du consensus et idéologie du silence
IV. Surveiller et réformer
8. Le réformisme : un bon redressement

Éléments de construction du mythe réformiste
Les contours actuels du réformisme officiel
Techniques de mythification du réformisme
Le réformisme, cité imaginaire
L'occultation des discontinuités et des différences
Le réformisme, problématisation obligée du politique
Les fondements sociaux du réformisme
Le réformisme comme processus d'assujettissement
Le réformisme, un imaginaire commun
La pluralité de sens du réformisme
Réformisme et " tunisianité ", un éthos diffus
Une manière d'être tunisienne dans le monde
L'ambivalence de la " tunisianité "
Préférence nationale et ouverture limitée : le " nationalitarisme " économique en pratique
Un nationalisme économique explicite
L'exemple de la libéralisation du commerce extérieur
Les multiples instrumentalisations du " nationalitarisme "
Le national-libéralisme, une gestion complexe de l'insertion internationale
La pluralité des logiques d'action
L'exemple de l'informel
9. Des réformes à perpétuité, succès du réformisme
Des privatisations tout en prudence, ou comment défendre " latunisianité "
Tentative d'évaluation : la faiblesse des investisseurs étrangers
Les multiples formes du redéploiement étatique et bureaucratique
Rejet du regard extérieur mais adoption du lexique global
L'idéal panoptique de la mise à niveau
La rationalité économique de la mise à niveau
La mise à niveau, " affaire d'État "
La mise à niveau, une discipline intégrée
Le réformisme, une domination ambiguë et intérieure
Conclusion
Pouvoir personnel et extrême centralisation : réalité d'un " contrôle absolu "
" Corruption ", népotisme et illégalismes : une modalité de gouvernement parmi d'autres
L'hypothèse de l'État tunisien comme " État de police "
Un État de droit aléatoire
L'individu et l'intime au cœur des relations de pouvoir.