Comment expliquer l'étrange survie des forces pourtant responsables de la crise économique de 2008, l'une des pires depuis 1929? Comment expliquer que le néolibéralisme soit sorti renforcé de la crise ? Au moment de son déclenchement, nombre d'économistes parmi les plus célèbres avaient hâtivement annoncé sa " mort ". Ils n'ont vu dans la poursuite des politiques néolibérales que le résultat d'un entêtement doctrinal.
Pour Pierre Dardot et Christian Laval, le néolibéralisme n'est pas qu'un simple dogme. Soutenu par des oligarchies puissantes, il est un véritable système politico-institutionnel obéissant à une logique d'auto renforcement. Loin d'être une rupture, la crise est devenue un mode de gouvernement d'une redoutable efficacité.
En montrant comment ce système s'est cristallisé et solidifié, le livre explique que le verrouillage néolibéral a réussi à entraver toute correction de trajectoire par la désactivation progressive de la démocratie. Accroissant le désarroi et la démobilisation, la gauche dite " gouvernementale " a contribué très activement au renforcement de la logique oligarchique. Ceci peut conduire à la sortie définitive de la démocratie au profit d'une gouvernance expertocratique soustraite à tout contrôle.
Pourtant, rien n'est encore joué. Le réveil de l'activité démocratique, que l'on voit se dessiner dans les mouvements et expérimentations politiques des dernières années, est le signe que l'affrontement politique avec le système néolibéral et le bloc oligarchique a déjà commencé.
Pierre Dardot est philosophe et chercheur à l'université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense.
Christian Laval est professeur émérite de sociologie à l'université Paris-Nanterre.
2016-05-25 - Chloé Rébillard - Sciences Humaines
Ce cauchemar qui n'en finit pas. Comment le néolibéralisme défait la démocratie, ouvrage de Pierre Dardot et de Christian Laval, déconstruit parfaitement cette rationalité instrumentale mondiale qui s'évertue à produire une " sortie de la démocratie ", ou encore cette constitutionnalisation de droit privé qui fait des États les seuls garants du respect des règles de droit privé. L' " évidemment " de la démocratie est en marche et s'appuie sur la crise, comme mode de gouvernement. L' " auto-aggravation " de la crise est son meilleur moteur. L'État ne protège plus les populations mais le capital. Wendy Brown, rappellent les auteurs, a parlé de " dé-démocratisation consistant à vider la démocratie de sa substance sans la supprimer formellement ". Dans ce processus, la fabrication de la dette publique joue le rôle d'un véritable " nœud coulant ". Pourtant, nous savons depuis longtemps que le " rejet du fardeau " de la dette (en grec ancien, la seisachtheia) est un principe majeur dans l'émancipation des individus et des sociétés.
2016-05-27 - Cynthia Fleury - L'Humanité
Voilà un essai qui résonne singulièrement avec l'actualité la plus immédiate. " Nous écrivons ce livre avec un sentiment d'urgence ", commencent les deux auteurs. L'urgence, c'est celle de l'accélération de la sortie de la démocratie et la nécessité de comprendre ce qui la rend possible. Reprenant leurs analyses développées en 2009 dans La nouvelle raison du monde, Dardot et Laval pensent le néolibéralisme non comme un ensemble de doctrines ou de politiques visant à affaiblir l'État, mais comme un système, une logique, une " raison-monde " qui s'impose à toutes les relations sociales. En concentrant la richesse dans les mains de quelques-uns, le néolibéralisme insécurise et discipline la population. Il fragmente la société et désactive la démocratie. C'est à partir de cette matrice de pensée que nos deux auteurs rendent compte du rôle que joue la crise comme mode de gouvernement.
2016-06-03 - Céline Mouzon - Alternatives Économiques
Pierre Dardot et Christian Laval montrent en quoi le néolibéralisme est le produit d'une volonté politique plus que d'un processus économique. Après La nouvelle raison du monde (2009) et Commun (2014), le tandem Pierre Dardot et Christian Laval nous propose une passionnante analyse du processus néolibéral. Dardot, le philosophe, et Laval, le sociologue, posent d'emblée cette question en forme de paradoxe : pourquoi après tant d'échecs, tant de crises – notamment celle de 2008 – et tant de ravages, le système néolibéral ne s'effondre-t-il pas de lui-même ? Ils avancent une réponse qui sert de fil conducteur à leur essai au titre sombre : Ce cauchemar qui n'en finit pas. C'est que, loin d'affaiblir le système, les crises au contraire le renforcent et le radicalisent, au point qu'elles deviennent un " mode de gouvernement ". Inutile par conséquent d'espérer la " crise finale " qui terrasserait le système. La solution ne réside pas dans un effondrement soudain de l'édifice, mais dans l'invention d'une véritable alternative.
2016-06-16 - Denis Sieffert - Politis
Introduction. En pire
1. Gouverner par la crise
Oligarchie contre démocratie
La radicalisation du néolibéralisme
La crise comme mode de gouvernement
La crise comme arme de guerre
2. Le projet néolibéral, un projet antidémocratique
Contre la " souveraineté du peuple "
La supériorité du droit privé sur le gouvernement et l'État
La " démarchie " ou la constitutionnalisation du droit privé
L'idée ordolibérale d'une " constitution économique "
3. Système néolibéral et capitalisme
Le système disciplinaire de la concurrence
Système néolibéral et " lois " du capital
Repousser toujours plus loin les frontières de l'appropriation de la nature
L'illimitation comme régime de la subjectivité
4. L'Union européenne ou l'Empire des normes
Le " projet européen " : du récit des origines à la réalité historique
La construction du grand marché
La gouvernance expertocratique de l'Union européenne
Le budget et la monnaie comme instruments de discipline
En quoi l'Union européenne est-elle " sociale " ?
5. Le nœud coulant de la dette
La dette comme outil de gouvernement
Une nouvelle conception de la " souveraineté "
Tous les moyens sont bons
Une logique de guerre politique
La " dettocratie " ou le pouvoir souverain des créanciers
Des sociétés asservies à la dette
6. Le bloc oligarchique néolibéral
Les acteurs de la radicalisation
La politique professionnelle et la domination néolibérale
La corruption systémique
L'âge du
corporate power
L'osmose de la banque et de la haute administration
L'expertise économique et le modelage médiatique de la réalité
Le bloc oligarchique et la gauche de droite
Conclusion. La démocratie comme expérimentation du commun
Une crise historique de la gauche
L'expérience du commun contre l'expertocratie
La stratégie du bloc démocratique.