Le rêve peut-il être appréhendé par les sciences sociales ? Objet devenu indissociable de la psychanalyse, étudié par la psychologie et les neurosciences, il était jusqu'à ce jour largement ignoré des sociologues. Certes, quelques chercheurs ont pu s'interroger sur la manière dont le rêve a été perçu selon les époques et les milieux. Mais ce que propose Bernard Lahire ici, c'est d'entrer dans la logique même de sa fabrication et de relier les rêves aux expériences que les individus ont vécues dans le monde social.
L'ambition de cet ouvrage, inédit en sociologie, est d'élaborer une théorie générale de l'expression onirique. En partant des acquis du modèle d'interprétation proposé par Freud, Bernard Lahire s'efforce d'en corriger les faiblesses, les manques et les erreurs, en tirant parti des nombreuses avancées scientifiques accomplies depuis L'Interprétation du rêve.
À l'issue de cette recherche, le rêve apparaît, à l'opposé de ce que croyait Freud, comme l'espace de jeu symbolique le plus complètement délivré de toutes les sortes de censure, tant formelles que morales. La communication de soi à soi dans laquelle s'exprime le rêve fait de lui le plus intime des journaux intimes. Il livre, à qui veut s'y intéresser, des éléments de compréhension profonde et subtile de ce que nous sommes. Son étude permet de voir frontalement ce qui nous travaille obscurément, et de comprendre ce qui pense en nous à l'insu de notre volonté.
Cette théorie de l'expression onirique contribue aussi à la transformation de la sociologie en lui donnant de nouvelles ambitions. Si le rêve fait son entrée dans la grande maison des sciences sociales, ce n'est pas pour laisser le lieu en l'état, mais pour en déranger les habitudes et en agencer autrement l'espace.
Bernard Lahire, directeur de recherche CNRS, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon (Centre Max-Weber) et membre senior de l'Institut universitaire de France, a publié une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels L'Homme pluriel (Nathan, 1998), Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire (La Découverte, 2010), Dans les plis singuliers du social (La Découverte, 2013), Ceci n'est pas qu'un tableau (La Découverte, 2015), L'Interprétation sociologique des rêves (La Découverte, 2018) et Enfances de classe (Le Seuil, 2019).
2018-01-05 - Jean-Marie Durand - Les Inrocks
Le rêve n'est pas toujours l'expression d'un désir, n'en déplaise à Sigmund Freud. Nos nuits sont hantées par le monde politique et social, comme le montre le sociologue Bernard Lahire dans son livre L'Interprétation sociologique des rêves.
2018-01-25 - Juliette Cert - Télérama
Après avoir retracé l'historique de " la science des rêves ", il met en perspective le moment freudien, puisque " rien ne commence ni ne s'arrête avec Freud ". Si l'auteur salue les avancées scientifiques de la psychanalyse freudienne et sa compréhension des mécanismes de la vie psychique, il remet en cause sa méthodologie, la restriction des relations sociales premières à la famille son déterminisme infantile sa réduction sexualiste, la limitation de l'inconscient au refoulé et à la censure. [...]
2018-01-29 - Nicolas Mathey - L'Humanité
À la croisée de nombreuses disciplines et reprenant des travaux méconnus sur l'activité onirique, des découvertes sur la conscience et le fonctionnement de la pensée, [Bernard Lahire] formule une audacieuse théorie : selon lui, nous y rejouons, en nocturne, les schémas et déterminismes inconscients qui " travaillent " notre personnalité et fondent nos comportements.
2018-02-01 - Véronique Radier - L'Obs
Remerciements
Introduction. Un rêve pour les sciences sociales
1. Les progrès de la science des rêves
Le rêve avant Freud
La nécessité d'une théorie intégratrice
Progrès scientifique et relativisme
L'art de boiter : la fin de la spéculation pure
Sur l'interprétation scientifique des rêves
Au‑delà de Freud
2. Le rêve : une réalité individuelle intrinsèquement sociale
Le social est‑il soluble dans le cérébral ?
Quelques précédents dans les sciences sociales
Limites des approches environnementalistes : l'écologie du rêve
Limites des approches littérales : l'analyse de contenu des récits de rêves
En quoi le rêve est‑il social ?
Définir le social – Un programme dispositionnaliste et contextualiste sur les rêves –
Les multiples déterminants sociaux des rêves
Une formule générale d'interprétation du rêve
La formule générale d'interprétation des pratiques - Une formule générale adaptée au rêve
3. Psychanalyse et sciences sociales
Entre biologique et social
Psychanalyse et formule générale d'interprétation des pratiques
Explication infantiliste
Explication sexualiste
Les hauts et les bas du rêve : sexualité et domination
La famille, le pouvoir et le sexe – Dominer ou être dominé – Le rêve en régime totalitaire – Le
rêve de grandeur d'Hobson
4. Passé incorporé et inconscient
Les modes d'actualisation du passé incorporé
Le cerveau statisticien ou l'anticipation pratique
L'intériorisation des régularités de l'expérience
Schèmes oniriques et passé incorporé
Critique de l'événementialisme
5. Conscience involontaire et inconscient
La conscience involontaire du rêveur
La croyance en la réalité du rêve – Ça pense en moi : une autre image de l'être humain
Inconscience ou conscience involontaire
L'inconscient sans refoulement
6. Censure formelle, censure morale : le double relâchement
Le plus privé du privé : scènes et coulisses
Les conditions sociales d'effacement de la censure morale comme formelle – Que fait la censure ? – Une lucidité du rêve ?
Tout rêve n'est pas accomplissement d'un désir inassouvi
7. Problématique existentielle et rêves
Rêve et hors‑ rêve
La force motrice des émotions
Les effets thérapeutiques et politiques de l'explicitation des problèmes
8. Les événements déclencheurs
Le résidu diurne : imprécisions théorico‑méthodologiques
Le résidu diurne : l'inertie de l'habitude
Les effets différés des événements déclencheurs
Perceptions et sensations nocturnes
9. Le cadre du sommeil
Contraintes cérébrales et psychiques
Retrait du flux des interactions
Communication de soi à soi : langage intérieur, relâchements formels et implicites
Le rêve et les codes de l'intimité – Vivre son rêve – Récits de rêves et mauvais récits scolaires
– Le langage intérieur, la solitude et le rêve
10. Les formes élémentaires de la vie psychique
L'analogie pratique
L'analogie dans le rêve
Le transfert analytique comme transfert analogique
Association : analogie et contiguïté
11. Les opérations oniriques
Langage verbal, capacité symbolique et images du rêve
Visualisation
Dramatisation‑exagération
Symbolisation personnelle ou universelle
Métaphore
Condensation
Inversions, oppositions, contradictions
12. La variation des formes d'expression
Un continuum expressif
Formes d'expression, formes d'activité psychique et types de contexte social
La fausse " expression libre " du rêve et la gradation des contraintes contextuelles
Le rêve entre assimilation et accommodation
Le rêve, à la différence de la littérature
Le jeu et le rêve
Le rêve et la rêverie éveillée
La cure analytique : recréer les conditions du rêve
13. Éléments de méthodologie pour une sociologie des rêves
Caractère éphémère du rêve et récit de rêve
Faut‑il connaître le rêveur pour comprendre ses rêves ?
L'accès au hors‑rêve : les associations
Au‑delà des associations
L'accès au hors‑rêve : la biographie sociologique
Explicitations, associations, récits biographiques partiels ou systématiques
Conclusion 1. Un rêve sans fonctions
Conclusion 2. Le rêve, la volonté et la liberté
Coda. Sens et enjeu de la formule d'interprétation des pratiques
Bibliographie
Index thématique et conceptuel
Index des noms d'auteurs.